Chronique de Driss El Fahli : Réchappez le processus

Protéger les liens économiques avec Israël et atténuer la colère d’une population sensible aux injustices subies par Gaza devient une équation casse-tête des gouvernements.

Le massacre continue. Plus de 750 civils palestiniens ont été tués en 24 heures à la fin de la trêve des bombardements de Gaza. L’invasion du sud de la bande a démarré. Netanyahou va en tuer plus au vu et au su de la communauté internationale. Une communauté qui a perdu le sens de l’humain, de la compréhension et du dialogue entre les cultures. Du temps où les pays arabes étaient unis contre Israël, ils avaient utilisé l’arme du pétrole pour appuyer les négociations de paix de l’après-guerre du Kippour en 1973. Ils avaient envoyé leurs armées en soutien à celles de l’Égypte et de la Syrie.

Cinquante ans après, les Arabes sont divisés, voire ennemis, et la situation s’est alambiquée. Face à la liberté de tuer d’Israël, ils regardent se dérouler sous des yeux mi-clos un massacre devenu routine. Ânonnant pour la parade un verbiage d’apparence ferme et des appels inaudibles à l’arrêt d’un pogrom génocidaire qui tait son nom. La veille du 7 octobre 2023, plusieurs pays arabes avaient signé des accords de normalisation des relations avec Israël. Ils ne s’attendaient pas à se trouver confrontés à des atrocités d’une guerre où ils devront engager ne serait-ce qu’un orteil d’argile.


La mort de 160.000 civils palestiniens sous les bombardements israéliens sans conséquences judiciaires internationales remet en question la perception positive de ces normalisations. Toutes ces régularisations de relations étaient motivées par les priorités et les intérêts nationaux de chaque pays. À partir de ce point d’intérêt, toute coordination intra-arabe devient ardue. Protéger les liens économiques avec Israël et atténuer la colère d’une population sensible aux injustices subies par Gaza devient une équation casse-tête des gouvernements. En plus, ils craignent l’admission de clous de Joha palestiniens chez eux, de peur qu’ils ne soient libellés Hamas trempé ou Hizbo quelque chose de forge déstabilisante. Le scénario de voir débarquer chez soi des milliers de réfugiés palestiniens met en branle les émois des sécuritaires de la région. Lors du sommet de la COP 28, le Cheikh Tamim ben Hamad, émir du Qatar, qui se trouve sur une corde raide depuis l’attaque du 7 octobre, a qualifié de “honteuse” l’inaction de la communauté internationale face à la poursuite de la guerre entre Israël et le Hamas. Il a notamment affirmé “qu’il est honteux pour la communauté internationale de laisser ce crime odieux se poursuivre depuis deux mois avec des massacres systématiques et délibérés de civils innocents”. Il a aussi plaidé pour une enquête internationale sur les massacres perpétrés par Israël en territoires palestiniens. Un auguste verbatim, mais dont la réponse d’Israël et du veto des USA est celle qu’on adresse aux crédules aux mains pleines: va te faire cuire un oeuf! Dans ce cas, que peuvent faire les Arabes ou le “Big Five” que sont l’Égypte, la Jordanie, le Qatar, l’Arabie saoudite et les EAU pour un arrêt des hostilités? Plutôt que de plier aux exigences israélo-américaines de l’éradication d’un Hamas indéracinable et populaire, ils pourraient unir leurs ressources et coordonner l’utilisation des leviers dont ils disposent pour promouvoir un arrêt des hostilités et remodeler les conditions du processus de paix. La résolution du conflit ne devra plus être compartimentée, mais plutôt perçue comme une composante essentielle de la stabilité du Moyen-Orient et du monde arabe. Une interconnexion pré-requise imposée par la nouvelle donne du conflit. Une idée suggérée par l’universitaire Lina Khatib de la Chatham House qui fait son chemin.

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