LA POPULATION CARCÉRALE COÛTE CHER
Des conditions d’incarcération déplorables. Les jeunes et les mineurs sont logés à la même enseigne auprès de délinquants endurcis. L’humanisation du système carcéral est-elle au programme?
La population carcérale pose problème. Mohamed Aujjar, ministre de la justice, vient de faire une sorte d’état des lieux, chiffres à l’appui. Ils sont 176 mille derrière les barreaux, dont 147 mille entre les mains de la Sûreté nationale et 28 mille sous la garde de la Gendarmerie royale. Une rapide pyramide des âges nous donne 7.800 jeunes, dont 1.300 mineurs.
Ceux-là, à eux seuls, constituent un problème spécifique qui mérite un traitement à part. Ce tableau n’est complet que si l’on aborde la question incontournable du coût. Retenir quelqu’un derrière les murailles d’un pénitencier, cela a un prix; pas seulement au niveau du fonctionnement et des moyens d’encadrement; mais aussi de l’entretien alimentaire, même a minima. C’est à ce titre que le gouvernement réfléchit actuellement à l’adoption d’un projet de loi permettant l’alimentation des prisonniers aux frais de la Délégation générale de l’administration pénitentiaire (DGAPR).
C’est-à-dire à fonds publics. Une vieille revendication de l’Observatoire marocain des prisons (OMP). Avant cette mesure, cette action de nutrition vitale était dévolue aux familles; avec tous les risques d’introduction de produits interdits ou de chapardage en cours de route vers le destinataire. Lorsque cette disposition de loi sera adoptée, cela coûtera six milliards supplémentaires à verser dans le budget de la DGAPR. La mise au ban de la société par décision judiciaire a toujours été accompagnée d’une double interrogation sur les motifs de l’incarcération et les conditions de vie en milieu carcéral. Dans ce domaine, plus que dans d’autres, tout commence par les chiffres. À comparer avec les 74.039 de 2015 et les 79.368 de 2016; les recensements de 2017, plus de 318 mille et de 2018, plus de 176 mille semblent avoir pris l’ascenseur. Par quoi s’explique cette hausse plus que substantielle? La détention provisoire est généralement mise à l’index. Elle concerne 40,08% de la population carcérale. Elle est jugée beaucoup trop longue. Toutes les démarches susceptibles de la raccourcir au maximum n’ont rien donné.
du nombre de détenus a ravivé de plus belle la problématique de la surpopulation des pénitenciers. En moyenne, le taux de remplissage est de deux prisonniers pour une place. Dans les 82 établissements que compte le pays, seuls deux affichent un taux d’occupation normal, soit un prisonnier pour un lit.
Dans le même ordre d’idées à propos d’une même réalité, le pire est pour la fin. Il s’agit de la proportion de jeunes et de mineurs parmi la population carcérale. Le postulat de départ est celui d’une détention qui n’est pas seulement une privation de liberté, mais aussi et surtout pour ces jeunes prisonniers, une voie de passage vers la réinsertion sociale, à travers l’apprentissage d’un métier. Un voeu pieux qui n’est pas près de se réaliser. Les maisons de redressement sont-elles à la hauteur de la demande? Rien n’est moins sûr. Jetés parmi les adultes de mauvais aloi; nul ne peut jurer de leur avenir.