"Rawa'ou Makka", de Hassan Aourid

Nouvelle naissance à La Mecque

Avec «Rawa’ou Makka», Hassan Aourid livre un récit autobiographique poignant de sincérité.

Début des années 1980. Hassan Aourid, futur porte-parole du Palais royal et historiographe du Royaume, a 20 ans. Avec son père, il fait le tour de la ville d’Ifrane, où sa famille loge à l’époque, afin de retrouver son frère cadet, qui vient encore de fuguer. Ce dernier a été mentalement très atteint, quelques années plus tôt, par le spectacle d’un camarade de classe déchiqueté après avoir marché sur mine, du temps où il étudiait au collège de Boudnib, dans l’actuelle province d’Errachidia. Pendant sa quête, M. Aourid se retrouve à un moment dans une mosquée. Celle-ci est déserte, et ce désert physique justement signe le début du désert spirituel qu’il va, pendant plus d’un quart de siècle, traverser, puisqu’il renonce dès lors à l’islam et décide, de ses propres mots, de laisser sa seule raison guider sa vie, jusqu’à effectuer le pèlerinage du Hajj fin 2007 et ainsi réembrasser la foi dans laquelle il a été élevé enfant, après diverses expériences personnelles qui l’amènent à remettre en question beaucoup de ses principes.

Ce parcours, M. Aourid le raconte dans son récit autobiographique Rawa’ou Makka, que l’on pourrait traduire par «Les flots de La Mecque», livre poignant de sincérité dans la mesure où le concerné n’hésite pas à se dévoiler et dire tout, ou presque, sur lui, ses motivations, dans une langue arabe très châtiée et que, dans une récente intervention télévisée, le prédicateur Abouzid El Mokrie El Idrissi qualifiait de digne des grands poètes anté-islamiques. Justement, l’auteur du Morisque (en 2011) et de Sirato himar (en 2014) consacre de longs passages pour dire son amour de langue de Moutanabbi, que lui ont transmis les professeurs qu’il avait eus au Collège royal de Rabat du temps où il usait ses fonds de culotte au côté du Prince héritier Sidi Mohammed, tels Mohamed Bahnini et Mohamed Chafik, et cite à volonté certains de ses poèmes favoris de Tarafa ibn al-‘Abd ou encore Jarir.

Connaissant le background culturel de M. Aourid, un pur Amazigh de l’Assamer qui a vécu de près, en tant qu’adolescent, le soulèvement de Moulay Bouazza et qui est connu pour ses positions favorables à la promotion de la culture amazighe, on pourrait être interpellé par une telle dévotion; mais il ne faut pas pour autant y avoir une contradiction: c’est plutôt une conciliation entre deux identités, deux mondes, qu’il a, de son propre aveu, toujours également appréciés. Livre plus personnel que politique, Rawa’ou Makka ne manque cependant pas de s’attarder sur certains passages de la vie de M. Aourid au sein du sérail, et sans nommer, il revient sur son passage à vide du milieu des années 1990 lorsqu’il se retrouva sur la touche après son passage à l’ambassade du Royaume à Washington en raison d’une prétendue proximité avec le prince Moulay Hicham, ou encore sur les conditions l’ayant conduit, en décembre 2010, à renoncer à ses fonctions d’historiographe.
Que l’on partage les vues de l’auteur ou pas, l’ouvrage fait sans doute partie des sorties les plus intéressantes de l’année...

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