Wissam El Bouzdaini
La crise maroco-russe n’a pas eu lieu. Quelques semaines après les déclarations du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane où ce dernier fustigeait l’intervention de la Russie en Syrie, tout semble en effet revenu à la normale. A ce titre, le Royaume vient d’accueillir, au cours de la même semaine, le représentant spécial du président Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Mikhaïl Bogdanov, et le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev. Des visites qui sanctionnent davantage, au regard de la qualité des deux personnalités, le partenariat stratégique approfondi scellé lors de l’ultime voyage, en mars 2016, du roi Mohammed VI dans la capitale de la Russie, Moscou. À cette occasion, le président russe a officiellement été invité à se rendre au Maroc.
Gageons qu’il y donnera suite très prochainement. M. Poutine effectuerait alors son premier déplacement dans le Royaume depuis 2006, son seul et unique à ce jour. Il faut dire que ce n’est pas seulement côté marocain que l’on tient à approfondir les relations. La Russie a, à ce titre, fait elle aussi preuve de son grand intérêt de coopérer avec le Maroc en divers plans, notamment en matière de lutte antiterroriste et de préservation de la stabilité et de la sécurité, comme l’a relevé M. Bogdanov.
Le représentant spécial russe a ainsi, entre autres, fait mention de “préoccupations communes”. En outre, les intérêts économiques sont également prégnants.
A cet égard, la Russie souhaite notamment développer la coopération au plan de l’industrie, des énergies renouvelables, de l’agriculture, de la pêche et du tourisme. Lors de la visite royale, un conseil économique conjoint avait d’ailleurs, dans ce sens, été mis en place. Rappelons qu’au firmament de la crise russo-occidentale ayant fait suite à l’annexion en 2014 de la Crimée, jusqu’alors sous souveraineté de l’Ukraine, Moscou avait notamment choisi le Maroc pour acheter les agrumes dont elle avait besoin.
Aujourd’hui, les échanges commerciaux se rapprochent des 3 milliards de dollars. L’investissement russe transitant par le Royaume à destination des autres pays africains est par ailleurs appelé à augmenter. Les hommes d’affaires du Grand Ours s’intéressent notamment, à ce titre, au statut “Casablanca Finance City”, qui compte déjà d’importants relais dans le Nord, l’Ouest et le Centre du continent noir.
Enfin, le soutien, du moins le respect, d’un pays arabe à sa politique dans la région, notamment en Syrie, est également précieux pour la Russie.
Du point de vue du Royaume, le soutien russe intéresse d’abord la question nationale du Sahara. A ce titre, la Fédération est à l’heure actuelle la seule grande puissance dont la diplomatie a clairement pris position contre la séparation de la région; prenant, par là même, le contre-pied des thèses véhiculées par l’Algérie, pourtant un proche allié de Moscou.
Nul doute qu’à l’avenir, les relations maroco-russes devraient encore connaître un bond en avant. Mohammed VI en avait en tout cas exprimé le souhait dans un discours qu’il avait tenu, en avril 2016, dans la capitale de l’Arabie saoudite, Riyad, lors du Sommet Maroc-Pays du Golfe. “Le Maroc est libre dans ses décisions et ses choix et n’est la chasse gardée d’aucun pays”, avait-il, par ailleurs, affirmé, en prévision d’éventuelles inquiétudes de nos partenaires classiques, à savoir les États-Unis et la France.
Ceci dit, avec l’élection de Donald Trump à la présidence américaine, et probablement en avril et mai 2017 de François Fillon en Hexagone, lesquels partagent tous deux un même penchant russophile, ces préoccupations pourraient au contraire donner lieu à un partenariat tous azimuts, prenant en compte les intérêts de tout un chacun sans qu’aucune partie ne soit nécessairement lésée, comme c’est d’ailleurs le voeu de Mohammed VI, tel qu’il l’avait exprimé à Riyad
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