Nizar Baraka fait campagne pour le poste de secrétaire général du parti de l'Istiqlal

Nizar Baraka

Un Istiqlalien de souche


SUCCESSION. Mesuré,  pondéré et réfléchi, Nizar  Baraka apparaît comme  l’unique alternative à  Hamid Chabat. Pourrat-  il effectivement fermer  la parenthèse Chabat et  remettre en marche un  parti désarçonné?  La bataille sera rude.

Avec des violences récurrentes,  pratiquement à chaque réunion  de ses instances délibératives,  le Parti de l’Istiqlal file du mauvais  coton. Il est dans une spirale qui le  mène droit dans le mur, s’il n’y est pas  déjà. Le processus d’isolement de Hamid  Chabat se poursuit sur fond de combat  de chaises volantes en lieu et place d’un  dialogue contradictoire, mais néanmoins  calme et serein.

Face à cette effervescence extrême telle  que le premier parti nationaliste du pays  n’en a jamais connu, hormis la scission  mouvementée qui a donné naissance à  l’UNFP en 1959, un homme, Nizar Baraka,  apparaît comme l’unique alternative à la  situation actuelle. Sa retenue et son attitude  apaisante, en toute circonstance,  tranche avec l’excitation ambiante. Ce  n’est pas une posture d’emprunt pour les  besoins du moment. C’est sa nature, au  travail comme en ville, tel qu’en attestent  ceux qui l’ont approché ou travaillé avec  lui. Au lieu de se confiner dans les locaux  du directoire du parti, Nizar Baraka a choisi  de faire du terrain en allant au contact des  Istiqlaliens où qu’ils soient.

Un pouvoir conciliant
Alors que la bataille faisait rage au siège  du parti, entre partisans et pourfendeurs  de Hamid Chabat, le week-end du 1er et  2 avril 2017, Nizar Baraka battait la campagne pour une tournée qui l’a mené à  Berrechid, Settat, Oued Zem et Khouribga,  où il a eu un brin de discussion avec  Lahcen Haddad, ancien ministre du Tourisme,  dissident haraki élu député sous les  couleurs de l’Istiqlal.

Un gage d’ouverture du parti tel que le  conçoit Nizar Baraka. Il faut rappeler que  M. Baraka avait entamé sa chevauchée  pour la reconquête de l’Istiqlal, dès le 20  mars 2017, par un rassemblement à Tanger  où il a reçu l’appui de deux membres  du comité exécutif, Noureddine Modiane  et Mohamed Saoud.

Durant ce périple, pas un signe d’énervement  ou une saute d’humeur intempestive  de la part des membres du parti qui l’ont accueilli, qu’ils soient avec ou contre  lui. C’est à croire que l’effet Baraka a un  pouvoir conciliant sur des Istiqlaliens abasourdis  par la menace de dislocation qui  guette leur parti. Nizar Baraka a opté pour  une démarche soft, sans déclarations  péremptoires et sans agressivité verbale.  Il monte au front le ton bas, pratiquement  la fleur au fusil.

Tout indique qu’il n’y a d’autre solution  au problème Chabat que Nizar Baraka. Le  retour à la normale au sein de l’Istiqlal est  suspendu à cette condition première. M.  Baraka réussira-t-il à démonter sobrement  et calmement l’actuel secrétaire général?  Tout le laisse croire.

Stature politique
Que sait-on de ce très probable futur  patron de l’Istiqlal? Comme c’est souvent  le cas pour cette filiation arborescente, le  nom saute aux yeux, en premier. À charge  pour ceux qui le portent de se faire un  prénom. Nizar Baraka est un Fassi Fihri,  petit-fils de Allal El Fassi et beau-fils de  Abbas El Fassi, ex-secrétaire général du  parti et ancien Premier ministre. C’est dire  que l’Istiqlal, Nizar Baraka y est né et y a  pratiquement toujours vécu. Il ne pouvait  qu’être imbibé par ce sujet qui revient  incessamment dans le débat familial.

Né à Rabat en 1964, où il décroche son  bac en 1981, puis un DES en économétrie  à l’université Mohammed V. Il soutient  une thèse de doctorat en sciences  économiques, à Marseille en 1992. En  2007, il entre de plain pied dans le gouvernement  de Abbas El Fassi, en tant  que ministre des Affaires économiques  et générales; avant d’avoir la charge du  ministère de l’Économie et des Finances  en 2012, sous la chefferie de Abdelilah  Benkirane. L’économiste de formation  prend progressivement une stature politique  qui devrait beaucoup lui servir quand  il sera aux commandes du parti.

Lorsque  Hamid Chabat, tout frais émoulu S.G, a  demandé, le 9 juillet 2013, aux ministres  istiqlaliens de quitter le gouvernement  Benkirane, M. Baraka s’exécute à contre  coeur. Mais il ne chômera pas longtemps,  puisqu’il sera nommé par S.M. le Roi président  du Conseil économique, social et  environnemental (CESE), le 21 août 2013.  Il y fait ses preuves. Depuis longtemps dans la Constitution sans voir le jour pendant  des décennies, ce conseil rebaptisé  a ensuite été perçu comme un plus institutionnel  improductif. Avec Nizar Baraka  aux commandes, le CESE fonctionnera à  plein régime en agissant sur des dossiers  très sensibles comme celui de la réforme  du régime des retraites, par exemple. Le  CESE sera reconnu comme un lieu de  réflexion et d’incitation à une bonne gouvernance.  La qualité des rapports réalisés  constitue une riche base de données pour  les utilisateurs publics et privés.

Liberté de parole
Catalogué timide, presque introverti, Nizar  Baraka aura à coeur de démontrer que le  terme est inapproprié. Ce n’est pas de  la timidité, mais une propension volontaire  d’écoute de ses interlocuteurs et  de retenue dans le propos. À chacune de  ses rares interventions dans les médias,  le public découvre un politique qui parle  vrai. Une qualité qui ne court pas les rues.  Nizar Baraka est de la génération pour qui  la pensée multiple, même contradictoire,  est enrichissante, pour peu qu’elle s’exprime.  Cela s’appelle la liberté de parole, en démocratie.Alors que le nouveau gouvernement  est en train de prendre ses  marques, beaucoup pensent que l’Istiqlal  aurait pu y être s’il avait à sa tête un  Nizar Baraka. Ce que Chabat ne pouvait  obtenir, vu ses échanges folkloriques et  désopilants avec Benkirane; ce qui n’a fait  qu’aggraver la désaffection du public pour  la chose politique.

À ce niveau, comme dans bien d’autres, le  hiatus est énorme entre les deux hommes.  La mission confiée à Nizar Baraka consiste  à fermer définitivement la parenthèse  Chabat et “récupérer” l’Istiqlal. Facile  à dire. Car Chabat semble avoir embrigadé  les organismes parallèles du parti,  avec des citadelles qui paraissent inexpugnables,  comme la centrale syndicale  UGTM. C’est tout un espace que Nizar  Baraka devra investir. Quant aux instances  internes du parti, que Chabat a méthodiquement  noyautées, Nizar Baraka y a tout  de même réalisé des percées décisives.  La bataille sera encore plus rude autour  du comité préparatoire du tout prochain  congrès.

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