WALID BENSELIM, CHANTEUR DU GROUPE N3RDISTAN
Groupe marocain de musique alternative, N3rdistan a pu faire ses preuves dans plusieurs scènes au Maroc mais aussi à travers le monde. Loin des grandes tendances musicales commerciales qui dominent les devants de la scène, ses membres ont préféré emprunter une tout autre voie où la fusion de styles musicaux et les paroles extrêmement recherchés sont le mot d’ordre.
Le chanteur du groupe, Walid Benselim, résume parfaitement cette identité assez originale et ce choix courageux, où Rock, Metal, Hip Hop et d’autres genres se mélangent. Dès les premiers abords, difficiles de ne pas apprécier le personnage. Il nous accueille avec un sourire courtois mais sans excès. Avec sa grande taille, son corps mince et ses cheveux denses et frisés, nous l’avons facilement distingué de loin dans le lieu de rencontre.
Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Derrière ce visage de jeune homme de 32 ans au style décontracté, se cache un grand amoureux de la culture et surtout de la poésie arabe. Cet amour se ressent d’emblée et facilement dans les choix artistiques de Walid. «Nous sommes prédisposés à porter cet amour en nous, car les cultures arabe et marocaine sont profondément liées à la poésie, et les Arabes ont toujours été des poètes et des conteurs même avant l’avènement de l’Islam», nous explique-t-il.
La poésie dans la peau
D’autant plus que l’enfance de Walid, natif de Casablanca, a été particulièrement marquée par l’omniprésence de cette culture. «Ma mère lisait et récitait des textes de Nizar Kabbani lorsqu’elle était enceinte de moi», poursuit-il, avec un sourire encore plus exposé. Femme de lettre, elle permet à son fils de développer ses talents dès un jeune âge, en le poussant à monter sur scène, pour la première fois, à l’âge de six ans pour chanter du Marcel Khalifa. S’ensuit une phase d’apprentissage au conservatoire.
Et à 13 ans, Walid sonde de nouveaux horizons artistiques, en commençant à chanter du rap. «Je ressentais cette envie de contester le pouvoir des parents, il fallait que je gueule parce que les gens ne me comprenaient pas». Par la suite, le jeune Walid se tourne vers le Métal, avant d’arriver maintenant à l’Electro et la Fusion. Mais cela ne l’empêche pas de garder un lien avec tous ces genres, qu’il continue à écouter avec autant de plaisir et qu’il considère comme des «écoles» qui ont permis de façonner son identité artistique.
Le jeune artiste n’omet pas d’ailleurs la possibilité de changements pareils dans l’avenir. «Seuls les cons ne changent pas» rétorque-t-il avec un léger rire. Pour lui, il ne faut jamais se poser de limite. «Si on décide consciemment d’emprunter une nouvelle voie musicale, on le fera, du moment qu’on le fait avec amour. C’est ce qui compte le plus car quand on fait quelque chose par amour, cela donne lieu à quelque chose de beau».
Mais cette vision de l’art se complète par une règle d’une très grande importance d’après Walid. «C’est un principe fixe pour moi: faire une musique que je ne regretterai pas plus tard. Il faut que le Walid d’ici 30 ans ne se dise pas “merde qu’est-ce que t’as foutu là?” en voyant le Walid d’aujourd’hui. Il faut que je suis fier de ce que je fais, et c’est le cas à l’heure actuelle, je suis heureux de pouvoir monter sur scène et faire ce que je fais».
L’amour avant tout
Toutefois, le chanteur de N3rdistan regrette le manque de visibilité de la scène alternative, notamment sur les médias traditionnels. Malgré la présence d’un grand nombre de bon chanteurs, rappeurs, groupes de fusion, des groupes de punk qui font de la bonne musique, le manque de médiatisation les pénalise. «On n’en parle pas assez alors que cette culture de musique alternative est présente partout dans le monde entier surtout les pays arabes comme le Liban, l’Egypte, la Syrie et bien évidemment le Maroc, mais elle ne trouve refuge que sur internet pour se faire connaître», regrette Walid. Cela donne alors une image assez biaisée au public, qui ne voit plus que du commercial partout selon lui.
Mais même au sein de ce courant alternatif, N3rdistan parvient à se distinguer avec ses morceaux toujours atypiques, reposant sur la poésie arabe et des rythmes envoûtants, offrant au public une musique aux attrait spirituels, animée par la dialectique de la contestation et de l’apaisement. C’est également aussi un pont intergénérationnel.
«A travers notre art, on découvre que nous avons les mêmes problèmes, qu’on prend le même chemin que l’ancienne génération, c’est juste le langage avec lequel on l’exprime qui diffère», nous explique Walid.
Pont entre les générations
Cette logique a même influencé le choix du nom du groupe. N3rdistan est en effet un clin d’oeil à toute la génération actuelle où les jeunes sont devenus des d’exilés numériques toujours connectés sur leurs smartphones, mais c’est un clin d’oeil également au joueur de «nerd» (dé en français), titre de l’avant dernier poème écrit par Mahmoud Darwich.
Cette influence de la poésie arabe ne se limite pas au nom, mais est bien plus profonde. «Avant, l’arrivée d’internet, il fallait aller dans les librairies anciennes pour pouvoir trouver des poèmes de Randi, Asmaai et Moutanabi. On entendait parler brièvement de ces auteurs et de leurs oeuvres durant notre parcours à l’école, sans les étudier en profondeurs », estime Walid. Mais avec les possibilités offertes par cette technologie, il est désormais possible d’aller chercher plus loin dans la recherche de ce patrimoine et avec plus de facilité. C’est là qu’intervient Walid et son groupe.
Leur objectif consiste à faire perdurer ces textes précieux mais surtout intemporels. Des poèmes qui peuvent décrire et raconter des réalités contemporaines, alors qu’ils ont été écrits au 13ème siècle ou même avant.