Ce qui s’imposera dans les politiques publiques demain regarde la priorité à donner à la santé. Le département en charge de ce domaine devra se classer au premier rang de la politique budgétaire; les autres secteurs sociaux aussi dans ce même classement.
Ce gouvernement se voit confronté à de multiples épreuves, cumulatives d’ailleurs. La première a trait à l’impact de la crise sanitaire, sociale et économique et aux effets de l’état d’urgence déclaré le 20 mars 2020 jusqu’au 10 juin. De fortes mesures ont été prises; des dispositifs opératoires ont été mis sur pied. Tout cela a été salué et a donné des résultats significatifs témoignant d’une réactivité qu’on ne lui connaissait pas... Il faut dire que c’est le Souverain qui a été à la barre, dès le début avec la création d’un fonds spécial de 10 milliards de dirhams, lequel a atteint plus de 32,6 milliards de dirhams ensuite avec la participation de multiples donateurs (institutionnels, groupes privés, personnes physiques...). Faire face et parer au plus urgent, telle a été la démarche. Dans le même temps, tous les comptes et toutes les prévisions de la loi de finances 2020 ont été bousculés et même globalement remis en cause.
Tout était pratiquement à revoir et à actualiser. Revoir, oui, mais actualiser sur quelles données? Aujourd’hui, le département de l’économie et des finances est à la tâche pour arriver à un état des lieux à la fin mai 2020 mais aussi pour essayer d’arrêter des évolutions relatives aux grands agrégats macroéconomiques des prochains mois: déficit budgétaire, compte courant, balance des paiements -surtout recettes touristiques et transferts MRE-, recettes budgétaires (IS, IR, droits de douane,...), endettement.
L’on sera fixé à ce sujet dans les prochaines semaines avec le projet de loi de finances rectificative inscrit à l’agenda gouvernemental et parlementaire. Le plus tôt serait évidemment le mieux; ce serait en effet un signe fort attestant que ce cabinet a pris les choses en mains et qu’il est apte à définir une autre politique. La difficulté qui subsistera cependant est celle-ci: comment finaliser cette loi de finances rectificative sans l’inscrire également dans les prévisions de celle de 2021? Les mois de juin et de juillet sont en effet d’ordinaire axés aussi sur la note de cadrage des orientations de l’année suivante.
Des déclinaisons sectorielles suivent puis des arbitrages jusqu’au mois d’octobre, le projet devant être déposé devant le Parlement avant le 20 de ce même mois. D’où, aujourd’hui, cette interrogation: comment se fait le découplage loi de finances rectificative/ projet de loi de finances 2021? Une appréhension quelque peu incertaine tant il est vrai que la conjoncture à venir, au plan national et international, reste encore largement imprévisible... Pour 2020, les prévisions retiennent toutes une sensible contraction du taux de croissance: -4,3% pour le CMC, plus encore pour le HCP, la DEPP, Bank Al-Maghrib retenant une fourchette de 6 à 8% de recul au moins.
Quelle doit être la réponse? Une politique budgétaire accentuée, agressive même. Il s’agit d’aider et de soulager les entreprises et de soutenir la consommation. Il y a aujourd’hui quelque 140.000 entreprises structurées pratiquement à l’arrêt; pour les TPME, elles, plus de 800.000 accusent la même situation. Comment reprendront- elles leurs activités alors que la saison d’été qui va commencer n’est pas la conjoncture la plus favorable à cet égard? Comment, par ailleurs, arriveront-elles, les unes et surtout les autres, à instaurer et à respecter un contrôle sanitaire qui ne pourra qu’être durable dans un avenir prévisible?
Une politique agressive
Ce qui s’imposera dans les politiques publiques demain -dès le projet de loi de finances rectificative, en 2021 puis au-delà même- regarde la priorité à donner à la santé. Le département en charge de ce domaine devra se classer au premier rang de la politique budgétaire; les autres secteurs sociaux aussi dans ce même classement. Un contre-choc doit être à la hauteur de la crise qui s’installe durablement. Ce doit être également une opportunité pour accompagner le déconfinement par régions et l’adapter aux conditions des territoires, suivant leurs spécificités; la pandémie Covid- I9 n’a pas eu le même impact socioéconomique dans le monde rural par rapport au monde urbain...
Le plus contraignant intéresse enfin des politiques à entreprendre à moyen et long termes. Comment éviter ou minorer la place et le rôle de l’Etat? Il s’est trouvé en première ligne; il a assuré et assumé; c’est de lui que les citoyens ont attendu et obtenu aide, assistance et protection. Un phénomène de réhabilitation couplé à une forte demande sociale. Les orientations et les perspectives stratégiques, c’est l’Etat, bien entendu; mais, en même temps, il doit être à la hauteur des multiples aspects de la question sociale. L’Etat social, voilà l’un des fondamentaux des politiques publiques de demain! L’accent à donner aux nouvelles technologies doit être une ardente préoccupation. L’interrogation sur les facteurs de croissance en est une autre. Une réflexion novatrice doit être menée sur la relation capital/travail, sur l’équité fiscale sans cesse annoncée mais encore problématique. Sans oublier d’autres pans de la vie économique, notamment une audacieuse dynamique d’aménagement spatial intégrant de plain-pied le monde rural dans le développement.
Voilà de la matière! Du lourd et du dur, et ce au-delà du projet de loi de finances rectificative. Ce qui renvoie à la commission Benmoussa sur le modèle de développement installée en décembre dernier. Il était prévu au départ qu’elle remettrait un compte rendu à la fin du mois de juin. Cet agenda est-il tenable? Par suite de l’état d’urgence sanitaire et du confinement qui l’a accompagné, son calendrier de travail n’a pas pu être respecté. Elle aussi, comme le gouvernement, doit revoir sa copie d’il y a quelques mois. Une autre méthodologie, salutaire et féconde après tout, parce qu’elle devra prendre en charge la crise actuelle et son impact.