Le front de l’opposition n’a jamais été aussi fragile et impuissant. A sa faiblesse numérique handicapante au Parlement se greffe une divergence peu ou prou idéologique.
Il y a lieu de s’inquiéter. Vraiment. Le vote de confiance du programme gouvernemental a eu lieu, mercredi 13 octobre 2021. Ce résultat était connu à l’avance, attendu. Et il n’y a pas eu de surprise. Sur 280 députés présents, 261 ont voté pour. La plupart d’entre eux appartiennent aux trois partis (RNI, PAM et Istiqlal) formant la majorité gouvernementale qui, elle, est forte de 290 sièges (sur un total de 395) au Parlement. Que reste-t-il de l’opposition? La question n’est pas anodine.
Numériquement parlant, les formations politiques censées la représenter ont 125 sièges: 34 sièges pour l’USFP, 28 pour le MP, 22 pour le PPS, 18 pour l’UC, 13 pour le PJD, 5 pour le MDS, 3 pour le FFD et un siège respectivement pour la FGD et le PSU. C’est dire que même soudées, ces formations n’arrivent pas à avoir le quorum (le tiers des sièges) qui permet, par exemple, de demander au Chef du gouvernement de présenter devant le Parlement un bilan d’étape de l’action gouvernementale, la création de commissions d’enquête… Ces actions peuvent, bien entendu, avoir lieu mais seulement à la bonne volonté du Chef de gouvernement.
C’est dire aussi que le front de l’opposition est plus que jamais fragile et impuissant. A cette faiblesse numérique handicapante se greffe une divergence peu ou prou idéologique. Comment? En dehors de l’USFP, qui a pris place dans l’opposition, l’UC compte faire du soutien critique de la majorité alors que le MP dit attendre le programme gouvernemental pour se positionner de manière tranchée.
Avec 13 députés seulement, le PJD, lui, ne peut même pas constituer un groupe parlementaire. Le reste peut évidemment faire un peu de tapage mais sans plus. Qui jouera donc l’opposition au gouvernement Akhannouch? La finalité n’est pas de s’opposer pour s’opposer, mais de veiller au grain quant à l’exécution du programme gouvernemental et jouer le rôle de contre-pouvoir, de garde-fou.
Il paraît évident que la presse va endosser cette mission. D’ailleurs, le surnom de quatrième pouvoir n’est pas fortuit. Il tire sa connotation de la mission de service public dont est investie la presse et qui consiste à superviser les trois premiers pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Outre la question de l’opposition, la transition démocratique dans laquelle s’est engagé notre pays depuis quelques années ne peut être entière sans une reddition des comptes effective.
Qui a demandé des comptes aux gouvernements El Othmani I et II et Benkirane I et II par rapport à leurs promesses contenues dans leurs programmes gouvernementaux respectifs? Que sait-on de ce qu’ils ont fait ou pas fait? Le nouveau modèle de développement a consacré ce principe de reddition des comptes. A charge pour le gouvernement Akhannouch, qui veut incarner le changement et le renouveau, de le décliner en mesures concrètes à respecter par lui-même d’abord afin de servir d’exemple à ceux qui lui succéderont.
Il faudra commencer par élucider cette question lancinante: doit-on exiger des explications au gouvernement à mi-chemin ou à la fin du mandat? Et, au-delà des explications, quelles sanctions appliquer en cas de non-respect des engagements? C’est le socle de la démocratie et de la transparence sur lequel doit reposer le travail de tout responsable public mû par le seul intérêt général.