Le grand calvaire des malades du sida au Maroc
Dans son bureau, au fond d’un local austère, niché à l’intérieur de l’école des infirmiers, derrière le CHU Ibnou Rochd de Casablanca, Professeur Hakima Himmich conserve toujours son sourire malgré les chiffres effarants de la maladie du sida au Maroc. Présidente depuis 1988 de l’Association de lutte contre le sida (ALCS), Hakima Himmich mène un combat inlassable contre cette maladie qui demeure encore un tabou chez nous. Un tabou qui se reflète manifestement au niveau des chiffres: plus de 13.000 personnes atteintes ignorent porter le virus du sida.
Cette aversion des Marocains au dépistage s’explique par la peur de stigmatisation et du regard accusateur de la société envers les malades. «Il y a encore cette hantise forte de dire aux autres qu’on est séropositif», estime Hakima Himmich. «Comment voulez-vous encourager les Marocains à se faire dépister alors que la société marocaine est intolérante? », s’inquiète-t-elle.
Une situation insoutenable
Pour celle qui symbolise encore la lutte contre le sida dans notre pays, le rejet des séropositifs peut se manifester au sein même de la famille, y compris par leurs propres mères. Une situation insoutenable et excessivement dure à laquelle sont exposés ces malades qui, néanmoins, peuvent retrouver un certain réconfort psychologique auprès des associations spécialisées.
Mais cette pesanteur sociale, malgré son poids religieux et sociologique considérable, n’a pas empêché le ministère de la santé d’agir pour multiplier le nombre de centres de dépistage, qui atteignent actuellement 850 à travers tout le Royaume. Il y a encore quelques années, ce dépistage était réservé aux seules associations de lutte contre le sida. En 2012, ils ont été plus de 220.000 Marocains à se faire dépister et plus de 620.000 en 2014.
Il n’y a nul doute que le plus grand bénéfice de se faire dépister tôt est de freiner la progression de la maladie avant qu’elle ne détruise totalement le système immunitaire du malade.
Pour les spécialistes, le traitement actuellement proposé permet en effet de briser cette chaîne de transmission de la maladie et peut même assurer une espérance de vie normale, pratiquement égale à celle d’une personne séronégative.
Cette progression dans la prise en charge et l’amélioration de l’efficacité du traitement nourrissent parfois l’espoir d’une éventuelle éradication de la maladie. Mais il paraît que c’est un objectif encore lointain. Et pour cause, il est vrai, au Maroc, les efforts du ministère de la santé sont considérés comme louables, mais, au niveau des Nations Unies, on soupçonne un certain relâchement qui risque d’aggraver encore la situation du sida dans le monde. Ce relâchement se manifeste notamment dans la baisse du budget alloué au fonds des Nations Unis pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Une manne insuffisante
Au Maroc, le Sidaction constitue l’une des principales sources financières de la lutte contre le sida. Programmé dans la soirée du vendredi 16 décembre 2016, sur la deuxième chaîne de télévision, 2M, le Sidaction, qui en est à sa 6ème édition cette année, devrait générer un peu plus de 13 millions de dirhams de dons. Le précédent Sidaction, réalisé il y a deux ans, avait généré 10 millions de dirhams. Une manne estimée encore insuffisante face à l’ampleur des dépenses engagées par les associations pour la prise en charge des malades.
«Outre les traitements et les analyses médicales offerts, notre association prend également en charge les frais de déplacement et de transport, les paniers de nourriture ainsi que les dépenses liées à la prise en charge psychologique», estime Hakima Himmich. Mais, forte du soutien du ministère de la santé, elle aborde l’avenir avec beaucoup d’optimisme. Son souhait le plus fort est que le sida disparaisse dans notre pays, mais avant d’y arriver, elle aspire à ce que la société marocaine soit plus tolérante à l’égard des malades