Quelle lecture faites-vous des dernières démissions et des annonces de leaders du PJD de quitter les instances du parti?
Nous nous sommes habitués à ce genre de sorties et d’annonces à l’approche des élections législatives. Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ces menaces de ministres ou leaders de partis de quitter le gouvernement ou les instances dirigeantes du parti islamiste.

Il s’agit d’une situation assez normale en période électorale. Ces tensions ne vont pas affaiblir le PJD au point de le fissurer de l’intérieur ou le diviser comme ont estimé certains observateurs. On assiste en fait à des ruses classiques opérées par le parti dans le seul but de se disculper des responsabilités, et ce en renvoyant le débat public vers des polémiques de tensions internes, mais qui ne contribueront qu’à lui faire gagner du temps et des points en termes de légitimité interne. Maigre consolation, donc, pour ceux qui prédisent une fin annoncée pour le PJD? C’est vrai que le parti traverse une crise.

On ne peut pas le contester. Mais, le plus important à mes yeux, c’est son dénouement. Le PJD est bien parti pour faire partie du champ politique marocain pour au moins une décennie. Et ce ne sont pas ces querelles qui le feront disparaitre. Le parti dispose d’une très forte base politique, basée sur le conservatisme et la religion. Nous avons suivi les dernières sorties de Mustapha Ramid et de Driss Azami El Idrissi. Ils n’ont pas démissionné. Ça a créé des polémiques, des discussions marginales, mais le parti sera encore plus fort.

Le fait de créer des commissions, de se rendre chez Azami El Idrissi pour le convaincre de rester au parti, l’appel d’El Othmani à Ramid, avant celui du Roi Mohammed VI, ne vont que confirmer, à la base électorale de ce parti, que le PJD est fort de par ses instances et que son unité et celle de son idéologie sont la seule priorité. A travers ces ruses, il cherche à se trouver une nouvelle légitimité. Et sur ce point, il dispose de plusieurs fenêtres et de plusieurs cordes à son arc. C’est de la pure stratégie.

Quelles sont vos pronostics pour les prochaines élections législatives? Le PJD fera-til partie du prochain gouvernement?
Oui. Il fera partie du prochain gouvernement. Je ne pense pas qu’il sera le premier, mais il fera partie des trois premiers partis politiques. Ce n’est pas parce que le PJD est fort, mais c’est à cause de la faiblesse des autres partis politiques. Il ne sera donc pas victime d’un vote sanction. Le parti dispose d’une longueur d’avance par rapport aux autres.

Il dispose d’une base électorale stable, de plus d’un million d’électeurs dont le lien religieux et l’idéologie sont les points communs entre eux et les cadors du parti, populistes pour la plupart. Cependant, s’il n’arrive pas premier lors des prochaines élections législatives, ce sera surtout à cause des autres 500.000 électeurs qui ont voté pour lui sur la base de ses positions politiques et démocratiques. Après deux législatures, ces derniers se sont aperçus que rien n’a été fait dans ce sens.

Justement, quel bilan dressez-vous des deux gouvernements menés par le PJD?
Un bilan très moyen. Rien n’a changé, alors que ce parti disposait des moyens et instruments constitutionnels pour changer la donne, grâce au contexte de l’époque (le Printemps arabe Ndlr) et les nouvelles prorogatives accordées par la nouvelle Constitution.

Nous avons perdu 10 années de progrès en termes d’acquis constitutionnels, de développement économique et de démocratisation. Comme au gouvernement, au niveau des villes que le parti dirige, rien n’a été fait.

Leur bilan est très moyen et souvent décrié. Vous savez, la vraie opposition a été la Covid-19 et les dernières inondations. Et ces deux éléments conjoncturels ont démontré au grand public les défaillances caractérisant la gouvernance de ces villes par des maires Pjidistes. Ces derniers fonctionnent encore avec l’esprit de la constitution de 1996. Ils n’ont pas mené de changements structurels ou de réalisations majeures.