Le Parti de l’Istiqlal tient son 17ème congrès les 29, 30 septembre et 1er octobre 2017
Candidat au poste de secrétaire général du parti, Nizar Baraka espère que le congrès se déroule dans les meilleures conditions démocratiques possibles pour que la nouvelle direction ait toute la légitimité requise.
En recevant MHI et trois autres responsables de médias, durant une heure et demie, lundi 4 septembre 2017 à Rabat, Nizar Baraka n’avait sans doute pas en tête de convaincre et de plaider pour sa campagne visant la direction du Parti de l’Istiqlal, dont le XVIIème congrès est fixé aux 29, 30 septembre et 1er octobre 2017. Son souci était sans doute autre: expliquer où ce parti historique en est aujourd’hui et, en même temps, mettre en relief son “plan” pour lui redonner sa place et son rôle dans les années et même les décennies à venir. Sur cette problématique délicate et complexe, Nizar Baraka estime qu’il a aujourd’hui dans sa recette une “boîte à outils” pouvant être à la hauteur de la présente situation.
Des atouts personnels? Il n’en manque pas: un acquis familial qui l’a fait baigner depuis toujours dans un environnement istiqlalien pur jus, attaché à un héritage historique, à un corpus de valeurs qui a été au coeur de la conscience nationale libératrice; un parcours universitaire –il est docteur en économie– et professionnel allant du département des Finances à un ministère des Affaires économiques et générales (2007-2011) puis des Finances (2011-2013) et la présidence du CESE depuis août 2013.
“L’Istiqlal est en lambeaux”
Voici un ou deux ans, il n’envisageait guère de briguer la direction de ce parti. Depuis le congrès de novembre 2012, cette formation a accusé une division qui s’est aggravée au fil du temps entre le “clan” Hamid Chabat et Abdelouahed El Fassi et son équipe regroupée au sein du mouvement “Bila haouada”. Les péripéties, les coups d’éclat et les chausse-trappes n’ont pas manqué du côté du bouillant syndicaliste qu’était Chabat. Attentif, Nizar Baraka était cependant en retrait du fait de ses nouvelles fonctions au CESE, qui l’accaparaient beaucoup, mais aussi par tempérament. Et c’est à la fin décembre 2016 qu’il se résoud à s’engager dans la campagne et la bataille dans la perspective du XVIIème congrès face et contre Hamid Chabat. Il raconte avec beaucoup de détails ce qu’il appelle une sorte de “putsch” provoqué par ce dernier: gel des réunions du comité exécutif, exercice personnel des responsabilités… contrôlant l’appareil du parti à travers l’un de ses proches, Abdelkader Khiel, il se plaçait de nouveau dans un schéma d’un second mandat, fermant ainsi toutes les portes à d’autres.
Unification des rangs
Dans cette même ligne, Nizar Baraka n’est pas tendre avec le mandat de l’actuel secrétaire général de son parti: «l’istiqlal est en lambeaux aujourd’hui», assène-t-il. Et d’égrener l’état des lieux: clientélisme sur la base d’une “allégeance” à sa personne, parrainage de tous ceux qui n’ont souvent que des intérêts personnels, division et manipulation des instances nationales et locales, décisions déroutantes marquées par l’inconstance et l’inconséquence –telle sa déclaration sur la Mauritanie… Un système marqué du sceau de l’opportunisme qui a pratiquement fait perdre à ce parti son identité, son âme aussi, et qui a conduit à un isolement dans le champ politique national. Alors qu’historiquement, le parti était «un repère de la vie nationale» et un référentiel de base pour le citoyen, cette formation n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Comment en sortir et “sauver le parti”? Nizar Baraka plaide pour deux axes qui ont inspiré sa position depuis des mois et qu’il a longuement expliqués lors de la bonne dizaine de tournées entreprises à travers le Royaume. Le premier d’entre eux regarde l’unification des rangs. Il n’entend pas exclure ni les uns ni les autres mais s’employer à faire prévaloir la nécessité d’un nouveau rassemblement. Pas un rafistolage de circonstance qui, au fond, ne règlerait rien, mais une approche dynamique, mobilisatrice. Sur quoi? Sur la base d’un projet: «le parti doit mettre en avant une vision, donner du sens à ce qu’il défend et à son programme.» C’est un peu la méthode Macron en France…
Les sondés privilégient un «parti centriste et égalitariste» et priorisent quatre grandes questions: enseignement, emploi, santé, lutte contre la corruption. C’est donc à partir de ce premier matériau dégagé par cette dynamique participative que Nizar Baraka entend engager une dynamique nouvelle pour reconstruire le parti. Il insiste sur le fait que sa formation a un «grand réservoir de militants, de sympathisants et d’électeurs». Il est également favorable à une modification du mode de scrutin actuel, qui bénéficie surtout à des têtes de listes disposant d’une surface financière et qui, de ce fait, pénalise de nouvelles élites. C’est dans ce cadre-là qu’il repose aussi le problème de la nature et de la dimension de la représentation et de l’intermédiation par les élus qui ont pour mandat premier d’être au service des citoyens. Le militant ne doit pas s’engager pour obtenir «un avantage personnel» mais «pour l’intérêt général, le parti et le citoyen». Une rupture donc avec des pratiques et une culture aux effets négatifs qui a conduit à la situation actuelle.
A partir de la plateforme participative, Nizar Baraka va présenter, dans une quinzaine de jours, son programme, qui reprendra les fondamentaux du parti –ce qu’il appelle le «retour aux sources»– mais en les mettant en perspective dans un projet répondant aux exigences d’aujourd’hui et de demain.
Démarche participative
Sa réflexion incrimine aussi les autres partis: «Nous sommes des partis du XXème siècle, il faut penser au nouveau siècle et opérer une révision profonde des formes d’action et des pratiques politiques». Vaste chantier. Il appelle de ses voeux, pour ce qui est de l’Istiqlal, pas seulement à une approche électorale et arithmétique mais à une fonction de délibération, d’impulsion et d’innovation: «Il faut que le parti produise des idées, qu’il aiguillonne, qu’il ose, qu’il soit en avance pour proposer des pistes et des réformes» –en somme, nourrir le changement et tourner le dos à la gestion des acquis électoraux et à une certaine forme de “suivisme” gouvernemental ou autre. Il donne un statut particulier à la formation istiqlalienne du fait de son épaisseur historique par rapport aux “partis administratifs”.
Il est aussi sévère à l’endroit du PJD, alors que Hamid Chabat, lui, s’est distingué par une forte inconstance par rapport à la formation islamiste. «Pour nous, confie-t-il, le PJD est un concurrent», référence étant faite au référentiel emprunté par ce parti tant dans le champ religieux que de certaines valeurs culturelles.
Il rappelle que Abdelilah Benkirane «a tué le dialogue» et que lui et ses ministres ont privilégié les intérêts de leur parti à des fins électoralistes et d’élargissement de leur implantation territoriale, notamment dans le monde rural. Il évoque aussi le bilan négatif du PJD, qui a désarticulé l’administration en imposant de nouvelles procédures de recrutement profitant largement à des profils proches de ce parti.
A propos du gouvernement El Othmani, Nizar Baraka n’est pas bienveillant: «Il a un programme d’administration, sans vision, sans objectif, ne donnant pas sens à ce qu’il propose et à ce qu’il entend faire». Il estime aussi que ce cabinet ne constitue pas une véritable équipe et qu’il n’y a pas de «pacte de la majorité». Pour ce qui est du congrès du PI, prévu à la fin de ce mois de septembre, outre son souci d’unité –«une sortie honorable doit être trouvée pour Hamid Chabat», c’est d’ailleurs le souci des militants– il veut que ces assises soient démocratiques et que la nouvelle direction ait ainsi toute la légitimité. 4.000 congressistes sont prévus, qui doivent élire, le dernier jour, le 1er octobre, le secrétaire général. Le conseil national, de 1.000 membres issus des quelque 70 congrès provinciaux aura, lui, à désigner les 25 membres du nouveau comité exécutif deux ou trois semaines plus tard. Un gros enjeu pour le PI: arrivera-t-il à tourner une page et à se remettre en marche?