
Du punch et des larmes
Portrait. Avec son titre au Qatar, Mohammed Rabii devient le premier champion du monde marocain de boxe de l’Histoire. Plus que jamais, il fait figure de favori dans la perspective des Jeux olympiques d’été, prévus en août 2016 dans la ville de Rio de Janeiro, au Brésil.
C’est sans doute l’une des meilleures performances sportives marocaines de l’année 2015; peut-être même l’une des grandes dates de l’Histoire du sport national. Le 16 octobre 2015, dans la capitale du Qatar, Doha, le jeune boxeur Mohamed Rabii, déjà champion d’Afrique, en août 2015, en poids welters (moins de 69kg), a réussi à remporter la finale des championnats du monde de la même catégorie. C’est la première fois qu’un Marocain est champion du monde de boxe amateur.
Message de félicitations
Son vis-à-vis, le Kazakh Daniyar Yeleussinov, tenant du titre, n’avait pourtant plus perdu de match depuis 2013. Mais il faut dire que Rabii a joué son va-tout pour faire mieux que ses glorieux prédécesseurs, notamment Hamid Rahili et Mohamed Mesbahi, qui aux championnats de 1995, organisés cette annéelà dans la capitale de l’Allemagne, Berlin, n’avaient pu glaner mieux qu’une médaille de bronze respectivement dans les catégories mi-mouches et mi-lourds. “J’ai surtout misé sur la défense, qui demeure à mon sens mon point fort”, nous déclare Rabii, visiblement comblé par son titre. Le Marocain a emporté la partie par trois points, sans prendre en même temps de coups de la part de Yeleussinov. Ses images à la télévision, larmes aux yeux, pendant l’hymne national, semblent avoir ému un grand nombre de Marocains. Sur les réseaux sociaux, ils partageaient en masse la vidéo de la victoire du champion. Plusieurs de ses supporters l’attendaient, vendredi 17 octobre 2015, à l’aéroport international Mohammed-V de la ville de Casablanca, à son retour. S’attendait-il à un accueil aussi chaleureux? “Pas du tout”, nous répond-il, d’un ton enjoué. “L’accueil m’a agréablement surpris. J’ai surtout été comblé par le message de félicitations que m’a adressé Sa Majesté le Roi le jour de la victoire”.
Combat héroïque
Dans ce message, le Souverain a “salué le combat héroïque produit par le boxeur”, rapporte l’agence de presse nationale, la Maghreb arabe presse (MAP). “Cette performance constituera une source de motivation pour le boxeur Rabii et tous les jeunes sportifs marocains afin de persévérer et déployer davantage d’efforts pour plus de performances et de titres et confirmer, ainsi, la présence remarquable du sport marocain lors des différentes compétitions continentales et internationales”, poursuit-elle, citant plusieurs passages du message royal.
Quelques jours à peine avant sa victoire, jusqu’à sa qualification, le 12 octobre 2015, en demi-finale face au Chinois Liu Wei, Rabii était pratiquement inconnu au bataillon. Dans le milieu de la boxe nationale bien sûr, tout le monde le connaissait. “Personnellement, je n’ai pas été surpris par sa victoire”, nous déclare le directeur technique national, Mounir Barbouchi. “Mais vous savez, même si vous êtes favoris, vous pouvez perdre. Sur un match, tout peut basculer. Et contrairement aux compétitions de football par exemple, il n’y a pas de phase de groupes. C’est des matchs couperets. Donc impossible de pouvoir se rattraper par la suite”.
C’est dire la performance de Rabii. D’autant que ce dernier revient de très loin. En 2013, aux précédents championnats du monde, tenus dans la capitale du Kazakhstan, Almaty, il n’avait pu dépasser le stade des huitièmes de finale. “C’est vrai que j’ai dû beaucoup batailler pour pouvoir élever mon niveau”, avoue Rabii. C’est dans la ville de Casablanca que Rabii a vu le jour. Né en 1993, il tombe très tôt dans la boxe. A l’âge de sept ans, son père, Ali, l’inscrit au “Chabab”, le club fanion de son quartier de Sidi Bernoussi. Là, en compagnie de son frère cadet, Hamza, il s’entraîne régulièrement jusqu’à devenir l’une des grandes stars de l’écurie. A côté, il joue également au football. C’est d’ailleurs un grand fan du Raja de Casablanca, dont il assiste dès qu’il le peut aux matchs au Stade Mohammed-V. L’entraîneur, El Ghazouani El Harfi, veille personnellement sur lui.
Centre d’excellence
Il attend près de 7 ans, jusqu’en 2008, avant de le lancer dans le bain. Dès lors, il ne tarde pas à rejoindre les rangs de l’équipe nationale. Pour autant, Rabii tarde encore à se révéler au haut niveau. Tant chez les juniors et les cadets, il ne parvient jamais à faire mieux que les huitièmes de finale. C’est en 2013 que sa carrière connaît cependant un basculement. Sous la férule de la Fédération royale marocaine de boxe (FRMB), qui vient de s’attacher les services de M. Barbouchi, passé notamment par la fédération française de la discipline (FFB), ses performances sont suivies de plus près. Aux côtés d’une trentaine d’autres boxeurs, qui représentent l’élite de la boxe amateur nationale, il s’entraîne chaque semaine au Centre d’excellence de la ville d’Azemmour.
“C’est vrai que nous n’avons pas les moyens d’autres fédérations, mais je dois dire que grâce, entre autres, au président Abdeljouad Belhaj et au viceprésident Mohamed Loumaini, nous avons pu attirer un certain nombre de sponsors”, nous déclare M. Barbouchi. “Mais il est vrai que nous pourrions disposer de meilleures installations. Auquel cas, nous pourrions aider d’autres Mohammed Rabii à éclore”.
Honneur au drapeau
Dans la perspective des Jeux olympiques (JO) d’été, prévus en août 2015 dans la ville de Rio de Janeiro, au Brésil, Rabii sera sans doute attendu au tournant. Avec son titre de champion, il devrait faire figure de favori dans les catégorie welters. “J’espère qu’avec l’aide de Dieu, je pourrais encore une fois faire honneur au drapeau national”, ambitionne-t-il.
Rabii n’est cela dit pas le seul, d’après la direction technique nationale, à pouvoir aspirer à une place sur le podium. La fédération mise notamment sur Achraf Kharroubi (52kg) et Mohammed Hammout (56kg). “Mais qui sait, d’autres boxeurs pourraient également créer la surprise”, d’après M. Barbouchi. Les pugilistes nationaux auront sans doute à coeur de faire au moins aussi bien que les frères Abdelhak et Mohammed Achik ainsi que Tahar Tamsamani qui tous trois, respectivement en 1988, 1992 et 2000, sont parvenus à empocher la médaille de bronze, chacun dans sa catégorie (poids plumes pour Abdelhak Achik et Tahar Tamsamani, poids coqs pour Mohammed Achik). Peut-être même qu’avec un Rabii au sommet de son art, ce sera l’hymne marocain qui retentira dans la nuit “carioca”