Le chef de l’ONU a lancé un message fort à l’Algérie et au front séparatiste, selon lequel il est grand temps d’abandonner leur obstruction au processus politique.
Dans son rapport sur la situation concernant le Sahara occidental adressé au Conseil de sécurité, rendu public jeudi 13 octobre 2022, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a adopté un langage qui annonce une rupture avec celui jusque-là usité. Alors que dans ses précédents rapports Antonio Guterres s’est gardé de pointer du doigt l’Algérie pour sa responsabilité première dans la création et la prolongation du conflit et dans le blocage du processus politique, dans ce nouveau document, il a introduit un langage suggérant que le statut de l’Algérie est une partie prenante à part entière au conflit. Il utilise le terme «tous les acteurs concernés» par opposition à celui de «parties», qui était habituellement employé et qui prêtait le flanc à plusieurs interprétations, largement exploité par l’Algérie pour se soustraire à sa responsabilité et faire accroire qu’elle n’est qu’un observateur du conflit.
L’ONU admet que toutes les parties, particulièrement l’Algérie et la Mauritanie, sont concernées par le différend et devraient participer pleinement au processus politique.
Pour M. Guterres, ce changement de langage était justifié. Il l’explique lui-même dans le paragraphe 25: «Recevant mon Envoyé personnel à Alger le 19 janvier, le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et l’Envoyé spécial pour le Sahara occidental, Amar Belani, ont réaffirmé la position algérienne selon laquelle la question avait trait à la décolonisation. Les interlocuteurs algériens ont réaffirmé également que l’Algérie serait considérée, à l’instar de la Mauritanie, comme un “voisin concerné”». De plus, M. Guterres recourt à l’expression «bonne foi» en rapport avec le processus politique. Dans les précédents rapports, le SG de l’ONU soulignait que les parties faisaient preuve de volonté politique pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable. Aujourd’hui, il relève que la réalisation de cet objectif nécessite la «bonne foi» de toutes les parties concernées. C’est une référence implicite mais suffisamment marquante de la mauvaise foi de l’Algérie et du Polisario qui ressort dans leurs actes et discours. En effet, au paragraphe 92 (Observations et recommandations), le chef de l’ONU a lancé un message fort à l’Algérie et au front séparatiste, selon lequel il est grand temps d’abandonner leur obstruction au processus politique «par leurs discours et leurs actes». «J’engage à cette fin toutes les parties concernées à aborder la facilitation du processus par mon Envoyé personnel dans un esprit d’ouverture et à s’abstenir de poser des conditions préalables au processus politique», a martelé Antonio Guterres.
Dans le paragraphe précédent (91), le message est double car M. Guterres les exhorte aussi à ne plus s’accrocher à une approche obsolète et abandonnée par les Nations-Unies. «Pour orienter la ligne de conduite actuelle et future, il convient de tenir dûment compte des précédents établis par mes anciens envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité», a-t-il prévenu.
Une approche obsolète
Mais il ne tardera pas à dire sans détours et en des termes clairs qu’un référendum d’autodétermination avec option d’indépendance n’est pas une option et que l’Algérie et le Polisario ne peuvent plus prétendre que la résolution 690 du Conseil de sécurité de 1991 devrait être la base sur laquelle les parties doivent construire leurs négociations. Antonio Guterres exprime que les résolutions adoptées pendant le mandat de ses anciens Envoyés personnels sont l’unique point de départ pour parvenir à une solution politique mutuellement acceptable.
Le message de M. Guterres contient un reproche direct à l’Algérie qui, suite à l’adoption de la résolution 2602 en octobre 2021, a publié un communiqué dans lequel elle a rejeté l’approche adoptée par le Conseil de sécurité. L’Algérie avait appelé l’Envoyé personnel à «inscrire strictement» son mandat dans la mise en œuvre de la résolution 690 sur le plan de règlement accepté par les «deux parties au conflit». La position algérienne a clairement déraillé des paramètres du processus politique.
Ainsi, l’ONU signifie que le chapitre d’un référendum sur l’autodétermination est bel et bien clos. Le premier postulat qui coupe court à cette prétention algérienne est décelé à la fin du paragraphe 90. M. Guterres cite les résolutions sur lesquelles la solution politique doit se fonder: «Une volonté politique forte est nécessaire pour trouver une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara, conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019), 2548 (2020) et 2602 (2021)».
Ce paragraphe confirme que les résolutions adoptées depuis 2018 constituent le seul cadre juridique et politique. La résolution 690, à laquelle s’agrippe désespérément l’Algérie est celle qui a donné naissance à la MINURSO. Toutes les résolutions qui ont suivi jusqu’en 1997 (date où James Baker a été nommé premier Envoyé personnel du SG de l’ONU au Sahara occidental) ont été adoptées en l’absence d’un Envoyé personnel.
En 2000, l’ancien secrétaire général de l’ONU, feu Kofi Annan, avait affirmé que la voie pour un référendum est inexplorable et qu’il était temps d’envisager d’autres moyens en demandant à James Baker «d’explorer les voies et moyens de parvenir à une résolution rapide, durable et convenue».
Depuis, l’idée d’un plan d’autonomie comme moyen de résoudre le conflit a été lancée par M. Baker pour la première fois en 2001. Alors que le Maroc a accepté cette proposition, l’Algérie et le Polisario l’ont refusée. Suite à la démission de M. Baker en 2004, le Conseil de sécurité a demandé, dans toutes ses résolutions, aux parties de soumettre des propositions pour parvenir à une solution politique comme la seule voie à suivre.
Le Front condamné à disparaître
Le processus a pris un nouvel élan lorsque le Maroc a présenté sa proposition d’autonomie en 2007. L’adoption de cette proposition par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1754 en avril 2007 a été perçu comme un nouveau départ. Le Conseil de sécurité avait alors éliminé le terme «référendum». La résolution 1754 a pris note du plan d’autonomie marocain tout en saluant «les efforts marocains sérieux et crédibles pour faire avancer le processus vers une résolution» alors qu’elle s’est contentée de prendre note de la contre-proposition du Polisario. La résolution 2440 de 2018 a souligné la nécessité pour toutes les parties, y compris l’Algérie et la Mauritanie en plus du Maroc et du Polisario, de «parvenir à une solution politique réaliste, réalisable et durable basée sur le compromis». Cette résolution et celles qui la suivront considèrent l’Algérie comme une partie principale au conflit.
La désignation de M. Guterres en 2018 et la nomination de Horst Köhler comme son Envoyé personnel sont allées dans cette même voie.
C’est dire que l’Algérie a perdu la bataille sur un plan politique et sur un plan de la légalité internationale et que désormais le Polisario ne constitue qu’un élément de blocage du processus politique et un fardeau pour son mentor. Le front des séparatistes est condamné à disparaître tôt ou tard, notamment en prenant en considération plusieurs volets. D’abord, la confiance des ONG et des organismes internationaux qui octroient des aides à la population des camps de Tindouf. En constatant, à maintes reprises, le détournement d’une grande partie de ces aides, ces ONG les ont diminuées. Dans son rapport, M. Guterres souligne: «Il est ressorti de l’enquête nutritionnelle et de la mission d’évaluation conjointe menées par le HCR et le PAM en 2022 que, dans les camps situés près de Tindouf, la malnutrition aiguë globale, l’anémie et l’hypotrophie nutritionnelle touchaient un nombre élevé d’enfants de moins de 5 ans et de femmes enceintes et allaitantes. Les rations alimentaires ont été considérablement réduites (de 17 kg à 5 kg par personne) en raison de déficits de financement, de l’augmentation des frais de transport et de l’impossibilité de se procurer des denrées alimentaires».
Sur un plan politique, le SG de l’ONU rapporte ce qui suit: «Le 16 janvier, à Rabouni, mon Envoyé personnel s’est entretenu avec le secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali. Les interlocuteurs du Front Polisario ont réaffirmé leur position quant à la nécessité de parvenir à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental et affirmé qu’une «situation de guerre» régnait actuellement, faisant chaque jour des victimes de part et d’autre. Selon eux, du fait du «manque d’attention» accordée par la communauté internationale à la question du Sahara occidental et de la réalité de terrain, un retour aux hostilités était leur «seule option». Ils «ne s’estimaient plus attachés au respect du cessez-le-feu». Non seulement le Polisario, à l’instar de ses commanditaires algériens, regarde toujours dans le rétroviseur et s’obstine à se référer toujours à des résolutions révolues et non pas aux résolutions nouvelles du Conseil de sécurité, mais en plus, il montre clairement qu’il ne cherche que l’escalade dans cette région en recourant aux hostilités.
Ce qui a été relevé dans le rapport du SG de l’ONU d’octobre 2022 est un précédent, dans ce sens où il confirme, aux yeux de la communauté internationale, le sérieux du Maroc et la volonté délétère et belligérante de l’Algérie et de son proxy le Polisario.
A la lumière de cela, la prochaine résolution du Conseil de sécurité, même si elle prolonge le mandat de la Minurso, dictera de nouvelles règles à suivre et isolera davantage l’Algérie et le Polisario en accentuant leur intérêt à continuer à bloquer le processus politique de règlement définitif de ce conflit artificiel