L’îlot de Sidi Abderrahmane, situé à quelques mètres de la plage d’Aïn Diab à Casablanca, a récemment subi une transformation spectaculaire. Autrefois considéré comme un abri pour des charlatans, fqihs et voyantes, ce lieu mythique fait peau neuve. Neuf mois après la démolition des maisons entourant le mausolée sur ordre du Wali de Casablanca-Settat, Mohamed Mhidia, l’îlot a été réouvert au public le 21 septembre.
Conçu comme un site touristique, le mausolée de Sidi Abderrahmane trône désormais seul sur l’îlot, qui était autrefois un haut lieu de la sorcellerie. Tout en conservant sa célèbre Koubba, le mausolée a été entièrement rénové, avec l’ajout de nouveaux espaces, dont une librairie, un observatoire, un centre d’interprétation du patrimoine, un bassin d’eau et un espace dédié aux expositions et projections.
«Marcher sur l’eau»
Et pour permettre aux visiteurs de découvrir les saints et les pieux de la ville, le site présente des fiches détaillées de six mausolées emblématiques, notamment Sidi Belyout, Lalla Taja, Sidi Messaoud, Sidi Ahmed Ben Ichou, Sidi Maârouf, Sidi Moul Assabian et Sidi Allal Quayrawani. Les informations sur ces saints sont disponibles en arabe, français et anglais, permettant ainsi à un large public de les découvrir. L’accès à ce site revitalisé est désormais limité, avec des heures d’ouverture prévues du mardi au dimanche, de 9h00 à 18h00. L’entrée est gratuite, permettant à tous de profiter de ce patrimoine culturel. Les murs du mausolée ont été repeints et des panneaux informatifs ont été installés, offrant une expérience agréable aux visiteurs.
En janvier dernier, les autorités de Casablanca ont ordonné la démolition de toutes les constructions anarchiques de l’îlot de Sidi Abderrahmane, ouvrant la voie à cette réhabilitation tant attendue.
Mais que sait-on réellement de Sidi Abderrahmane ?
Pas grand-chose à vrai dire, la réputation ésotérique du promontoire éclipsant le mythe du marabout qui y est inhumé.
Son histoire, comme toutes celles des saints reste entouré de mystère et d’incertitude.
Abderrahman serait un notable issu de Bagdad. Chassé de la ville persane il y a trois siècles, il aurait vagabondé jusqu’aux côtes Atlantique trouvant refuge sur l’île qui porte aujourd’hui son nom. Certains, prétendent qu’il s’agit d’un des nombreux fils de Bouazza, fuyant le monde impitoyable et cruel de la ville.
Quelle que soit ses origines, on dit que l’homme était pieux et solitaire, vivant à la belle étoile sur le rocher, avec pour seuls compagnons son oud et ses chants sacrés.
Au fil du temps, grâce à sa sagesse et sa droiture, il gagna la réputation d’un homme saint, attirant vers lui les habitants de la ville. Certains venaient chercher des conseils avisés, d’autres souhaitaient simplement une oreille attentive à leurs peines, tandis que d’autres encore espéraient bénéficier de sa baraka et des dons miraculeux de celui qu’ils avaient surnommé leur Sayyed.Pour le remercier, les habitants lui construisirent une maisonnette sur l’îlot. Mais le vieil ermite, amoureux de la mer et de la nature, continua à dormir à la belle étoile. Dès lors, sa demeure devint un lieu de pèlerinage pour les âmes esseulées à la recherche de miséricorde. On raconte même que Sidi Abderrahman avait le pouvoir de marcher sur l’eau, voyageant ainsi dans des mondes accessibles par lui seul.
L’îlot, ainsi que son Sayyed et les secrets qu’il garde reflètent bien cette exception marocaine, pétrie de religion musulmane, mais fertile de croyances aussi mystiques que païennes.