
Rapport du Conseil supérieur de l’éducation
DIAGNOSTIQUE. Le rapport du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique sur la Charte nationale d’éducation et de formation dresse un constat sans fard sur le système d’éducation et de formation national. Oui cela va mal. Pourquoi cependant? Et surtout comment y contrecarrer?
Le système d’éducation et de formation national va mal. Cela l’on ne peut en douter. Il fallait cependant apporter une caution à cette affirmation; celle du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), dont les avis ont au titre de la Constitution de 2011, laquelle avait porté sa création, valeur consultative. La nature hétérogène, composite à laquelle il prétend, de même que la «démarche démocratique» soustendant, du moins à en croire son président Omar Azziman, ses sessions, accorderait de surcroît à ses prises de positions force de feuille de route.
Feuille de route
Dans une de ses premières livraisons depuis son installation en juillet 2014, le CSEFRS vient de se fendre ce mois d’avril 2015 d’un rapport analysant la mise en oeuvre de la Charte nationale d’éducation et de formation. Présenté dans l’intimité de la salle de réunion du conseil, sis dans la capitale, Rabat, le 10 avril 2015, le document met en question les «acquis, déficits et défis» regardant ladite charte. Mais c’est surtout le vocable «déficit» que d’aucuns parmi l’assistance ont retenu le plus. Il faut dire que depuis le discours de la Révolution du Roi et du Peuple de 2013, dans lequel le roi Mohammed VI avait observé que «le secteur de l’éducation en butte à de multiples difficultés et problèmes», le propos à l’endroit du système d’éducation national se fait sans ambages. Qu’en est-il du rapport du CSEFRS?
Changements fréquents
Il faut rappeler que dans son discours, le Souverain n’avait pas hésité à remonter les bretelles au gouvernement Abdel- Ilah Benkiran, lui reprochant d’avoir «remis en cause des composantes essentielles» du Plan d’urgence adopté par le gouvernement Abbas El Fassi en 2009 dans le sillage de la charte au lieu de «consolider les acquis engrangés»; cela «sans avoir impliqué ou consulté les acteurs concernés». Le CSEFRS, lui, ne semble pas s’être embarrassé en termes on ne peut plus critiques de cet aspect; quoiqu’il ait fait mention des «changements fréquents» qui d’après lui auraient entravé le développement «de manière adéquate» du système d’éducation.
Sans doute le devoir de réserve auquel il doit s’astreindre l’at- il emporté. La thématique de la gouvernance est par ailleurs (largement) commentée. Elle constitue l’un des fondements de l’analyse du CSEFRS. Mais les chiffres étant têtus, c’est sur le plan statistique que le conseil apporte l’éclairage le plus éloquent. Un chiffre qui vaut son pesant d’or: entre 2000 et 2013, jusqu’à 7,7% de la richesse nationale a été consacrée au système d’éducation. En outre tandis que la charte préconisait de hausser le budget alloué au secteur de 5% par an, les montants engagés ont souvent dépassé ce seuil. Il ne s’agit donc aucunement d’un problème de financement.
En aval cependant, l’élève marocain enregistre parmi les pires résultats au monde. L’on peut invoquer à ce titre le test TIMSS (Tendances de l’enquête internationale sur les thématiques et les sciences) conduit en 2011 par l’IEA (Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire), lequel avait état du faible voire très faible niveau de 88% des élèves nationaux en mathématiques et en sciences en deuxième année du collège. Une situation paradoxale.
Le CSEFRS dresse sur ce plan un diagnostic au vitriol. Parmi la multitude de facteurs expliquant la faiblesse de ces performances, le conseil liste «la taille des classes», «le taux d’encadrement», «l’état des établissements» et «l’accès aux TIC (technologies de l’information et de la communication)».
La responsabilité du corps pédagogique fait également partie de ces facteurs. Comment dépasser à partir de là ce qu’il conviendrait de cataloguer de «défaillances»? Il est vrai comme le fait remarquer le CSEFRS que la situation du système d’éducation n’est pas aussi catastrophique qu’il n’y paraît.
L’on ne peut ignorer certains acquis, en premier lieu la formation professionnelle. L’une des autres grandes réussites du Maroc est par ailleurs la généralisation de l’éducation. A partir de 2016 prévoit le CSEFRS, l’ensemble des enfants âgés de 5 à 16 ans sera scolarisé. La nouvelle classe moyenne et les couches sociales défavorisées ne semblent pas cependant tirer profit de cette généralisation, poursuit le conseil.
Problématique de la langue
Ainsi l’on ne peut, comme le détaille le CSEFRS, en bonne intelligence faire abstraction des nombreux maux du système d’éducation national. Le premier intéresse la problématique de la langue.
L’arabe marocain, la «darija», accédera-t-il au statut de langue d’éducation comme l’a soutenu la presse nationale ces dernières semaines? M. Azziman a nié que des dispositions aient été adoptées dans ce sens par le CSEFRS, a-t-il assuré en réponse à une question de Maroc Hebdo, ajoutant qu’auquel cas ces dispositions ne sauraient résulter que d’une prise de parti collégiale. Enfin la mise en adéquation entre le système d’éducation et le marché de travail est sans doute l’un des plus importants défis auxquels le gouvernement est appelé à répondre.
Le discours de la Révolution du Roi et du Peuple de 2013 avait passé au crible «certaines filières universitaires», assimilées à «des usines à chômeurs».