Le Parti de l'Istiqlal dans la tourmente



Face à Hamid Chabat, Nizar Baraka se propose de revitaliser le parti, de s’atteler à la définition d’un projet d’avenir articulé autour d’une feuille de route: réconciliation et unité...

Ah! Ce XVIIème congrès du Parti de l’Istiqlal! Il a fait le buzz, partout, avec ses “assiettes-volantes” et ses chaises fracassées lors du dîner du vendredi 29 septembre 2017. Il a repris ses travaux le samedi sans les poursuivre à leur terme. Un nouveau rendez- vous a été fixé au samedi 7 octobre pour élire les 26 membres du comité exécutif et le secrétaire général.

Pourquoi donc les choses se sont-elles passées de la sorte? La majorité des réseaux sociaux s’en sont donné à coeur joie pour railler un tel spectacle. Affligeant, sans doute –des représentations de la même veine se sont produites lors de réunions de conseils municipaux, même à Rabat la capitale. Passons.

Une crise profonde
Ce qui est en cause, aujourd’hui, c’est la place et le rôle de la formation istiqlalienne. Celle-ci arrivera-t-elle, ce samedi 7 octobre, à surmonter cette situation et à mettre fin ainsi à un palier de quatre ans passablement marqué par bien des convulsions? C’est en effet le 16ème congrès, en 2016, qui a généré cet état des lieux. Deux candidats étaient en lice et Hamid Chabat ne l’a emporté devant Abdelouahed El Fassi que par une vingtaine de voix (478/456). Pour la première fois de sa longue histoire –il a été créé en 1944…- le PI a vu un affrontement à ce niveau-là. Statutairement, Chabat a exercé la responsabilité de secrétaire général, mais ces assises de 2012 ont fortement affaibli ce parti. Abdelouahed El Fassi a créé un courant baptisé Bila Haouada (sans répit) avec le soutien d’anciens ministres (Taoufik Hjira, Karim Ghallab, Yasmina Baddou) tandis que de son côté, Mohamed Louafa membre du gouvernement restait sur son quant-à-soi.

Membre de la majorité formée par Abdelilah Benkirane en janvier 2012, M. Chabat va prendre ses distances avec ce cabinet en invoquant plusieurs assertions: changement des ministres istiqlaliens, accélération des réformes… Son parti pratique durant toute l’année 2012 et les premiers mois de 2013 l’interpellation et même la censure à l’endroit de Benkirane et de son cabinet, il finit par rejoindre l’opposition le 9 juillet 2013 comme il l’avait annoncé deux mois auparavant. Seul Louafa décide de ne pas se plier à cette décision à la différence de cinq autres ministres. Trois mois après, le 10 octobre, c’est le RNI qui supplée au sein de la majorité le retrait du PI.

De quel bilan peut se prévaloir Hamid Chabat, secrétaire général sortant? Il est candidat de nouveau mais avec quel actif? Le PI a accusé ces dernières années une crise profonde. Son maillage organique a beaucoup perdu notamment au niveau de l’ossature des inspecteurs du parti à travers le Royaume; tout un capital d’électeurs, de sympathisants et de militants a été également amoindri et démobilisé; son score au scrutin législatif du 7 octobre 2016 a enregistré dans cette même ligne un modeste résultat de 45 députés en recul de 16 par rapport à 2011.

Les militants démobilisés
Enfin, le parti s’est trouvé dans l’opposition alors qu’il était partie prenante dans tous les cabinets depuis 1998 avec même Abbas El Fassi, alors secrétaire général comme premier ministre (2007-2011). Un positionnement pénalisant alors que pour des raisons connues et cumulatives, sa vocation gouvernementale est bien affirmée. L’éventualité d’une correction au lendemain des élections législatives de 2016 a fait long feu puisque Chabat s’est aligné sur Benkirane, Chef du gouvernement désigné le 10 octobre 2016 qui n’a pas réussi à former une majorité.

Elle s’est de nouveau éloignée dans le nouveau cabinet El Othmani, nommé le 5 avril 2017, lequel, lui, a cédé au “diktat” d’Aziz Akhannouch, président du RNI et de ses alliés (MP, UC, USFP) récusant la participation du PI de Hamid Chabat à la nouvelle majorité.

Tourner le dos aux discours populistes
C’est sur la base de cette situation marquée par l’isolement du PI que Nizar Baraka a décidé à la fin décembre 2016 de se porter candidat aujourd’hui. Chabat n’a cessé de multiplier les manoeuvres pour reporter les assises du 17ème congrès et ce tout au long de l’année 2016 et du premier semestre 2017.

M. Baraka se propose de revitaliser le parti, de s’atteler à la définition d’un projet d’avenir articulé autour d’une feuille de route: réconciliation et unité, valorisation et enrichissement du référentiel et des valeurs du PI, promotion d’une gouvernance organique efficiente, meilleur encadrement des militants à travers la formation, démocratie interne et transparence. Une approche tournant le dos aux discours populistes et permettant de redéployer le parti sur de nouvelles bases.

Ce programme va-t-il finir par rallier une majorité lors du conseil national prévu le 7 octobre? La composition du prochain comité exécutif traduira-t-elle ces orientations? Ce n’est pas acquis par avance parce que le centre de gravité au sein du PI a fortement bougé et ce au profit de responsables régionaux (provinces sahariennes, Souss, Oriental) s’apparentant à des “faiseurs” de secrétaire général, dans un sens ou dans l’autre et qui auront, si leur candidat actuel Nizar Baraka finit par l’emporter, à trouver un “statut” à Chabat s’accrochant à son mandat et vraisemblablement mauvais perdant...

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