PJD-PAM, fin de la paix des braves

CONFRONTATION. Après plusieurs mois d’accalmie, les hostilités entre le Parti de la justice et du développement (PJD) et le Parti authenticité et modernité (PAM) reprennent de plus belle. Une opposition loin d’être aussi évidente qu’il n’y paraît. CONFRONTATION. Après plusieurs mois d’accalmie, les hostilités entre le Parti de la justice et du développement (PJD) et le Parti authenticité et modernité (PAM) reprennent de plus belle. Une opposition loin d’être aussi évidente qu’il n’y paraît.

L’actualité politique partisane a été marquée, ces dernières semaines, par la relance des hostilités entre le Parti de la justice et du développement (PJD), principal parti de la majorité gouvernementale, et le Parti authenticité et modernité (PAM), deuxième parti de l’opposition et créé en parti en 2008 justement pour contrer l’éventuelle vague islamiste du PJD.
Aujourd’hui, l’opposition entre les deux formations n’épargne plus aucun terrain, même celui du football. Ainsi le chef du gouvernement n’avait pas hésité à décocher ses flèches, sans le nommer, le 31 janvier 2015, lors d’une réunion du conseil national du PJD, en direction du secrétaire général adjoint du PAM, Ilyas Elomari (et au passage également son autre ennemi du moment, le secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, Hamid Chabat), considéré comme l’homme fort du parti; s’interrogeant sur l’origine des 120 millions de dirhams avec lesquels l’intéressé compterait financer une imprimerie dans le cadre de son projet de groupe médiatique. Il était également revenu à la charge lors de la réunion, le 8 février 2015, des conseillers municipaux du PJD pour traiter, cette fois-ci, M. Elomari de “mafieux”.

Les premières attaques
Entre-temps, M. Benkirane avait, lors de son passage à la chambre des représentants, chambre basse du parlement, le 3 février 2015, déclaré à la présidente du groupe authenticité et modernité, Milouda Hazeb, que le “ était plus grand”; faisant référence à la taille de leurs partis respectifs; cette affirmation dont la formulation pouvant prêter à confusion avait été dénoncée par l’opposition.
Pour sa part, M. Elomari n’a pas été en reste et, dès les premières attaques, avait rétorqué, documents avait-il soutenu à l’appui, que le PJD n’était pas exempt de passe-droits. Ainsi, le 4 février 2015, devant les caméras du journal électronique Hespress, au siège du PAM, il avait fait référence à des lots de terrain dont le parti islamiste aurait bénéficié de la part du ministère de l’Intérieur dans la capitale, Rabat, du temps où Omar Bahraoui, du parti du Mouvement populaire (MP) était, de 1995 à 2003, président du Conseil de la communauté urbaine. Lot que, d’après le président du groupe justice et développement au parlement, Abdellah Bwano, l’actuel député Mohamed Réda Benkhaldoun aurait régulièrement acheté en 1996 alors qu’il n’assumait pas encore à l’époque de mandat politique. M. Benkirane, lui, était traité de “vendeur d’eau de javel” et “chef de gang”. Loin des déclarations d’intention des mois précédents. Pourquoi ce revirement?
Naturellement, la question se pose avec acuité. Elle conduit à répondre à une problématique d’autant plus énigmatique: que s’est-il passé entretemps? Ensuite, s’agit-il réellement d’un conflit PJD-PAM? Cette dernière question mériterait sans doute plus ample examen.

Un projet politique “périmé”
En pratique, tant dans les déclarations de M. Benkirane que dans celles des cadres du PJD, c’est le PAM dans son ensemble qui est accusé de véhiculer un projet politique non seulement “commercial” mais “périmé” de surcroît (les deux adjectifs sont du chef du gouvernement lors de son passage à la chambre des représentants).
Cela dit, seul M. Elomari est frontalement attaqué. En effet, le secrétaire général du PAM, Mustapha Bakkoury, est, lui, considéré comme “honnête”, avait déclaré M. Benkirane devant le conseil national. S’agit-il donc en réalité d’un conflit PJD-Elomari? La théorie n’est pas aussi invraisemblable qu’il n’y paraît. D’autant que si l’on se rappelle des événements du 20 février 2011, lorsque le Printemps arabe battait son plein au Maroc, M. Elomari était assimilé dans les déclarations de nombreux membres du PJD, dont le député Abdelaziz Aftati, à “l’Etat profond” que la formation islamiste aurait accédé au gouvernement pour combattre. M. Elomari, et bien que celui-ci s’en défend, notamment dans son interview en septembre 2014 à la chaîne de télévision américaine Al-Hurra, est, qui plus est, dit proche de M. El Himma, l’ancien ennemi n°1 des islamistes.
Cela étant, pourquoi maintenant? Pourquoi le PJD, ou du moins une partie du PJD, aurait envisagé en toute connaissance de cause l’alliance avec le PAM avant de se rétracter aussi subitement par la suite? Il y a d’abord la perspective des élections communales, prévues en mai 2015, mais dont M. Benkirane vient d’annoncer le report pour septembre 2015. On le sait, depuis la razzia du PAM lors des communales de 2009, lors desquelles le parti du tracteur avait raflé plus de 21% des sièges, et bien que le roi lui ait confié en octobre 2014 la supervision des élections, le chef du gouvernement craindrait d’éventuelles intrusions de l’Administration dans le processus.

Volte-face islamiste
Intrusions fort possibles, d’après le PJD, au vu des accointances du PAM, dénonce la formation islamiste, avec certains appareils de l’Etat. Mais, en soi, cette raison est peu convaincante sachant bien que le PJD avait bien conscience, hier tout autant qu’aujourd’hui, de la proximité des élections et des enjeux y afférents.
Quelle pourrait donc être la vraie raison de la volte-face islamiste? Sans doute plusieurs. L’une d’entre elles pourrait être le décès, le 7 décembre 2014, du ministre d’Etat Abdellah Baha, éminence grise de M. Benkirane et grand défenseur du rapprochement avec les autres formations politiques quel que soit leur bord, dont le PAM, avait révélé le député PJD Mohammed Larbi Belcaid en marge de la cérémonie d’inhumation du défunt.
M. Baha avait d’ailleurs à titre d’illustration été derrière l’idée d’un alliance avec la Koutla en 2011 lors de la formation de l’actuel gouvernement, bien que ce groupement comprenant les principaux partis du mouvement national comportât des formations de gauche voire d’extrême gauche s’agissant du Parti du progrès et du socialisme (PPS), aujourd’hui dans le gouvernement. En tout cas, c’est depuis sa disparition que le PJD, M. Benkirane en tête, a fait machine arrière dans ses rapports avec le PAM. Cela signifierait, par ailleurs, que l’édifice gouvernemental pourrait s’effriter du jour au lendemain en l’absence d’une personnalité consensuelle à l’image semble-t-il de M. Baha.

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