Place aux jeunes pour bâtir le monde de demain !

Une gouvernance démocratique nouvelle et des politiques d’inclusion ambitieuses à l'égard des générations montantes

Si le monde va aussi mal, il y a bien lieu de s’inquiéter pour son avenir et, in fine, du sort de sa jeunesse, ce qui nous oblige à réfléchir sérieusement sur le monde que nous voulons laisser aux générations futures.

À l’aube de cette troisième décennie de ce troisième millénaire, une pandémie virale sans pareil depuis un siècle trace de nouvelles frontières entre le monde développé et celui en développement. On assiste à une accélération du changement du paysage géopolitique mondial, qui fait renaître le spectre de l’affrontement Est-Ouest et du conflit civilisationnel Occident-Orient.

Sur le plan économique, on assiste à une explosion de la dette mondiale, qui atteint un niveau record équivalent à 256% du PIB mondial en 2020, suite aux mesures interventionnistes anti-COVID, du jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale. L’effondrement de l’économie mondiale semble écarté, sinon reporté, notamment grâce aux politiques monétaires orchestrées par les banques centrales, ce qui n’a pas manqué d’occasionner une inflation croissante et inquiétante, qui n’en finit pas d’épuiser le pouvoir d’achat des ménages et de spolier de manière brutale l’épargne des classes populaires.

Côté écologie, les rapports sur les changements climatiques sont alarmistes face à des actions insuffisantes des États en faveur du climat. L’augmentation exceptionnelle de la concentration des gaz à effet de serre durant ces quinze dernières années a conduit à un réchauffement climatique plus important que prévu. La hausse des températures a fait accroître l’intensité et la durée des sécheresses dans différentes régions du monde. Les pires impacts des changements climatiques sur les sociétés et sur les économies sont devant nous!

Si le monde va aussi mal, il y a bien lieu de s’inquiéter pour son avenir et, in fine, du sort de sa jeunesse, ce qui nous oblige à réfléchir sérieusement sur le monde que nous voulons laisser aux générations futures. Le monde compte aujourd’hui le plus grand nombre de jeunes de son histoire. Un quart de la population mondiale est âgé de moins de 24 ans, dont plus de 90% vivent dans les pays en développement. Pour ces pays, il s’agit d’une aubaine démographique. En effet, lorsqu’ils ont la possibilité d’exercer leurs droits et qu’ils font l’objet de politiques inclusives, les jeunes peuvent constituer une énergie qui permet de susciter les changements positifs et une force vive agissant pour le bien commun.

Sur le plan global, les jeunes sont plus sensibilisés que leurs aînés à la question des enjeux et objectifs du développement durable, qui est une problématique intergénérationnelle. Ils sont plus préoccupés par l’écologie et la protection de la nature et sont conscients des grands défis mondiaux. Plus à l’aise avec la mondialité et le tout digital, ils se sentent davantage citoyens du monde.

En société, ils contribuent à faire évoluer les normes dépassées, exposent les contradictions et les préjugés et remettent souvent en question les stéréotypes négatifs, et les remplacent par les notions d’égalité et d’inclusion. Acteurs du changement, les jeunes ont aussi le pouvoir d’agir et de mobiliser les autres, principalement à travers les réseaux sociaux, qui sont devenus aujourd’hui les canaux les plus puissants d’influence et en terme de changement.

Par contre, les jeunes s’éloignent de plus en plus de l’action politico-partisane pour un engagement pour les grandes causes et un enrôlement dans les activités de bénévolat ou de l’entrepreneuriat social. Les partis politiques et les syndicats constituent pour eux les formes les moins privilégiées de la participation citoyenne. Ils leur préfèrent la vie associative ou encore les mouvements sociaux aux objectifs clairs et effets immédiats recherchés.

D’un autre côté, les conditions de vie précaires que peuvent induire le chômage, l’exclusion et la pauvreté, particulièrement nuisibles aux jeunes défavorisés, gâchent souvent ce potentiel et cette énergie. Juste avant la pandémie, plus de 15% des jeunes de 15-24 ans dans le monde étaient au chômage, 77% occupaient des emplois non déclarés et un jeune sur cinq était en situation de NEET (Ni à l’emploi, ni en enseignement, ni en formation) selon l’Organisation internationale du travail (OIT). En 2019, selon l’ONU, les moins de 18 ans constituaient la moitié des personnes en situation de pauvreté des pays à faibles et moyens revenus.

Ces jeunes laissés-pour-compte de la croissance économique et des politiques néolibérales, dont ni les politiques publiques, ni les responsables politiques ne semblent sérieusement prendre en compte leurs préoccupations et leurs attentes, constituent une population marginale, peu éduquée pour comprendre les mutations en cours, peu formée pour appréhender le monde professionnel qui connaît un bouleversement majeur, dû aux avancées technologiques et aux grandes tendances sociales, politiques et démographiques. Ces jeunes refusent aussi bien le monde actuel que celui qui est en train d’advenir. Ils croient, souvent, en l’effondrement du système actuel et adoptent un comportement autodestructeur qui inquiète et préoccupe leurs aînés, et qui se manifeste par la drogue, la violence et le mal-être dépressif ou suicidaire.

Pour sortir de cette situation, l’humanité est dans l’impératif de dépasser le modèle de développement, fondé sur une hypercompétitivité réalisée au détriment des personnes, et sur une prédation des ressources naturelles devenue intenable, pour aller vers un projet sociétal qui repose sur une justice sociale, fiscale et climatique. Le moteur de l’économie mondiale, que représente le néolibéralisme et qui a conduit à la crise systémique actuelle, semble être parvenu à sa limite. Il est temps de renouveler la politique et d’adopter une économie humaine de bien commun, basée sur la résolution de la question sociale et une véritable renaissance écologique.

Les enjeux de développement économique et social qui sont cruciaux pour le bien-être de la jeunesse et qui méritent une attention particulière sont connus. Il s’agit de l’éducation et la formation qui sont d’une importance capitale pour la résorption des inégalités sociales, l’emploi décent, la migration, l’entrepreneuriat durable et le développement de l’auto emploi, l’inclusion financière des très petites et petites entreprises et la diversification des sources de financement, notamment collaboratif, l’accès à la technologie de l’information et de la communication et la réduction de la fracture numérique, la santé aussi bien physique que mentale et sociale, l’environnement et les moyens de subsistance durables et enfin la participation au processus décisionnel. L’action en faveur de la jeunesse présente également de nombreux avantages économiques, car l’investissement dans les jeunes peut faire progresser la croissance économique.

Rendre les jeunes autonomes, c’est les aider à mieux anticiper les évolutions du monde et à mettre leurs forces au service du développement. Restaurer la confiance des jeunes, c’est faire confiance à leur créativité et les accompagner dans leurs projets innovants, c’est respecter leur liberté et les responsabiliser en multipliant les opportunités et voies de leur participation.

Les comportements sociologiques et politico- sociaux de nos jeunes pourraient être inédits. Il faudrait les prévenir pour mieux les contenir, à l’aide d’une gouvernance démocratique nouvelle et de politiques d’inclusion ambitieuses à leur égard, par le biais d’organisations politiques horizontales fortes, qui élaborent des propositions, décisions et positions de la manière la plus participative et la plus démocratique possible, et qui participent à l’émergence de jeunes élites à tous les niveaux et dans tous les domaines.

Les jeunes d’aujourd’hui ont des talents et des capacités. Ils ont dès aujourd’hui un rôle important à jouer dans l’édification d’un autre monde plus juste, plus égalitaire et plus démocratique. Nous devons juste être prêts à les laisser faire !.

 

Par ANASS DOUKKALI, Universitaire, Ancien ministre

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