Le procès du journaliste Raissouni s'ouvre le 9 février

Après près de neuf mois de détention préventive

Séquestration, viol avec violence… Les accusations contre Souleimane Raissouni sont passibles d’une lourde peine d’emprisonnement. Une affaire inédite où un journaliste est esté en justice, pour la première fois, sur la base d’accusations publiées sur un réseau social.

L’affaire du journaliste Souleimane Raissouni, rédacteur en chef du journal arabophone Akhbar al-Yaoum, connait de nouveaux rebondissements. Après plus de huit mois de détention préventive et deux mois de la fin de l’instruction de son dossier, le juge d’instruction près la Cour d’appel de Casablanca a donné une date de l’ouverture son procès: le 9 février 2021. Autre actualité, la chambre criminelle a accepté d’ajouter une nouvelle accusation à celles retenues à son encontre.

Désormais, le journaliste, placé à la prison de Oukacha, à Casablanca, est poursuivi pour séquestration, viol et attentat à la pudeur avec violence. Le journaliste risque alors jusqu’à 10 ans de réclusion criminelle.

Tout a commencé le vendredi 22 mai 2020. Agé de 48 ans, le journaliste fut interpellé le vendredi 22 mai, devant son domicile à Casablanca, avant d’être présenté deux jours plus tard devant le procureur général de Casablanca. Celui-ci l’a déféré lundi 25 mai devant le juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca, qui a ordonné de placer Souleimane Raissouni en détention préventive pour les besoins d’une enquête sur des faits présumés d’attentat à la pudeur avec violence et séquestration.

“Santé morale”
Pourquoi a-t-il été arrêté? A l’origine, on trouve des accusations publiées sur Facebook par un militant pour les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans). Les faits présumés qui lui sont reprochés remontent à fin 2018 au moment où son épouse travaillait sur un documentaire traitant de la communauté LGBT au Maroc.

Un des collaborateurs de ce projet accuse alors sur Facebook, avant de déposer sa plainte à la police, Souleimane Raissouni de «lui avoir sauté dessus» et d’avoir «profité de sa faiblesse et de sa santé morale pour assouvir ses désirs sexuels». Une affaire de moeurs! La justice avait alors ouvert une enquête pour «attentat à la pudeur avec violence et séquestration ». Le plaignant l’avait enfoncé davantage sur sa page Facebook en démentant toute forme d’instrumentalisation: «L’accusé ne peut pas être au-dessus de la loi juste parce qu’il est journaliste».

Raissouni a tout nié en bloc. «Nous exprimons notre entière solidarité avec le journaliste marocain Souleimane Raissouni, victime d’une campagne de diffamation», avait tweeté le directeur de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, le soir de l’arrestation de Souleimane Raissouni. Depuis, un comité de soutien au journaliste a été constitué. La plus grande anomalie relevée par le comité de soutien est le prolongement de son instruction, qui a duré près de neuf mois.

Des défenseurs des droits de l’homme et des juristes appellent toujours à la poursuite de M. Raissouni en état de liberté provisoire, en dénonçant une instrumentalisation politique de l’affaire de ce journaliste qui a pris le relais de Taoufik Bouâchrine à la tête d’un journal, après que celui-ci ait écopé d’une peine de douze ans de réclusion criminelle pour «abus de pouvoir à des fins sexuelles» entre autres. Dans le comité de soutien, la journaliste Hajar Raissouni, sa nièce et membre de la rédaction du même journal, a été elle aussi arrêtée fin août 2019 et poursuivie pour «relations sexuelles hors mariage» et «avortement illégal».

Elle fut graciée par le Roi Mohammed VI après un mois et demi derrière les barreaux. Le procès promet de jeter la lumière sur une affaire inédite où un journaliste est, pour la première fois, traduit devant la justice sur la base d’accusations publiées sur un réseau social.

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