Chronique de Abdellatif Mansour : Ça sent le gaz

Abdellatif Mansour Abdellatif Mansour

Contrairement à ce qu’on peut penser, la Caisse de compensation n’est pas morte et enterrée. Elle respire encore. Dangereusement. Grâce ou à cause du gaz butane. Cette caisse résiduelle est branchée sur la butane à usage domestique. Un produit socialement inflammable. Tenant compte de cette qualité première, le prix de la bonbonne de gaz se situe à un degré élevé sur l’échelle du risque social. Il est donc recommandé de le manipuler avec une infinie précaution. Mohamed El Ouafa semble avoir parfaitement évalué le danger.

Harcelé sur cette question par des interrogateurs avides de sensation, le ministre chargé des Affaires générales et de la gouvernance s’est empressé de préciser que le tarif de la butane ne changera pas avant la fin de 2017. Le bouclier est donc déployé, ça ne sera pas à l’initiative de ce gouvernement là. Maintenant, si celui-ci se succède à lui-même, on en reparlera.

Mais, les utilisateurs électeurs sont d’ores et déjà avertis. Ils devront guetter les engagements des uns et des autres, lors de la prochaine campagne des législatives, pour être fixés sur la valeur marchande de leur chère bonbonne. Y compris dans les coins excentrés, au plus profond des campagnes et des montagnes, où la butane s’est introduite subrepticement jusqu’à s’installer durablement dans les moeurs. Le “kanoun” préhistorique semble définitivement déclassé.

M. El Ouafa anticipe sur cet enjeu électoral de la plus haute importance. Il rappelle que la subvention de la butane a diminué de 80% en 2012. Il rafraîchit ainsi quelques mémoires courtes qui en veulent à son gouvernement par anticipation. Comment cette reculade substantielle est-elle passée comme une lettre à la poste? Certes, il n’y a pas eu de “révolte de la butane”, comme ce qu’on a pu appeler “les émeutes du pain” de juin 1981. Mais, encore une fois, le public n’a pas été dupé. Il a soupesé la butane à sa juste valeur, c’est à dire à son poids, qui est passé de 14 à 12 kilos, sans que cela fasse l’objet d’une information officielle et caractérisée. Après le pain, qui a subi la même cure drastique d’amaigrissement jusqu’à devenir plus léger que l’air; est venu le temps d’une butane qui carbure à feu doux et pour quelques mises à feu seulement.

Dans sa déclaration au site électronique Hespress, M. El Ouafa a pris soin de préciser que cette mesure a été prise par le plus peureux des gouvernements précédents. Il se trouve que dans le lot de l’immédiat avant-Benkirane, ce sont les frères ennemis de son parti de toujours, l’Istiqlal, qui étaient aux commandes. Une amabilité bien sentie à leur attention. L’actuel gouvernement, jure-t-il, s’interdit d’avoir recours à ce genre de stratagème. Il semble même dire que l’effondrement du cours du gaz sur le marché mondial a allégé, de lui-même, la subvention de la Caisse de compensation. Au point que la décompensation de la butane ne sera plus qu’une formalité symbolique.

Soit, à deux précisions près. Un. Rien n’indique que la tendance baissière actuelle des hydrocarbures se poursuivra. Les tractations entre pays producteurs vont bon train. Des frémissements de reprise sont déjà apparus. Deux. Le prix actuel de la butane et sa durée de vie pénalisent déjà un pouvoir d’achat qui souffre de la hausse soutenue du “coup de la vie”.

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