LA RELANCE PAR LA DETTE?

LE GOUVERNEMENT ET LES ENTREPRISES

Sauvetage donc des entreprises en mesure de réunir des conditions et leur accompagnement dans la durée: voilà sans doute les deux crédos qui s’imposent.

L’on commence aujourd’hui à avoir un peu de recul sur la situation sociale et économique actuelle par suite de la pandémie du Covid-19. Avec le projet de loi de finances rectificative à l’ordre du jour, c’est encore la suite des mesures d’urgence prises depuis le 20 mars 2020. Mais il faut bien voir qu’il s’agit pratiquement de parer au plus pressé, que l’on peut résumer comme suit: moins de recettes, plus de dépenses bien sûr; mais aussi préserver l’emploi et soutenir les entreprises. Une crise est arrivée dans une conjoncture déjà passablement préoccupante, la plupart des indicateurs des agrégats macroéconomiques étant au rouge.

Le bien-fondé d’une politique
Quelle a été la réponse du gouvernement? Par le crédit et, partant, par la dette qui s’envole alors que l’on était déjà à un niveau d’endettement accentué. Pour mémoire, la loi de finances 2020 avait prévu, le 1er janvier dernier, des emprunts d’un total de 32 milliards de dirhams pour boucler l’exercice annuel de 64%. Cela a été revu à la hausse par un texte législatif qui a fait sauter ce plafond sans préciser d’ailleurs jusqu’à quel niveau. Un débat persiste dans des milieux économiques spécialisés publics et privés sur le bien-fondé de cette politique. L’un des points récurrents a trait au fait que l’on n’a pas véritablement pris en compte ce paramètre structurel: celui de la sous-capitalisation des entreprises, leurs fonds propres.

Avec le délai de grâce de deux ans accordé par les banques aux entreprises avec la garantie de l’Etat, il fallait bien soulager la trésorerie de celles-ci. Mais qu’en sera-t-il au terme de ce délai, en mars 2022? Si les entreprises arrivent à maintenir leurs activités, elles seront alors tenues de commencer à honorer leurs engagements de crédit à l’égard des banques. Mais si tel n’était pas le cas, c’est l’Etat qui sera alors tenu de suppléer cette carence en tant que garant du paiement. Voilà pourquoi, l’on peut se demander pourquoi il n’a pas été prévu des mécanismes de convertibilité de la dette suivant des modalités novatrices particulières.

L’un d’entre eux a été celui de l’Allemagne à la faveur précisément de la pandémie actuelle. Dans ce schéma, l’Etat intervient comme un opérateur, un «Private Equity». Dans ce registre, il faut parler d’un «mix» de capital-investissement, de capital-développement et, plus encore, de capital-retournement. Il acquiert des titres existants dans l’entreprise: il fait apport de fonds nouveaux sous forme de rachat de titres ou en souscription de nouveaux titres dans le cadre d’une augmentation de capital.

Des arbitrages à faire
L’objection qui se présente alors est celle-ci: n’est-ce pas un changement inapproprié dans le périmètre de l’Etat alors que le tendance générale est à sa réduction et à son recentrage pour «mieux d’Etat»? Une autre interrogation regarde la sélection des entreprises défaillantes en 2022 avec des dettes non honorées à cette échéance. Des arbitrages seront ainsi à faire: les grandes sociétés mais viables, les PME aussi qui ont un potentiel et sans doute des TPME suivant des critères sélectifs.

Des contraintes conditionnées
Comment sera alors gérée cette participation de l’Etat au capital des sociétés éligibles? L’idée est de confier cette gestion de la participation de l’Etat non plus à une structure étatique déjà en place, -telles la CDG, la CCG ou la Direction de la participation de l’Etat à des entreprises publiques ou semi-publiques du département de l’Economie et des Finances. Il serait préférable, -pour ne pas rajouter de l’administration à l’administration et, partant, de la bureaucratie -de mettre sur pied des organismes gestionnaires dédiés, régis par des procédures efficientes. Les banques y auraient leur place, des institutionnels aussi, sans oublier des fonds de «Private Equity».

La référence à la Banque Publique Investissement (BPI, France) créée à la fin 2012 mérite d’être étudiée. C’est une banque qui n’est pas de plein exercice mais une compagnie financière ne disposant pas d’agrément bancaire avec des ressources diverses (50% de la Caisse des dépôts et des sociétaires comme des entreprises, des assureurs,...). Elle agit en partenariat avec les acteurs privés, en financement comme en investissement (innovation, garantie de prêts bancaires dans la ligne financée par l’Etat, cofinancement des besoins à court terme, investissement en fonds propres, soutiens financiers à l’export,...).

Sauvetage donc des entreprises en mesure de réunir des conditions et leur accompagnement dans la durée: voilà sans doute les deux crédos qui s’imposent. Ce processus d’aide et de soutien ne pourra pas ignorer des contraintes conditionnées. Lesquelles? La question des filets sociaux et de la préservation de l’emploi. Toute entreprise devra soumettre son plan social avant l’éligibilité à un financement au-delà de mars 2022. Une situation qui ne peut que pousser les entreprises et l’Etat à réfléchir au-delà de 2022, avec les inflexions et les réformes à entreprendre dans le tissu productif.

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