Où est le vaccin

CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LE COVID-19

Si l’on peut comprendre l’impatience de nombreux citoyens par rapport au début de la campagne de vaccination, il faut, aussi, être compréhensif à l’égard des pouvoirs publics, qui peuvent se prévaloir de bien des circonstances atténuantes. Et font surtout preuve de beaucoup de bonne volonté pour faire vacciner les Marocains dans les plus brefs délais.

L’attente est légitime. Et l’impatience de nombreux citoyens aussi. Dès le 10 novembre 2020, la campagne de vaccination contre la Covid-19 avait été annoncée. Instruction avait été donnée par le roi Mohammed VI, au cours d’une séance de travail qu’il avait présidée au palais royal de la ville de Rabat, au gouvernement Saâd Eddine El Othmani de mettre le pied à l’étrier. Le communiqué du Cabinet royal ayant suivi la séance fixait même une deadline: “dans les prochaines semaines”.

Près de huit semaines sont, depuis lors, passées, et, selon la perspective de chacun, on peut se considérer encore dans les délais ou en dehors d’eux. Ceux qui supportent le deuxième point de vue sont, comme chacun le sait, légion. Pour eux, le gouvernement est simplement en train de les tourner en bourrique. Et la communication, il est vrai, catastrophique du ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, n’est pas pour arranger les choses: tantôt le concerné annonce, comme lors de son point presse du 31 décembre, le début de la campagne “dans les prochains jours”, mais tantôt il dément même que le Maroc ait le vaccin à disposition -en gros, son propos sur le journal télévisé d’Al-Aoula du 5 janvier 2021.

Ceci, alors qu’il affirmait, quelques jours avant les fêtes, que le Royaume s’apprêtait à recevoir 17 millions des 65 millions de doses qu’il doit, à terme, réceptionner. Il faut le dire: M. Aït Taleb souffre de ne pas être un politique, car même si son bilan à la tête du Centre hospitalier universitaire (CHU) Hassan-II de la ville de Fès et sa connaissance approfondie du secteur de la santé parlent pour lui et que ce n’est sans doute pas accidentellement qu’il s’est retrouvé il y a près de 15 mois ministre, il reste condamné à commettre des bévues.

Communication catastrophique
On peut même imaginer qu’il interagit avec l’opinion publique au gré des informations que lui-même a à disposition, sans prendre en compte que celles-ci lui seront renvoyées en pleine face si rien ne suit par la suite. De fait, il faut plutôt apprécier la situation sans prendre en compte ce qu’il peut bien dire, tout ministre de la Santé qu’il est, au risque de continuer à nourrir des espoirs qui, chaque jour, voire à tout moment, risquent de s’évaporer.

Ce que l’on tient, ainsi, pour sûr pour l’instant, c’est que le Maroc va obtenir des doses de vaccins. Il a eu le mérite de rapidement bouger, et ce dès l’été, et alors que par exemple juste à notre frontière orientale on se félicite de la commande 500.000 doses de Sputnik-V, le vaccin mis sur le marché par la Russie avant même que ses phases d’essais n’aient été menées à bout, le Royaume signait des accords avec, d’un côté, le chinois Sinopharm à la date du 20 août 2020, puis près d’un mois plus tard, le 18 septembre, avec le groupe russe R-Pharm, chargé par le britanno-suédois AstraZeneca de produire son vaccin BBIBP-CorV en faveur de la région MENA.

Et à ce niveau, le suivi du roi Mohammed VI a été, dès le début, constant. Le Souverain saisissait ainsi, le 14 octobre, l’occasion du conseil des ministres qu’il avait présidé au palais royal de Rabat pour s’enquérir auprès de M. Aït Taleb de l’état d’avancement du vaccin de Sinopharm, qui en était déjà à la troisième phase de ses essais.

Exercice de transparence
La volonté que les 25 millions de Marocains âgés de 18 ans et plus puissent, tous, être sans retard vaccinés a, pour ainsi dire, toujours été réelle. Et ce quoi qu’il en coûte à l’État, en dépit de la conjoncture économique difficile que traverse le pays et qui entame donc grandement son pouvoir d’intervention en la matière, puisque chacun sait que le roi Mohammed VI avait, le 8 décembre, donné ses instructions au gouvernement El Othmani pour que le vaccin soit gratuit.

À l’époque où l’information avait été rapportée, d’aucuns avaient cru bon de souligner qu’il s’agissait là d’un droit et qu’il n’y avait là rien de plus normal, mais si c’est effectivement le cas en termes d’accès, financièrement parlant les pouvoirs publics auraient toujours pu faire payer les citoyens les moins démunis, y compris la classe moyenne. Mais ils ne l’ont pas fait. Il s’agissait donc, bel et bien, d’un geste “noble” de la part de l’État, pris en la personne de sa plus haute autorité.

Maintenant, est-ce que le Maroc aurait dû attendre de valider les vaccins, ce qu’il vient donc de faire ce 6 janvier 2021 avec celui d’AstraZeneca, pour annoncer le début de la campagne? Il faudrait plutôt imaginer la situation contraire: qu’aurait-on dit si, en même temps que des pays tiers commençaient leur campagne, le Maroc avait continué à la mettre en sourdine? N’aurait-on alors pas parlé de négligence? Ainsi, la séance de travail du 10 novembre 2020, de même que le communiqué du Cabinet royal l’ayant suivie, ont été, au contraire, un exercice de transparence à saluer plutôt, en ce que le Palais a décidé de jouer cartes sur table avec les Marocains et de leur dire ce qu’il en est et où en en était. Et de toute façon, l’on ne pouvait pas passer à l’action, faire vacciner la population, alors que les pays ayant conçu les vaccins n’avaient eux-mêmes pas donné leur accord pour qu’ils soient administrés à leurs citoyens.

Pleine mesure
Ce qui n’empêche pas qu’au sein du ministère de la Santé, mais aussi celui de l’Intérieur, la mobilisation est depuis plusieurs semaines de mise, de sorte que dès que les vaccins seront livrés, la machine ne trouvera aucune difficulté à se mettre illico en branle. Une simulation avait, à cet égard, été menée, le 20 décembre 2020, au niveau des quelque 2.900 stations de vaccination mises en place par les départements concernés sur l’ensemble du territoire national.

Elle a, par la suite, été suivie d’une deuxième simulation, celle-ci ayant trait à la chaîne de froid, car les vaccins d’AstraZeneca et de Sinopharm ne doivent pas être plus de trois fois exposés à des températures supérieures à -80ºC. Et le Maroc, avec ses maigres moyens d’un pays qui reste en voie de développement, fait en tout cas preuve de beaucoup de bonne volonté, quoique sa façon de faire ne saura jamais être pleinement satisfaisante, et cela est normal.

Il faut, ainsi, prendre les choses avec pleine mesure, et s’il y a bien évidemment bien des choses à critiquer, et les médias nationaux ne manquent jamais de le faire quand il s’agit par exemple de l’état en lambeaux de nos services publics, il faut aussi savoir être indulgent quand les circonstances le commandent, surtout que les efforts y sont.

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