Le pari d'une relation de confiance

La loi 55.19 sur la simplification des procédures administratives entre en vigueur

Pierre angulaire du Plan national de réforme de l’Administration 2018-2021, le projet de simplification des procédures administratives voit le jour grâce à la loi 55.19, publiée au Bulletin officiel le 19 mars 2021 et entrée en vigueur le 1er avril 2021. Une loi qui marque le début d’une nouvelle ère.

C’est un secret de polichinelle. L’administra - tion publique marocaine est défaillante et représente un véritable obstacle au développement du pays. Investisseurs, entreprises ou citoyen lambda, tous ont dû subir un jour une mésaventure avec cette administration, dont la bureaucratie, la lourdeur et le manque de compétence et d’efficacité des fonctionnaires, font partie de son ADN.

«Si le Maroc a réussi à relever les grands défis à travers la construction de ses institutions politiques et le renforcement de sa compétitivité économique, toutefois, son modèle de développement fait face à des difficultés qui entravent le développement humain et social souhaité. L’administration publique est l’une de ces difficultés. Malgré les précédentes réformes, elle n’arrive pas à suivre le rythme des changements de la société marocaine et souffre de plusieurs dysfonctionnements structurels qui l’empêchent d'accompagner le développement global de la société.

En effet, la plupart du temps, elle ne dispose pas des compétences, de l'esprit d’innovation et de la bonne gouvernance nécessaires, ce qui limite son appui à l’investissement et être au service des usagers», a reconnu le ministère de la Réforme de l'Administration et de la Fonction publique lors du lancement du Plan National de la Réforme de l’Administration 2018-2021.

Un plan qui, rappelons-le, a été mis en place suite à un constat, le moins que l’on puisse dire, très sévère, du roi Mohammed VI sur le fonctionnement des administrations publiques, lors du discours du Trône, le 29 juillet 2017. «L’un des problèmes qui entravent le progrès du Maroc réside dans la faiblesse de l’administration publique, en termes de gouvernance, d’efficience ou de qualité des prestations offertes aux citoyens», avait critiqué le Souverain.

Un mois après cette critique royale, le ministre de la Réforme de l'Administration et de la Fonction publique de l’époque, Mohammed Ben Abdelkader, a proposé pas moins de 15 mesures concrètes pour hisser l’administration marocaine aux standards d’exigence imposés par les usagers. C’est dans ce contexte que le Plan national de réforme de l’Administration 2018-2021 a vu le jour, proposant une approche intégrée et participative qui pose les bases d’une nouvelle culture du service public.

L’un des jalons, c'est le chantier de la simplification des procédures administratives. Considérée comme la pierre angulaire du Plan national de réforme de l’administration, la simplification des procédures administratives va révolutionner de manière considérable la relation entre l’administration et l’usager.

Un chantier “révolutionnaire”
Un chantier assez complexe, puisqu’il implique toutes les administrations du pays qui devront opérer une véritable cure de jouvence axée sur le digital. Chapeauté de manière stricte et efficace par Mohamed Benchaâboun, ministère de l’Economie, des finances et de la réforme de l’administration, et Noureddine Boutayeb, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, le processus de ce chantier, notamment son volet législatif, a été exécuté selon le calendrier établi, et ce malgré la crise du Covid-19.

«Le processus de simplification des procédures est un chantier stratégique qui vient en réponse aux orientations royales et qui a été entamé avant la crise sanitaire par l’élaboration et l’adoption de la loi 55.19. (…) La pandémie a permis au Maroc, à l’instar de tous les pays, de prendre conscience de l’urgence de l’accélération de la mise en oeuvre de la simplification des procédures, notamment en ce qui concerne le volet de la digitalisation.

Les administrations marocaines ont été obligées de consolider leurs systèmes d’information afin de répondre aux attentes des citoyens. A cet égard, le département de la Réforme de l’Administration, relevant du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, a lancé, en collaboration avec l’Agence de Développement du Digital, un bon nombre d’initiatives ayant permis d’assurer la continuité du service public», confie à Maroc Hebdo un responsable au département de la Réforme de l’administration.

Un processus en marche
Il fallait donc répondre à l’urgence imposée par les aléas de la crise sanitaire et travailler parallèlement sur la mise en oeuvre des dispositions de la loi 55.19, entrée en vigueur le 1er avril 2021. Toutes les administrations concernées doivent préparer leurs référentiels d’actes administratifs en vue de les soumettre pour approbation; d’abord à la Commission technique coordonnée par le Département de la Réforme de l’Administration et qui est chargée d’instruire les répertoires des actes administratifs et de vérifier leur conformité avec les dispositions de la loi; puis à la Commission Nationale de Simplification des Procédures et Formalités administratives.

Tous les actes administratifs validés seront publiés sur le Portail National des Procédures et des Formalités Administratives, qui sera lancé dans les jours à venir. «Le lancement de cette plateforme marquera le début du changement attendu car il permettra à l’usager, qu’il soit citoyen ou entreprise, de mieux connaitre ses droits vis-à-vis de l’administration, qui ne peut lui exiger que les actes administratifs publiés sur ce portail», déclare notre source.

Et tout a été pensé pour garantir la réussite de chantier, en particulier la formation des ressources humaines. «La mise en oeuvre de toute réforme reste tributaire des ressources humaines, qui constituent, à n’en point douter, le facteur décisif pour le développement. Les fonctionnaires sont en effet les premiers concernés par l’implémentation de ce chantier de grande envergure, qui permettra de restaurer la confiance dans l’administration.

C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrivent les sessions et les ateliers de formation et de sensibilisation des fonctionnaires qui ont été entamés et qui se poursuivront jusqu’à l’appropriation totale de ce dossier par les ressources humaines de l’administration publique», affirme notre interlocuteur.

Un portail national lancé sous peu Ces sessions concernent les fonctionnaires situés aussi bien au niveau central qu’au niveau déconcentré. Ils sont tenus de respecter les dispositions de la loi 55.19, qui vise à opérer une rupture avec un ensemble de pratiques négatives caractérisant les relations existant entre l’administration et l’usager. Il faut dire, comme le souligne le responsable, que l’ensemble des départements ministériels, les établissements publics, les collectivités territoriales ont fait montre de leur engagement depuis le lancement de ce chantier et adhèrent pleinement à cette réforme. Le département de la Réforme de l’administration oeuvre ainsi, en étroite collaboration avec le ministère de l’Intérieur et l’ensemble des acteurs concernés, en vue de mettre sur les rails les nouvelles orientations et mettre en place tous les outils et mécanismes nécessaires à la simplification des procédures dans les délais impartis.

«Les instances qui ont été mises en place pour le suivi de la mise en oeuvre des dispositions de la loi 55.19 jouent un rôle très important car elles permettent d’unifier la vision des départements concernés autour de cette réforme et de mutualiser tous les efforts en vue d’accélérer la mise en oeuvre de tous les objectifs fixés», détaille notre source. Il s’agit de la Commission technique chargée d’instruire en premier lieu la conformité des actes administratifs, ainsi que de la Commission Nationale de Simplification des Procédures et des Formalités Administratives, qui est présidée par le Chef du gouvernement, et composée du Secrétaire général du gouvernement, du ministre de l’Intérieur, du ministre de l’Economie des Finances et de la Réforme de l’Administration et du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique.

Des craintes infondées
Ce chantier de simplification des procédures administratives n’a pas été exempt de craintes et d’appréhensions, notamment de la part des officiers d’état-civil chargés de la légalisation, entre autres. «Vous n’êtes pas sans savoir que toute nouveauté risque de susciter des inquiétudes de part et d’autre. Mais s’agissant du dossier de la simplification des procédures, les craintes, si elles existent, je peux vous assurer qu’elles sont infondées. les fonctionnaires sont une partie intégrante de la mise en oeuvre du chantier de la simplification des procédures. A ce titre, une grande mission leur incombe pour révolutionner la relation entre l’administration et l’usager», tient à rassurer le responsable.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les nouvelles dispositions qui seront mises en place permettront en effet d’alléger la pression sur les ressources humaines, ce qui est à même d’améliorer les conditions de travail des fonctionnaires et d’insuffler, de ce fait, une nouvelle dynamique à l’action de l’administration publique. «La formation des fonctionnaires vise justement à les mobiliser pour qu’ils soient au service de cette réforme et aussi à les sensibiliser à l’importance de leur mission», poursuit notre source.

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