LES POURPARLERS DE BOUZNIKA, VOUS AVEZ DIT ?

LE MINISTRE ALGÉRIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR FRANCE 24

La sortie de Sabri Boukadoum sur France 24 qui voulait faire de l’ombre aux pourparlers de Bouznika, a été un flop monumental.

C’est une interview pour le moins décalée que celle diffusée lundi 7 septembre 2020 en soirée par la chaîne France 24, avec pour interviewé le ministre des Affaires étrangères algérien, Sabri Boukadoum. Réalisée à Alger, par la journaliste Soundousse Brahimi, algérienne elle aussi, l’interview, d’une quinzaine de minutes, s’est focalisée sur deux sujets: un principal, à savoir la situation en Libye et au Mali et plus largement dans le Sahel; et le deuxième thème concerne, comme on peut le deviner, les relations d’Alger avec Paris sous l’angle de la mémoire. À la dernière question, M. Boukadoum a apporté une réponse évasive. Conventionnelle.

Concernant le volet qui a certainement suscité cette sortie, à savoir l’évolution de la situation en Libye et au Mali, le ministre algérien a tout simplement botté en touche. Il dit au sujet de la Libye que son pays est pour une solution entre Libyens et que la situation est trop compliquée pour être résumée en deux parties en conflit et que l’Algérie oeuvre pour la stabilité du pays en concertation permanente avec les pays concernés, à savoir la Tunisie, l’Egypte et du pourtour méditerranéen. «L’Algérie aspire à ce que la Libye retrouve sa stabilité, c’est vital pour nous», a-t-il précisément souligné. Une déclaration qui en dit long sur les véritables intentions d’Alger.

Tropisme algérien
Le problème, c’est qu’au moment où l’interview a été diffusée, les protagonistes libyens étaient au Maroc, à Bouznika précisément où ils se sont retrouvés, depuis dimanche 6 septembre, pour essayer de trouver une solution qui permette un retour au calme dans leur pays et préparer une sortie de crise. Les premiers éléments ayant filtré des réunions de Bouznika sont encourageants (lire notre édition du lundi 7 septembre). L’ONU n’a pas manqué de saluer lundi soir l’initiative marocaine.

Les Etats unis et des pays européens du pourtour méditerranéen aussi, la Russie a, quant à elle, formé le voeu de réussite pour les rencontres de Bouznika. Tout le monde a vu d’un bon oeil ce qui se passe à une trentaine de kilomètres de Rabat sauf le ministre algérien et la France du président Macron. On aurait aimé qu’il dise que ces rencontres de Bouznika ne donneront rien. Mais il a préféré les ignorer. Ignorer un fait que tout monde salue. Un tropisme qui ne dit pas son nom.

Pour le Mali, le ministre algérien s’est dit fier d’avoir été le premier responsable étranger à visiter Bamako après le putsch. Un putsch qu’il qualifie de changement anticonstitutionnel. Là aussi, il dit avoir demandé au conseil d’Etat malien de passer le témoin à une transition civile… Et qu’en concertation avec certains pays, il poursuivra ses contacts avec les dirigeants maliens actuels, rappelant toutefois que l’Union africaine a condamné «ce changement anticonstitutionnel ».

Encore une fois, le ministre algérien n’a pas cité d’autres pays qui mènent des médiations, dont le Maroc, comme l’a témoigné Assimi Goïta, le président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) lui-même: le Maroc a, dès le 20 août, été le premier pays à entrer en contact avec lui. Lors de l’audience qu’il a accordée le 25 août, à l’ambassadeur du Royaume au Mali, Hassan Naciri, il a qualifié la «contribution » de Rabat «aux efforts consentis en vue d’aboutir au dénouement de la crise» malienne d’«active», et en a remercié le roi Mohammed VI (Lire Maroc Hebdo numéro 1359, du vendredi 4 septembre 2020).

Plus, lorsque M. Boukadoum parle de la situation du Maghreb et dans le Sahel, il ne cite à aucun moment le Maroc, ne serait-ce que pour dire qu’il y a des problèmes avec Rabat… Autant dire que le ministre des Affaires étrangères algérien perpétue une tradition qui date de plusieurs décennies, à savoir taper sur le Maroc quand il le faut et, à défaut, l’ignorer...

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