La victoire du PJD aux communales du 4 septembre 2015

La prise du pouvoir dans les villes par les Islamistes, après l’Exécutif, ne relève pas que de la cuisine politique intérieure. Elle intéresse, au plus haut point, nos partenaires de l’autre côté de la Méditerranée et même d’Outre- Atlantique. Les chancelleries étrangères sont aux aguets. Elles observent et transcrivent les moindres frémissements de la vie politique nationale. C’est leur rôle. Que pensent-elles de cette montée en puissance de l’islamisme politique, au rythme des consultations électorales à caractère local et des législatives au suffrage universel? Elles s’inquiètent. Quoi de plus normal dans le contexte actuel. Le “Printemps arabe” n’a rien d’une doucereuse mutation politique. Il s’est transformé en canicule sanglante et chaotique. Une saison unique, à plein temps. Les populations fuient au risque de leur vie, pour échapper à une mort certaine. La planète vit à l’heure la plus funeste de l’histoire contemporaine du monde arabe.
Voir les Islamistes de chez nous prendre d’assaut électoral les centres d’élaboration des politiques nationales et étrangères ne peut que susciter quelques craintes, du moins une attention particulière. Jusqu’où peut aller cette réislamisation par les urnes d’un pays séculièrement musulman, en terme de culture et d’institutions?, se demande-t-on. L’expérience algérienne toute récente, avec ses dix années de guerre civile et ses 200 mille morts, est là pour nous rappeler que ce questionnement n’est pas gratuit. Il s’agit donc de rassurer tous ces circuits diplomatiques qui nous tiennent à l’oeil et à la loupe, avec un intérêt bien compris.
La réponse est à cheval entre un passé vivace et un présent en devenir. Ce qui milite en faveur du Maroc, c’est l’influx nerveux de son histoire sur le cours des choses actuelles. Disons, pour faire vite, que le Maroc a toujours eu un pouvoir central qui a traversé les dynasties et les conjonctures internationales les plus défavorables. La manifestation physique de ce pouvoir a continué d’exister sous le Protectorat, dans un parallèle d’abord de limitation dans le temps, puis de refus. Un fait, un peu plus ancien mais qui n’a rien d’anecdotique: Nous sommes le seul pays arabo-musulman où la prière du vendredi ne s’est jamais dite au nom de quelque califat que ce soit, depuis Damas, Baghdad ou Constantinople, autre que le sultan du Maroc. Cette particularité, qui n’a pas cessé de fonctionner, est un gage de continuité.
Depuis l’alternance en 1997, et la normalisation du rapport à l’État, il y a eu un mariage de raison, sous le sceau d’une modernité bienvenue, entre la volonté populaire par les urnes et la supervision validante de la monarchie. Valeur aujourd’hui, rien n’a changé dans cette construction institutionnelle qui, faut-il le rappeler, n’a pas été facile à mettre en place. Quant à l’avènement de l’Islamisme politique dans la gestion de la chose publique, aussi intrusif qu’il paraisse, il reste une affaire d’État.
C’est aussi cela la continuité de fond qui a pu intégrer les formes nécessaires de rupture. Ceci pour dire qu’il n’y a rien à craindre de ce côté-là. Le Maroc demeure, comme il l’a toujours été, un pays ouvert sur le monde extérieur, dans toute sa diversité culturelle et ses valeurs de tolérance civilisationnelle. Si ce n’était pas le cas, comment alors expliquer l’afflux de capitaux étrangers, privés et publics, autrement que par une attractivité et surtout une assurance jaugée à l’aune de la marge de risque, réel ou potentiel ? Comme chacun sait, le capital est frileux, sinon franchement peureux.
Il est hyper sensible aux moindres variations du climat politique du pays à investir. Ici, toutes les garanties et toutes les incitations sont offertes. Parfois même, un peu trop. Pour humaniser la haute finance omnipotente, disons que les petites et moyennes entreprises sont les bienvenues. Et que les touristes de tous les horizons peuvent séjourner dans nos murs, en toute sécurité