On rapporte de façon insistante que le secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, a tenu, dimanche soir 29 octobre 2023, une réunion urgente dans le camp Rabouni, à Tindouf (en Algérie), consécutive aux attaques ayant ciblé des civils à Smara. Est-ce vrai? Et pourquoi?
En effet, il y a eu une réunion du secrétariat général du Polisario à la demande de l’Algérie, qui n’était pas du tout satisfaite des conséquences de cet incident de Smara qui a ciblé des civils dans des quartiers résidentiels et industriels. L’Algérie fait croire qu’elle est un pays avant-gardiste dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique du Nord. De ce fait, elle se défend de parrainer un acte terroriste commis par une entité présente sur son sol.
Comment jugez-vous la situation actuelle dans les camps de Tindouf ?
La direction du Polisario est incapable à gagner la confiance de ses disciples. L’implication des membres de la direction dans des affaires de corruption, de contrebande et de détournement de fonds et d’aides humanitaires internationales en est la cause. En tout état de cause, il est évident que le Polisario est plus que jamais dans une impasse. Cibler des civils va inciter certains pays à inscrire le Polisario sur leurs listes d’organisations terroristes. Le Polisario redoute que cela donne lieu à l’ouverture de procès par des juridictions étrangères contre ses dirigeants pour activités terroristes. Je rappelle que les armateurs des îles Canaries continuent d’exiger de classifier le Polisario comme un groupe terroriste. L’anarchie qui règne dans les camps de Tindouf ne fait que s’aggraver. C’est un fait. Afin de mettre les choses dans leur contexte historique, jusqu’à la fin des années 1980, le Polisario était une organisation hiérarchique rigide et autoritaire.
L’hémorragie des fuites de nombreux dirigeants et cadres du Polisario des camps de Tindouf vers le Maroc, dès 1988, a fini par affaiblir l’organisation. Au cours des années qui ont suivi l’accord du cessez-le-feu, la corruption et le népotisme se sont répandus dans ses rangs, ce qui a conduit à l’émergence de lobbies et de groupes d’intérêt qui ne devaient pas leur loyauté à la direction ou à l’organisation, mais plutôt à leurs propres intérêts, créant une atmosphère proche de l’anarchie. Depuis que Ghali a pris le pouvoir, le chaos s’est aggravé d’année en année, atteignant son apogée à la suite des défaites successives de ces dernières années. Il ne se passe pas un jour sans que l’on entende parler de dissension au sein de ses rangs, notamment de la part d’une jeunesse désespérée qui voit tous les horizons bloqués.
Beaucoup d’anciens cadres et de jeunes membres du Polisario imputent de façon directe la désorientation et la division au sein de la direction des séparatistes à Brahim Ghali. Comment jugez-vous sa personnalité?
Il a une faible personnalité. En plus, il est arrogant. C’est une série de coïncidences et la nécessité de rechercher un équilibre familial dans une société tribale par excellence qui l’ont conduit à des postes bien plus grands que sa stature. Il est le plus faible de tous ses pairs ayant dirigé le Polisario. C’est peut-être pour cette raison qu’on l’a propulsé au sommet de la pyramide du front, car l’Algérie préfère quelqu’un qu’elle peut contrôler et qui ne discute pas les ordres.