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Les prix des carburants en pleine flambée : Coup de chaud à la pompe


Les automobilistes ont connu un mois d’août coûteux. Cinq augmentations successives durant cette seule période ont fait grimper le prix du diesel à 13,60 dirhams, soit une augmentation de 27 centimes par litre. Quant à l’essence, son prix par litre poursuit son escalade pour atteindre 15,50 dirhams, soit une hausse de plus de 49 centimes. Une tendance qui intrigue. Tentative d’explication.

Depuis l’arrêt de l’activité de raffinage en août 2015, le Maroc est devenu dépendant du marché extérieur non plus seulement pour le pétrole brut, mais celui du produit raffiné également. Il importe de signaler que les prix de vente du gasoil et de l’essence ne sont pas indexés directement sur ceux des cours du baril brut mais sur les cotations de référence des produits raffinés dits “Platts”. Celles-ci sont calculées sur la base des cours du pétrole Brent15 (pétrole de la mer du Nord) après avoir été raffinées sans les frais du fret ni ceux de l’assurance ou de droits et taxes portuaires. Cette cotation est déterminée à partir du marché international de Rotterdam, qui est l’un des marchés de référence en matière de produits pétroliers raffinés.

Au niveau des stations-services, le prix se décompose en trois principales rubriques: le coût d’achat des produits raffinés (gasoil et essence), les frais de leur acheminement, la fiscalité appliquée à ces produits et les marges des distributeurs (les sociétés de distribution et les propriétaires de stations-service). Le coût de reprise est indexé sur le cotations Platts, et on y ajoute les frais d’approche, de fret, d’assurance, des frais de déchargement, des droits et taxes portuaires et des frais liés aux variations du taux de change (DH/USD), et enfin les frais de stockage. La fiscalité alourdit également le prix à la pompe. Le gasoil et l’essence font partie des produits qui sont assujettis à deux catégories de taxes, à savoir la taxe intérieure de consommation (TIC) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

La TIC ne subit pas l’effet des variations des cotations à l’international et, par voie de conséquence, elle est à consommation stable. Le produit de cette taxe n’est donc pas impacté par une hausse ou une baisse du prix du litre du gasoil ou de l’essence. Le montant perçu est constant pour une année donnée, vu qu’il est défini dans la loi de finances. Il s’élève à 242,2 dirhams/ hl pour le gasoil et à 376,4 dirhams/hl pour l’essence. Le gasoil et l’essence sont également taxés au titre de la TVA qui est une taxe ad valorem (selon la valeur). Son taux est de 10% et s’applique au coût d’achat déclaré par l’importateur augmenté de la TIC. Ce qui veut dire que le montant de la TVA est calculé, en partie, sur la TIC. Contrairement à la TIC, l’évolution des recettes de la TVA est affectée par l’évolution des cotations au niveau international. De ce fait, toute hausse des cours se traduit automatiquement par un renchérissement du prix de vente final et également par une augmentation des recettes qui lui sont corrélées.

Mais là où la polémique fait rage, c’est au niveau des marges. Elles se calculent en faisant la différence entre le prix de vente hors taxe et les frais relatifs à l’achat des produits raffinés, et sont augmentées ensuite des frais de stockage, des coûts de transport-distribution et de l’acheminement des carburants jusqu’à la station-service.

Pratiques anticoncurrentielles
S’agissant des marges dégagées par les stations-service, elles se calculent en faisant la différence entre le prix d’achat par la station-service (le prix de cession pour la société de distribution) et le prix de vente final affiché à la pompe au niveau de la station- service. Cette hausse subie lors du dernier mois était prévisible. Le 3 août 2023, une notification des griefs a été adressée par le rapporteur général du Conseil de la concurrence à neuf sociétés opérant dans les marchés de l’approvisionnement, du stockage et de la distribution du gasoil et d’essence, ainsi qu’à leur association professionnelle. En effet, les services d’instruction considèrent qu’ils disposent d’éléments suffisamment probants, caractérisant l’existence de pratiques anticoncurrentielles commises par les parties mises en cause sur les marchés de l’approvisionnement, de stockage et de distribution du gasoil et d’essence, et qui sont contraires aux dispositions de l’article 6 de la loi n° 104-12 telle que modifiée et complétée précitée.

Le texte dispose ceci: “sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou tacites, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, notamment lorsqu’elles tendent à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises; à faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique; répartir les marchés, les sources d’approvisionnement ou les marchés publics”.

Ces pratiques justifient, selon plusieurs observateurs, la nécessité de mettre en place un stock stratégique. Ce dernier n’aura pas pour but seulement de renforcer les réserves du Maroc afin d’ériger la souveraineté alimentaire et sanitaire de notre pays mais visent aussi à permettre un fonctionnement concurrentiel des marchés en sauvegardant un niveau optimal de l’offre et en atténuant les fluctuations des prix. “Dans ce contexte, il est estimé que le gouvernement ne devrait pas se contenter uniquement de la sécurisation des contrats d’approvisionnements de certaines denrées vitales et de l’importation massive des produits en période de détente des cours internationaux, mais également d’oeuvrer au renforcement des capacités de stockage en procédant notamment au développement et à la modernisation des infrastructures y afférentes”, indiquent les analystes du Conseil de la concurrence dans le rapport d’activité 2022, publié le 28 août 2023.

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