DANGER. Au Maroc, 70 enfants sont victimes d’abus sexuel chaque jour. Encouragés par l’impunité, les pédophiles font preuve de plus en plus de cruauté. Malgré une loi très répressive, les condamnations, trop clémentes, ne suivent pas.
Lundi 18 janvier 2016, à Beni Yakhel, tout près de la ville de Mohammedia. Une douzaine de gendarmes et d’agents de l’autorité locale encerclent un homme pour la simulation d’une scène de crime pour le moins horrible. Agé de 23 ans, celuici aurait, une dizaine de jours auparavant, enlevé, violé puis assassiné un enfant de six ans. Une simulation à terroriser les plus forts des esprits. L’accusé, qui n’est autre que le cousin de la victime, a reproduit, avec les détails, sa barbarie devant des dizaines de citoyens choqués par ce crime odieux. Avec un déconcertant sang-froid, l’accusé explique comment il a emmené la victime sur sa bicyclette vers un espace désert, avant de la violer.
Et pour conclure son entreprise horrifiante, il achève le petit d’un coup de pierre et le jette au fond d’un puits. Une fois la simulation terminée, les citoyens présents, indignés par ce crime, ont observé un sit-in, réclamant une lourde peine contre l’accusé. Une demande plus que compréhensible, vu la montée folle des agressions sexuelles contre les enfants. Le 26 novembre 2015, et alors qu’un touriste américain comparaissait devant la Cour d’appel de Marrakech pour abus sexuels sur deux garçons de 10 et 14 ans, la Coalition contre les abus sexuels sur les enfants (COCASSE), a présenté un rapport qui donne froid au dos sur la situation de la pédophilie au Maroc. En effet, le nombre d’agressions sexuelles contre mineurs s’estimait à 935 en 2015.
Chiffres alarmants
Pire encore, ces chiffres sont en augmentation continue. L’organisation dénombre ainsi 713 victimes d’abus sexuels en 2012, 768 en 2013, 850 en 2014 avant de passer à 935 en 2015, soit une augmentation de plus de 30%.
A noter également que les victimes sont majoritairement des garçons, avec 635 cas en 2015, contre 300 filles durant la même année. D’autant plus que ces chiffres pourraient s’aggraver en réalité, puisque plusieurs agressions ne sont pas répertoriées. D’ailleurs, en juillet 2013, Najat Anwar, présidente de l’association Touche pas à mon enfant, présentait les chiffres, largement plus inquiétants, d’une enquête menée par son organisme. Ainsi, quelque 26.000 enfants mineurs sont violés au Maroc chaque année, soit en moyenne 71 enfants par jour. Les chiffres ne mentent pas. Les enfants marocains sont sérieusement menacés.
«Désormais, dès le jour de sa naissance, l’enfant marocain est une éventuelle victime d’abus sexuel», nous déclare, avec autant de colère que de tristesse, Najia Adib. D’après elle, l’impunité est la cause principale de la multiplication des viols contre les mineurs. En effet, l’on entend, malheureusement, souvent parler de procès de pédophiles qui se soldent par des sentences insignifiantes par rapport à la gravité du crime commis.
Le prix de l’impunité
Mi-janvier 2016, la Chambre criminelle près la cour d’appel de Rabat a condamné un individu mis en cause dans une affaire de viol sur un enfant de 10 ans à seulement six mois de prison avec sursis. Une sentence dénoncée par l’association présidée par Mme. Adib, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de la première fois qu’un pédophile s’en sort ainsi. En août 2015, un épicier de Taroudant avait écopé de huit mois de prison pour viol à répétition sur une petite fille, alors qu’en janvier 2014, la Cour d’appel de Fès avait condamné à 5 ans de prison, un homme accusé de viol sur une fille de 14 ans. Trois mois avant cela, à Béni Mellal, un jeune de 18 ans avait été condamné à un an de prison ferme pour avoir violé un élève âgé de huit .
Une situation assez absurde, étant donné que la loi marocaine ne fait pas dans la demi-mesure pour réprimer ce genre d’actes criminels. Le code pénal contient pas moins de quatre articles qui s’intéressent à la question, avec à la clé, des sentences très lourdes contre tout individu reconnu coupable d’abus sexuel contre un mineur.
Horizon sombre
Toutefois, les juges ne suivent pas. «Je réclame la peine capitale contre ces monstre, et qu’on ne me parle pas des droits de l’Homme ou de réinsertion des pédophiles dans la société. Ceuxlà ne s’arrêteront pas à leur première victime et voudront toujours satisfaire leurs désirs pervers», martèle Mme Adib. D’ailleurs, l’association a recensé plusieurs cas de récidivistes qui ont écopé de peines «allégées» avant de reprendre leur «activité». Une situation qui n’augure rien d’encourageant aux yeux de la société civile, alors que les parents sentent la menace planer sans cesse sur leurs enfants. En effet, 55% de ces abus recensés par la COCASS en 2015 ont lieu dans le cadre familial. Une situation aggravée par plusieurs considérations, notamment le contexte culturel, la crainte de la honte et du déshonneur, ainsi que la difficile accessibilité du milieu familial.