Le Wali de Bank Al Maghrib insinue que le gouvernement n’exerce pas, comme il se doit, ses prérogatives de contrôle des prix et de régulation de l’approvisionnement du marché. Ce qui est vrai.
A Rabat, le fringant Abdellatif Jouahri était attendu mardi 21 mars 2023 pour animer l’habituelle conférence de presse au siège de Bank Al Maghrib, à l’issue de la réunion trimestrielle du Conseil de la Banque centrale. Mais ce jour-là, l’homme, connu pour son franc-parler, n’est pas venu.
Le Wali de Bank Al Maghrib a annulé, in extremis, sa réunion. C’était regrettable. Car il avait habitué ses interlocuteurs à commenter, sans détours, les décisions prises lors de chaque Conseil qu’on rendait publique dans un communiqué diffusé sur le site de la Banque centrale. Sauf que cette fois-ci, BAM a supprimé la communication en ligne seulement quelques minutes après sa diffusion. Pourquoi ?
En vérité, le contenu du communiqué a fini par agacer certaines parties prenantes. Bank Al Maghrib a décidé de relever de 2,5 à 3% le taux directeur de l’argent loué aux banques commerciales, ce qui finirait par se répercuter sur le taux des crédits aux entreprises. La Banque centrale l’a justifié par la nécessité de freiner l’inflation qui s’accélère encore et atteint des sommets inquiétants depuis quelques semaines.
En même temps, on avait l’impression que Abdellatif Jouahri avoue ses ‘’échecs’’. Dans le communiqué de la Banque centrale, on apprend que malgré ce relèvement du taux directeur, l’inflation devrait rester à des niveaux élevés à moyen terme, ‘’en raison essentiellement de la flambée des prix de certains produits alimentaires’’ mais aussi du démarrage programmé de la décompensation des prix des produits subventionnés en 2024.
Ce qui montre clairement que M. Jouahri insinue que le gouvernement n’exerce pas, comme il se doit, ses prérogatives de contrôle des prix et de régulation de l’approvisionnement des marchés. Ce qui est vrai. En septembre puis en décembre 2022, déjà, la Banque centrale avait revu à la hausse le taux directeur, chaque fois de 0,5%. Le tout était pour freiner l’inflation des prix et pour préserver le pouvoir d’achat et la dignité des Marocains. Peine perdue.
Rien de cela n’a été atteint. L’inflation a continué à grimper de plus belle. A la veille du mois de Ramadan, le prix d’un kilo de tomates coûtait 15 dirhams alors que le gouvernement Akhannouch avait promis de baisser les prix des légumes et des fruits pour les rendre accessibles aux ménages à l’approche du mois sacré.
Quand Abdellatif Jouahri dit les quatre vérités, ça agace ! D’ailleurs, le wali de BAM avait déjà souligné, lors du point de presse de mardi 27 septembre 2022, que cette inflation continue d’être alimentée par des pressions d’origine interne. L’absence de supervision des services gouvernementaux laisse le terrain libre à nombre d’opérateurs économiques qui trouvent dans cette incertitude et cette volatilité des marchés internationaux un alibi pour justifier des hausses disproportionnées et injustifiées et souvent non transparentes de leurs prix et tarifs.
Voici une autre aberration qui renseigne sur une politique qui vise uniquement à s’épargner la grogne des opérateurs économiques. Le gouvernement Akhannouch a accordé, à maintes reprises, aux transporteurs routiers des aides financières pour faire face à la hausse des prix des hydrocarbures, sans leur demander une contrepartie. Au final, les transporteurs ont reçu des milliards de dirhams sans les impacter sur le prix ou le tarif public.
Comme Abdellatif Jouahri, il n’y en a pas deux. C’est un des rares responsables intègres qu’a connus le Maroc. Il ne recule devant rien pour empêcher que les politiciens passent pour prioritaires leurs intérêts personnels. En juin 2021, en pleine période pré-électorale, il était le seul à déclarer sans fard que les Marocains ne faisaient plus confiance aux partis politiques, car beaucoup de promesses leur sont faites sans que les résultats ne se ressentent sur le terrain. Il a ajouté qu’il faudra mesurer la portée des promesses au regard de la situation actuelle des finances publiques.
Ce que des partis politiques n’ont particulièrement pas apprécié, c’est que le Wali parle de ces formations politiques en utilisant l’expression «Bakour w Zaâtar», qui, traduite de l’arabe, s’apparente à des «machins». Quel autre responsable politique fera une sortie pareille pour dénoncer une situation qui risque d’exploser à tout moment ?