La pratique de la médecine au Maroc est pleine de fausses croyances

Souad Jamai

Maroc Hebdo: Comment avez-vous eu  l’idée d’écrire votre roman, “Un toubib  dans la ville”?
Souad Jamai: Je n’ai pas voulu écrire un  livre académique sur la pratique de la médecine  au Maroc. Car je pense que ça sera  trop fastidieux pour le lecteur non initié.  J’ai alors opté pour un roman, facile à lire  et accessible à un large public. L’idée de  l’écrire m’est venue après avoir constaté un  écart entre la pratique médicale en Europe  et la nôtre.

Maroc Hebdo: Avez-vous exercé en Europe?
Souad Jamai: J’ai quitté le Maroc à l’âge  de 6 ans. Comme mon père était un diplomate,  nous avons dû le suivre pour vivre  dans différents pays d’Europe et d’Afrique.  J’ai réalisé mes études de médecine en  Belgique et en France. Avant de rentrer au  Maroc, j’ai exercé dans plusieurs hôpitaux  en France où j’ai acquis une solide expérience  médicale. Ensuite, j’ai ouvert mon  cabinet de cardiologue à Rabat.

Maroc Hebdo: Comment avez-vous trouvé  la médecine au Maroc?
Souad Jamai: À travers mon expérience  marocaine, je découvre, à ma grande stupéfaction,  une pratique médicale pleine  de clichés, de fausses croyances et  d’anomalies.

Maroc Hebdo: Pouvez-vous être plus explicite?
Souad Jamai: Mon roman est plein  d’anecdotes sur ces anomalies qui caractérisent  notre pays. Certaines, je les ai vécues  moi-même, d’autres m’ont été rapportées  par des confrères. Par exemple,  certains malades veulent suivre à la lettre  les préceptes de l’Islam alors que la religion  elle-même leur interdit de jeûner durant  la maladie. Certains pensent que le  jeûne est un sacrifice indispensable à leur  guérison ou à leur rédemption. D’autres  encore y trouvent le moyen d’occulter la  maladie et d’échapper aux médicaments.

Maroc Hebdo: Comment faites-vous  face à ces fausses croyances?
Souad Jamai: J’affronte ces situations  par ma volonté d’expliquer et de  convaincre, sans pour autant heurter les  sensibilités des patients. Je crée un climat  de confiance avec eux en écoutant  attentivement leurs histoires et leurs problèmes.

Maroc Hebdo: Comment trouvez-vous  la relation humaine entre le médecin et le  patient?
Souad Jamai: Alors ça, j’adore. C’est ce  qui fait la différence entre le Maroc et  l’Occident. En France, par exemple, c’est  très froid. La relation entre les deux parties  se limite au diagnostic. Le médecin ne  se mêle pas de la vie privée du patient. En  revanche, chez nous, quand le patient arrive  chez son médecin, il lui déballe tout:  ses problèmes de famille, ses symptômes  et ses souffrances. C’est pour cela que j’ai  voulu écrire ce roman pour montrer cette  chaleur humaine qui existe dans notre  pays et qu’on a la chance d’avoir.

Maroc Hebdo: Chez nous aussi, certains  médecins sont taxés d’opportunisme et  de vouloir gagner beaucoup d’argent sur  le dos des patients. Qu’en pensez-vous?
Souad Jamai: L’une des raisons qui m’ont  poussée à écrire ce roman est de montrer  que le médecin peut être bienveillant à  l’égard de son patient. Et il y en beaucoup  chez nous. Personnellement, j’en  connais plusieurs qui, au-delà de la question  matérielle, sont dévoués à leurs patients.  Non seulement, ils les traitent avec  bienveillance, mais ils peuvent également  participer à résoudre leurs problèmes de  famille et sociaux.

Maroc Hebdo: C’est original, surtout au  Maroc, qu’un médecin publie un roman.
Souad Jamai: Oui, c’est vrai. Beaucoup  de personnes me l’ont confié. Mais tant  mieux. Car j’ai voulu montrer qu’un médecin,  même spécialiste, peut écrire des romans  pour partager ses expériences avec  le grand public. Cette forme de partage  peut contribuer à humaniser la médecine  dans notre pays.

Maroc Hebdo: Comptez-vous exporter  votre livre à l’étranger?
Souad Jamai: Le livre ne m’appartient  plus, mais à la maison d’édition “Afrique  Orient”. C’est à elle de décider de l’exporter  vers l’étranger. Mais je pense qu’il sera  bientôt vendu en France, notamment à la  FNAC.

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