Réduire l’inflation, promouvoir l’investissement privé et relancer le pouvoir d’achat des citoyens tout en poursuivant le chantier de l’Etat social: une équation qui rend compliquée la tâche de l’Exécutif face à une conjoncture internationale, pour le moins, imprévisible.
Le projet de loi de finances (PLF) 2024 est en gestation. Plus que quelques semaines avant le le dépôt par le gouvernement de la mouture finale, programmée chaque année au mois d’octobre. Déjà, l’Exécutif a fait part de ses orientations dans la lettre de cadrage ou d’orientation publiée courant août 2023. Il en ressort que le gouvernement a quatre priorités: le renforcement des mesures de lutte contre les effets conjoncturels, notamment l’inflation et le changement climatique; la poursuite des efforts pour l’instauration des bases de l’Etat social; la poursuite de la mise en oeuvre des réformes structurelles; et la consolidation de la durabilité de la finance publique.
Concernant l’inflation, le but est de baisser le taux à 3,4% en 2024, en tablant sur un taux de croissance de 3,7% du produit intérieur brut (PIB) sur la base d’une meilleure saison agricole (75 millions de quintaux de production céréalière), puis à 2% en 2025. A ce propos, il est indéniable que la guerre russo-ukrainienne continue de nourrir des fluctuations imprévisibles des prix de différents produits sur les marchés internationaux. Ses répercussions sur le cours du gaz et du pétrole, et, partant, des denrées alimentaires, mais aussi sur les déficits budgétaires induit par la pulvérisation de l’enveloppe de la compensation, provoquent, en effet, une inflation galopante que même les mesures prises par le gouvernement pour l’estomper n’ont pas suffi à endiguer.
Des marges budgétaires
C’est ce qui justifie la prudence remarquée dans les hypothèses établies dans la lettre de cadrage. Le gouvernement veut revoir à la baisse le déficit budgétaire (4% en 2024 contre 4,5% cette année) en vue de réduire le volume de la dette, renforcer l’équilibre financier et récupérer des marges budgétaires essentielles pour poursuivre les réformes.
Des réformes fiscales en premier lieu. Notamment celle tant attendue de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle consiste à passer de cinq taux actuellement (0%, 7%, 10%, 14% et 20%) à trois taux (0%, 10% et 20%), en plus d’un taux de 30% pour les produits de luxe. Le taux nul (à 0%) s’applique aux produits de première nécessité ou de base pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Par cela, le gouvernement veut montrer qu’il tient compte aussi des revendications du patronat. Justement, le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj, a réaffirmé le vendredi 1er septembre 2023 que la réforme de la TVA est sa première priorité. En plus de cela, il propose de revoir la base imposable de la TVA et des ajustements du système des admissions temporaires.
Il faut dire que la réforme de la TVA a un lien étroit avec l’ambition gouvernementale de revigorer l’investissement privé. En effet, une entreprise qui investit acquiert du matériel, des matières premières, des équipements et paie la TVA (intérieure ou à l’importation). Le hic, c’est qu’elle la récupère plusieurs mois ou années après en la déduisant des produits ou services vendus. Ce qui finit par devenir une barrière à l’investissement. La deuxième mesure phare préconisée par la CGEM est le regroupement des différentes taxes sous deux catégories, la taxe foncière et celle sur l’activité économique.
En tout cas, c’est la copie finale du PLF qui sera mise dans le circuit législatif qui permettra de montrer la vraie volonté du gouvernement. A coup sûr, ce ne sera pas facile pour le cabinet d’Aziz Akhannouch. Des contraintes inhérentes au contexte local comme à la conjoncture internationale se dresseront devant ses ambitions. “Le gouvernement devra faire face en 2024 à plusieurs contraintes et particulièrement les répercussions de la crise sanitaire qui sont toujours d’actualité mais aussi celles liées à la guerre russo-ukrainienne.
Il va renforcer la durabilité des finances publiques à travers la création de mécanismes de financement innovants dans le but d’élargir l’assiette des recettes fiscales de la trésorerie générale, de poursuivre les réformes structurelles dans des secteurs stratégiques tel l’industrie et de mettre en place les mesures contenues dans la loi-cadre portant sur la réforme de l’écosystème fiscal”, estime Abdelmounaim Majd, coordinateur régional du Forum des chercheurs du ministère de l’Economie et des Finances.
Somme toute, ces défis conjoncturels peuvent être incarnés par un seul indicateur du prochain PLF. Il s’agit du solde ordinaire solde ordinaire du budget général qui a été négatif en 2021 et en 2022. Une anomalie qui veut dire que les différentes recettes fiscales et non fiscales ne suffisent même pas pour financer les dépenses ordinaires.