Un pionnier du cinéma marocain s'en va

Décès du réalisateur Mohamed Ismail, 69 ans

En près de cinquante ans consacrés à la production cinématographique, le défunt a voulu “éveiller, voire sonder les rapports humains”.

Sa vie durant, Mohamed Ismail a aimé le cinéma. Au point, sans doute, d’en mourir. Car les problèmes de santé que connaissait depuis quelque temps le réalisateur, décédé ce 20 mars 2021 à Casablanca, ont coïncidé avec l’histoire autour du financement de son dernier film, La Mora, présenté voilà plus d’un an au Festival national du film de Tanger mais que le public n’a jamais vraiment pu découvrir à cause de la pandémie de Covid-19, qui fait que toutes les salles du pays demeurent fermées.

En effet, sa désormais veuve, Jamila Seddik, est plusieurs fois sortie ces derniers mois dans les médias pour dénoncer le peu de soutien que La Mora a, à ses yeux, obtenu de la part du Centre cinématographique marocain (CCM), alors même que le film revient sur le sujet des “Regulares”, ces soldats marocains ayant combattu pour le général Francisco Franco au cours de la guerre civile espagnole; ce qui en fait donc une oeuvre éminemment nationaliste.

Feu Ismail a, ainsi, eu à puiser dans ses propres deniers pour boucler le budget du film, dont le montant total est estimé à 9 millions de dirhams, et ce non sans que cela lui cause des soucis financiers mais aussi donc de santé, puisqu’il s’est retrouvé surendetté.

Le CCM aurait, qui plus est, tardé à lui remettre la subvention pour La Mora, sans parler de problèmes rencontrés, toujours selon Mme Seddik, avec un directeur de production dépêché par le Centre et contre qui des poursuites judiciaires ont été engagées. Souffrant déjà depuis de nombreuses années de diabète et d’hypertension, feu Ismail était en tout cas admis, à la mi-août 2020, à l’hôpital suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), avant de devoir récemment subir une opération au coeur qui a nécessité une cinquantaine de jours d’hospitalisation au total. Mais rien n’y a fait, même pas le suivi par le personnel de l’hôpital militaire de Rabat, où il avait été transféré fin août 2020.

Une marque indélébile
Le roi Mohammed VI, qui dit-on suivait de près l’évolution de son état de santé, a adressé, à l’issue de l’annonce de son décès, un message de condoléances et de compassion à sa famille, où il l’a qualifié d’“un des pionniers de la production cinématographique au Maroc”.

Et il est vrai que feu Ismail laissera sans doute une marque indélébile dans l’histoire du cinéma marocain, avec des films comme Et après?, récompensé en 2000 du grand prix et du prix du meilleur scénario et réalisation du Festival national du film d’Oujda, ou encore ses téléfilms Amwajo al-Barr et Allal El Kalda, dont le dernier avait été plébiscité en 2003 au Festival international des télévisions arabes du Caire -prix de réalisation et grand prix.

“En fin de compte, les films ont tous un objectif unique: d’éveiller, voire de sonder les rapports humains, dans leur complexité, leurs nuances et leur violence aussi parfois,” déclarait, début septembre 2019 au quotidien Aujourd’hui le Maroc, celui qui avait vu le jour le 1er septembre 1951 à Tétouan. Un objectif qu’en près de 50 ans consacrés à la chose cinématographique, le défunt a sans doute amplement réussi.

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