Pour une fois, nous ne dirons pas qu’à toute chose malheur est bon. Pour les victimes du tremblement de terre qui ont tout perdu, malheur n’est bon à rien. La solidarité a fonctionné et le Maroc s’en est, somme toute, très bien sorti dans cette première phase d’urgence et de secours. Ce tremblement de terre a révélé au grand jour ce que tout un chacun connaissait déjà: la carte postale des oubliés du Maroc. Le recouvrement de la crise dans un milieu montagneux pauvre et négligé représente un pari difficile. Les spécificités socioculturelles de la région, la multitude des hameaux minuscules touchés, les topographies accidentées, le dénuement économique et la cataracte politique qui a voilé le développement de ces ruralités constituent des défis de taille à la gestion de la crise. La phase de stabilisation est d’ores et déjà amorcée. Il s’agit de prévenir les menaces de santé publique, d’éviter les épidémies, de gérer les débris et de réparer provisoirement les infrastructures vitales avant les humeurs pleureuses de la météo. La phase de réhabilitation va restaurer les services essentiels tels que l’eau potable, l’électricité, les transports et les services médicaux et l’école publique. Elle devra aussi se concentrer sur le déplacement et le relogement temporaire des victimes. À ce stade, rien n’est fini. Il reste une très longue phase. La reconstruction des infrastructures et des habitations endommagées est une phase tellement longue et coûteuse qu’elle risque d’être passée à trépas par l’amnésie bureaucratique et la dislocation des budgets. Ce mercredi 20 septembre 2023, un programme de 120 milliards de dirhams sur cinq ans a été présenté au Roi. La première composante de ce programme est le relogement des personnes sinistrées, la reconstruction des logements et la réhabilitation des infrastructures. Il ne nous reste qu’à espérer qu’au bout des cinq années, le programme ne déviera pas de sa directive et ne défigurera pas l’harmonie visuelle ancestrale la région. A travers ce programme, le gouvernement a dû élaborer des plans de construction et mobilisé des ressources. Il devra aussi surveiller le projet de construction pour garantir un minimum antisismique et répondre aux besoins communautaires. Parallèlement à ces mesures opérationnelles, il est important de renforcer la prévention des risques des futurs tremblements. Maintenant qu’on sait que les plaques tectoniques eurasiennes et africaines peuvent nous tétaniser et plaquer nos maisons au sol, un renforcement de la résilience aux séismes et aux risques sismiques est nécessaire.
Cette région du Maroc a été négligée, voire oubliée. Épisodiquement les évènements de neige, de froid ou de pluies torrentielles ou de chômage venaient ponctuer la vie de ces régions pour mettre en exergue le dénuement de leurs habitants. L’occasion est maintenant opportune pour une récupération économique et sociale de la région. La sortie de crise ne se limite pas à la reconstruction de chaumières fracassées. Elle vise essentiellement à restaurer une économie locale et à aider à trouver la stabilité sociale, le rétablissement mental et celui de santé de la communauté. Le programme présenté au Roi parle de résorption des déficits sociaux, d’encouragement de l’activité économique, de l’emploi et de la valorisation des initiatives locales. Il y a corrélation.
La toute dernière phase est celle de l’évaluation et de l’apprentissage. Dans toute réponse à une crise, il y a une évaluation de chaque étape par le comité de crise. Apprendre de ses erreurs et de ses succès permet de mieux se préparer pour les futures catastrophes.
Casablanca le 21 sept 2023