L'odyssée de l'enfant d'Essaouira

ANDRÉ AZOULAY, MAÎTRE D’OEUVRE DE LA VISITE ROYALE À ESSAOUIRA

Animation culturelle, sensibilisation pour une destination touristique, rappel d’un bien-vivre ensemble par-delà les différences confessionnelles, André Azoulay, homme de pensée et d’action.

Rarement un homme s’est autant identifié à une ville. L’identification de cette même ville à l’homme en question est également vraie. Il s’agit d’Essaouira, Mogador pour les connaisseurs de son histoire, pendant la période d’occupation portugaise; et d’Azoulay, André pour les intimes. C’est à peine si les alizés hors saison, en provenance de l’Ouest Atlantique, ne sont pas de son fait à lui, Azoulay, plus que d’un micro-climat qui lui vaut l’appellation de Ville des Vents, ou Windy City. Une identité de référence qui a fortement marqué le séjour, du 15 au 17 janvier 2020, de S.M. le Roi Mohammed VI dans cette ville. C’est aussi un message de paix et d’interférence bien comprises. Les canons à hauteur des remparts de la squalla sont toujours là juste pour rassurer les Souiris et les visiteurs quant à une velléité malveillante à partir de l’une des plus belles baies du pays.

Un rapport de vérité
Dans un silence hors muraille d’endiguement d’un urbanisme galopant, seules les mouettes semblent monter la garde. Leurs rondes bruyantes sont incessantes, de jour comme de nuit. L’unique reproche qu’on peut leur faire n’est rien d’autre que leur fainéantise. Elles ne vont plus à la pêche. Elles attendent que l’on pêche pour elles. Pas question non plus de fouiller dans les poubelles. Elles sont trop fières pour cela. L’assistance populaire durant cette visite royale n’a d’égale que sa ferveur contagieuse qui a embarqué les douars du cercle d’Ida Oguerd à des kilomètres de la ville. Ce n’est pas un décorum de circonstance. C’est la réalité d’un rapport de vérité et de communion entre un roi et son peuple.

Rêves de jeunesse
Nous sommes sous un ciel politique où l’on ne se déplace pas pour les besoins d’un bain de foule inscrit sur un calendrier électoral. Pas plus que les murailles du palais royal ne constituent un obstacle infranchissable où la voix du peuple serait inaudible. Cela ne pouvait être le cas à une époque où règne la communication par des voies et des moyens de plus en plus insondables. L’un des points culminants de ce déplacement royal a été la mise en oeuvre d’un grand barrage baptisé Moulay Abderrahman dans la région d’Essaouira. Désormais, l’eau potable à domicile et l’eau d’irrigation sont devenues techniquement possibles et financièrement accessibles.

Tout au long de cette visite, on perçoit très concrètement la main d’un organisateur virtuose en la matière: André Azoulay. Par-delà les sécuritaires aux aguets et à tous les tournants, il est là pour que soient respectées les étapes du programme établi auquel il a dû largement contribuer. André Azoulay n’est pas que le produit exclusif du mellah natal un 17 avril 1941. Un quartier juif qu’il a essayé de restaurer et de réhabiliter. Dans son intervention en présence du Souverain, André Azoulay a présenté à S.M. le roi Bayt Dakira, largement refait dans les moindres détails des signes et autres symboliques à grande portée religieuse. Cet établissement est en fait une institution qui relate la possibilité de vie commune entre musulmans et juifs. Une façon de dire que s’il y avait incompatibilité, cela ne saurait être imputé à deux religions monothéistes; mais au fourvoiement des hommes. Armé de cette conviction première de cohabitation inter-confessionnelle en bonne intelligence, l’enfant du mellah a fait du chemin à la force du poignet et des neurones.

Dans les années 1930 et 1940, la vie était «un peu plus difficile» dans ce Maroc très retardataire du fait colonial. Surtout lorsqu’on n’a pas les moyens de ses rêves de jeunesse. C’est exactement la situation où se trouvait le jeune Azoulay. Deux choses marqueront sa longue procession vers l’âge adulte, l’engagement politique et la finance. Mais, auparavant, il fallait avoir le bac, qu’il obtiendra à El Jadida en tant qu’interne. Le sésame en poche, il quitte le Maroc pour la France, où il poursuit ses études supérieures avant de devenir employé de la banque française Paribas, où il est vite repéré pour son sens de la communication et des relations publiques dont il aura la responsabilité plus tard, dès le début des années 1980. En 1991, la nomination d’un Marocain de confession juive comme conseiller royal surprend.

Grand festival
Lorsque André Azoulay parlait des gnaouas et de leur musique cela en faisait sourire plus d’un. Le démenti, longtemps après coup, viendra de la réussite d’un grand festival annuel des gnaouas d’Essaouira. Un festival de renommée internationale et qui attire, à chacune de ses éditions, des dizaines de milliers de spectateurs venus des quatre coins de la planète. M. Azoulay lancera également le Printemps des Alizées et Andalousies Atlantiques, deux rendez-vous qui rythment depuis des années la vie des mélomanes souiris et les milliers de visiteurs de la ville. En traversant l’ancienne médina intra- muros d’Essaouira, d’une arcade à l’autre, André Azoulay a dû voir se dérouler les phases multiples de sa vie; de Bab Doukkala à Bab El Menzeh en passant par Bab Magana.

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