Réseaux sociaux : Quand la prostitution se digitalise

Sur les réseaux sociaux ou dans la rue, l’exhibitionnisme et la provocation prennent de l’ampleur. De la prostitution sur internet à l’étalement des attributs et des rondeurs sur Youtube et Instagram, les normes sociales semblent devenir plus fragiles.

Les réseaux sociaux sont-ils devenus le nouveau marché prostitutionnel? Un grand bordel et un relais de croissance de prostitués où l’offre et la demande abondent et où ces nouvelles travailleuses érotiques débordent d’imagination pour récolter le plus grand nombre de likes. Sur Youtube, Instagram, Tik Tok ou d’autres applications de vidéo call payantes, de plus en plus de Marocaines exhibent leurs attributs et leurs rondeurs.

Sur Instagram, le mardi 11 janvier 2021, plus de 950 personnes suivaient un live où trois femmes et un homme simulaient un acte sexuel. Seins à l’air, formes très généreuses déambulant en string, dansant sur les rythmes du chaâbi et débitant des sons d’orgasmes… les participants à ce live, où des visages sont carrément à découvert, utilisent tous les moyens pour faire monter l’excitation, demandant toutes les secondes aux followers de partager leur live.

D’autres publient sur ces réseaux des bandesson sexuelles, certaines à visage couvert s’adonnent à la pornographie avec leur partenaire. Des sessions privées sont organisées où les clients, pour la plupart issus des pays du Golfe, sont assouvis dans leurs moindres désirs, moyennant des cadeaux envoyés via une application que la prostituée peut reconvertir en argent. Sur deux applications très connues du marché, les Marocaines sont bien réputées et jouissent d’un rang de choix dans le classement mondial de ces applis.

Certaines génèrent des dizaines de milliers de dollars par mois, surtout si elles arrivent à parrainer le maximum de filles. Et ces dernières sont frileuses pour ce type de solutions à cause de la crise du Covid-19 et ses mesures restrictives qui ont plombé le marché du sexe au Maroc avec les fermetures régulières des bars et boites de nuit et celle des frontières aériennes.

Manque de contrôle parental
Sur Youtube, c’est le phénomène Routini Lyawmi (ma routine quotidienne, en français) qui a le vent en poupe. Des millions de Marocains visionnent des contenus où des femmes vêtues d’habits sensuels très moulants s’exhibent. «Je gagne très bien ma vie. Avec la crise du Covid-19, je me suis tournée vers ces réseaux sociaux et applications, et je ne vous cache pas que c’est une mine d’or.

Le matin je tourne une vidéo que je publie sur Youtube, la journée je suis connectée à deux applications de vidéo call payantes, je publie 6 à 10 stories et vidéos minimum sur Snapchat, Tik Tok, WhatsApp… et le soir, à partir de minuit, on s’amuse sur Instagram. Outre les revenus issus du nombre de vues, qui sont assez conséquents, je prospecte mes clients sur ces réseaux, je leur envoie des vidéos personnalisées, on s’appelle et on peut se rencontrer aussi… enfin si j’ai le temps», nous témoigne une jeune femme qui nous confie qu’elle génère plus de 35.000 dirhams par mois grâce à sa reconversion digitale, soit plus que le double de ses revenus d’avant la Covid-19, nous confie-t-elle.

Plus ou moins subtiles, des centaines de pseudo-influenceuses ont investi Instagram et Tik Tok. A coups de photos retouchées, usant des filtres, vidéos et stories… elles partagent leur quotidien et organisent des lives où elles s’improvisent coach en développement personnel, conseillère en image, en décoration d’intérieure, en nutrition, en relations conjugales et politologue et experte en relations internationales à leurs heures perdues.

Faisant saliver leurs followers par leurs clichés photoshopés où elles sont quasi nues, elle créent le buzz, provoquent des clashes entre elles, s’insultent… Le but ultime est la renommée et le maximum d’abonnés. Les plus chanceuses cumulent les collaborations quotidiennes avec des marques de grande consommation. Des revenus faramineux sont engrangés sans aucune traçabilité, provoquant un énorme manque à gagner au fisc marocain. D’ailleurs, ce dernier s’est penché récemment de manière sérieuse sur cette question, traquant les pseudo-influenceurs.

Loin de diaboliser une catégorie particulière de femmes marocaines, les nouvelles prostituées du digital et certaines fausses instagrameuses sont aujourd’hui une réalité. Une réalité qui peut constituer une véritable bombe à retardement. Les milliers de jeunes filles qui les suivent et s’inspirent de leurs faux conseils sont facilement influençables.

C’est toute une génération qui est compromise, face à un manque de contrôle parental, un Etat absent qui ne régule pas et quelques médias qui ne rehaussent pas le niveau intellectuel et qui suivent la tendance des réseaux sociaux, quitte à inviter des prostitués et des ignorants à des émissions pour créer du buzz. Ces médias prennent le relais des réseaux sociaux, contribuant à un abrutissement de masse et à une crédibilisation de modèles dont le seule objectif est l’enrichissement sans scrupules et sans respect des valeurs morales.

On le voit aujourd’hui, une partie de cette nouvelle génération s’en fout carrément de l’intime, de la pudeur et du respect d’autrui. Dans la rue, en restaurant et même en milieu universitaire, elles se pavanent en leggings extrêmement moulants et transparents, exhibant leur «camel toe» et leurs strings, en décolleté très plongeant et outrageux. Et gare à celui qui s’aventure à faire une remarque. La liberté individuelle est vite brandie. Une conception de la liberté où la vulgarité, l’obscénité, l’exhibitionnisme la prostitution et l’argent facile et rapide sont les mots d’ordre.

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