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Présidentielle Française, le Maroc vote Macron
- par Wissam El Bouzdaini
- 04-05-2017
- Politique
Hamza Hraoui est Franco- Marocain. Le détail est important: les élections présidentielles françaises, dont le deuxième tour est prévu le 7 mai 2017, il ne les suit pas comme n’importe quel autre Marocain du Maroc. Et même plus: il est le référent national du mouvement En marche! (EM!), sous la bannière duquel l’ancien ministre de l’Économie français Emmanuel Macron brigue la magistrature suprême de son pays. “A un moment où je voulais m’engager en politique mais où aucun parti n’avait grâce à mes yeux, EM! a été pour moi une révélation, nous explique l’intéressé. Le mouvement amenait une fraîcheur nouvelle et une offre inédite sur l’arène politique, même si quand on y repense, les résultats obtenus en à peine un an d’existence surprennent à plus d’un titre.”
Fraîcheur nouvelle
Créé en avril 2016 seulement, EM! s’apprête en effet à porter M. Macron à la présidence de la République française. Ses chances sont, pour le moins, importantes. Au premier tour des élections, le dimanche 23 avril 2017, M. Macron est arrivé premier avec 8.657.326 voix, soit 24,01% des suffrages exprimés. Sa première poursuivante, Marine Le Pen, qui doit l’affronter au second tour sous les couleurs du parti d’extrême droite du Front national (FN), arrive derrière avec près d’un million de voix de différence. Le premier sondage réalisé le surlendemain du premier tour par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) et le groupe Fiducial donne d’ailleurs M. Macron largement gagnant (22 points d’avance).
Le candidat d’EM! bénéficie notamment de l’appui de ses anciens acolytes du Parti socialiste (PS), d’où il avait officialisé son départ en 2015 avant de lancer plus d’un an plus tard son mouvement. Même le candidat du parti de droite des Républicains, François Fillon, qui a avoué pourtant n’aimer ni M. Macron ni son programme, a appelé à voter en faveur de l’ancien ministre.
“Je suis avec une certitude totale que de Mme Le Pen mettrait la France par terre en six mois et déclenchera une décadence et un déclin pour le pays”, a-t-il expliqué. On croit ainsi revivre les élections de 2002, où la majorité des femmes et hommes politiques français avaient dépassé leurs clivages pour apporter leur soutien au candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP, droite) Jacques Chirac face déjà à un Le Pen, en l’occurrence Jean-Marie, père de. “Il ne faut pas pour autant se reposer sur ses lauriers, nous indique M. Hraoui. Nous l’avons vu notamment au Royaume-Uni (retrait en juin 2016 de l’Union européenne (UE), ndlr) et aux États-Unis (élection en novembre 2016 de Donald Trump à la présidence, ndlr), le péril n’est jamais loin. D’où l’impératif de rester vigilants.”
Cette préférence pour M. Macron, elle ne se retrouve pas uniquement au sein du commun des Français, mais aussi, pour revenir au Maroc, à l’État marocain. Le candidat d’EM!, bien qu’il ne se soit pas rendu au cours de sa campagne au Royaume comme il l’a fait dans les autres pays du Maghreb (Tunisie en novembre 2016 et Algérie en février 2017), n’en a pas moins, ainsi, cessé de multiplier les signaux positifs. A cet égard, il a annoncé, dans l’interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire français Jeune Afrique le 14 avril 2017, que si les Français lui accordent leur confiance, il se rendrait “très rapidement” au Maroc après son élection.
Refusant de commenter la nature des relations entre le Royaume et son voisin algérien, il a même affirmé croire “profondément” à l’intérêt des pays du Maghreb à coopérer davantage et à intensifier leurs relations économiques; ce qui revient de fait à s’aligner sur la politique du Maroc, dont le roi Mohammed VI n’a jamais cessé, à chacun de ses discours, de plaider en faveur de l’intégration maghrébine, mise en berne par l’entêtement de l’Algérie à conditionner son implication dans le projet de l’Union du Maghreb arabe (UMA) par une hypothétique indépendance du Sahara marocain.
Intégration maghrébine
Par rapport justement à la thématique des provinces du sud, M. Macron devrait ainsi poursuivre l’appui français au plan d’autonomie marocain de 2007, qui propose de permettre à la région de gérer elle-même ses affaires à travers des organes législatif, exécutif et judiciaire dotés de compétences exclusives. Il avait à cet égard annoncé dans une interview, le 5 avril 2017, à la radio française RFI que s’il était élu, il continuerait de se plier à la “feuille de route” tracée par l’Organisation des Nations unies (ONU), à savoir la recherche d’une solution juste, durable et mutuellement acceptable au conflit, sans passer nécessairement par un référendum pour exercer le droit à l’autodétermination des populations du Sahara marocain.
Aussi, M. Macron tranche par sa politique d’ouverture économique en comparaison avec Mme Le Pen, qui appelle carrément au retour à un protectionnisme qui n’est plus d’actualité depuis les traités de Westphalie de 1648, et même à la sortie de l’UE, sur l’exemple du Royaume-Uni.
Ouverture économique
Concrètement, le retour des industries françaises délocalisées auquel elle appelle risque d’impacter directement le Maroc, où les entreprises hexagonales ont multiplié les investissements au cours des précédentes années, à l’instar du constructeur automobile Renault, qui s’apprête à décaisser à l’horizon 2023 quelque 10 milliards de dirhams dans le Royaume dans le cadre d’un accord de partenariat signé en avril 2016. Ainsi, des centaines de milliers d’emplois se retrouveraient menacés.
“M. Macron est une personne raisonnable et sait que l’avenir passe par le libre-échange, nous déclare M. Hraoui. Dans ses différents discours, il a notamment mis l’emphase sur la nécessité pour la France de continuer à s’ouvrir à d’autres espaces que l’UE, à l’instar de la mer Méditerranée, à travers l’Union pour la Méditerranée (UPM), et l’Afrique aussi, qui est aujourd’hui un important partenaire des pays européens et occidentaux en général.”
Si M. Macron s’annonce donc pour le Maroc comme un pari parfaitement gagnant, il ne faut pas oublier qu’il faudra rester vigilant, en rappelant le quinquennat du président français sortant, François Hollande, lors duquel une brouille avait pendant près d’une année (2014-2015) enfoncé les relations avec la France, au point que la coopération judiciaire en ait été rompue.
Réalisme et pragmatisme
Dans une procédure que le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération marocain avait qualifiée de “cavalière”, le directeur général de la sûreté nationale (DGSN) et de la surveillance du territoire (DGST) avait fait l’objet, au domicile de l’ambassadeur du Maroc où il se trouvait, d’une convocation pour une sombre affaire de “complicité de torture” sortie de n’importe où par l’association de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).
Si on croit savoir que de tels incidents ne sauraient se reproduire sous M. Macron, dont le réalisme et le pragmatisme s’inscrivent dans le droit fil de la politique prônée par M. Hollande au cours de ses deux dernières années de mandat -le président français, dès la publication des résultats du premier tour des élection, a d’ailleurs directement appelé son ancien poulain au téléphone pour le féliciter de sa première place, soit une façon pour le locataire du palais de l’Élysée d’apporter son soutien-, on imagine bien l’Algérie être dès à présent en train de conjurer pour faire éclater le solide axe liant la France et le Maroc.