Réuni mardi 25 juin 2024 à Rabat, le Conseil de Bank Al-Maghrib a, enfin, décidé de réduire son taux directeur de 25 points de base pour le ramener à 2,75%. Une décision qui n’a pas été évidente pour Abdellatif Jouahri, le Wali de la banque centrale. En cherchant à freiner une inflation galopante qui a érodé le pouvoir d’achat des citoyens, M. Jouahri a maintenu inchangé le taux directeur à 3%, de septembre 2022 au premier trimestre 2024. Il a ainsi fait de la résistance aux opérateurs économiques de tous bords qui appelaient de leurs voeux à un desserrement de la politique monétaire à même de pousser les banques à revoir leurs taux de crédit à la baisse.
La résultante de ce durcissement est sans appel : la croissance économique est faible. Elle ne crée pas assez d’emplois pour résorber la montée en flèche du chômage. Les banques en assument une partie de la responsabilité. Elles ont augmenté de 116 points de base les taux de crédit en un an et demi. Leur tour de table les empêche de réfléchir à autre chose qu’au profit ou de prendre des risques mal calculés qui engendreraient des impayés. Les petites et les moyennes entreprises en pâtissent le plus. A défaut de crédits d’investissement, celles-ci se contentent de crédits de fonctionnement qui coûtent chers.
Face à l’incapacité du gouvernement à inverser ce constat et à booster l’emploi, sachant qu’entre 300 000 et 400 000 jeunes arrivent annuellement sur le marché de l’emploi, nombre d’hommes d’affaires sont devenus encore plus opportunistes qu’ils ne l’étaient. Ils ouvrent encore plus de cafés et de restaurants ou placent leur argent dans l’immobilier ou le foncier. Pourquoi se démèneront-ils à créer des emplois, à payer des salaires et des cotisations à la CNSS… ? Malheureusement, ce faisant, ils alimentent une économie de rente qui même si elle atteint les 4%, créera tout au plus 70 000 ou 80 000 postes d’emploi par an. Ce qui se passe est d’autant plus grave au regard du taux de croissance de 2,8% en 2024 et de celui prévisible de 4,5% en 2025.
On est très loin des objectifs du nouveau modèle de développement (NMD) qui prévoit de porter le Produit intérieur brut (PIB) de 1300 à 1600 milliards de dirhams à l’horizon 2035. Et dire que ce modèle projette d’atteindre une croissance supérieure à 6,7 et 8% à partir de 2026. Voire ! Retour à la terre ! En principe, seuls les chantiers programmés dans le cadre des préparatifs aux grandes manifestations sportives que le Royaume accueillera dès 2025 peuvent constituer une issue de sortie de cette morosité économique. Pour les financer, le gouvernement n’a pas plus de deux hypothèses. Primo, élargir l’assiette des impôts et des taxes et dégrader, ainsi, davantage, le niveau de vie d’une large frange de Marocains. Mais attention, le Maroc n’est pas prêt à revivre de nouvelles émeutes du pain !
Secundo, s’endetter encore plus de l’extérieur comme de l’intérieur. C’est connu, l’endettement hypothèque l’avenir des générations actuelles et futures. Mais le comble, c’est qu’il sert, en partie, depuis quelques années au moins, à la consommation et au fonctionnement plutôt qu’à l’investissement productif et pourvoyeur d’emplois. Si l’endettement extérieur fait planer le spectre d’une mainmise des organismes financiers internationaux, l’endettement intérieur, lui, éponge les liquidités censées être injectées dans l’économie pour financer les entreprises. Le gouvernement fait donc face à un défi de taille pour sortir de cet engrenage.
Il doit trouver des sources de financement innovantes tout en lançant des signaux positifs en direction des investisseurs, surtout en lien avec la transparence et la concurrence loyale. Dans le contexte international actuel où les perspectives sont imprégnées d’incertitudes avec la persistance des tensions géopolitiques et des conflits en Ukraine et au Moyen- Orient, engendrant des hausses insoutenables des matières premières dont le Maroc demeure dépendant, l’Exécutif n’a d’autre choix que de relancer la consommation intérieure en stimulant la production.