Najia Nadir. La dame patronnesse de oulad farès

Cette expatriée a fait don de 12 millions de dirhams pour la construction d’un lycée dans sa région natale de Ben Ahmed. Qui est-elle ? Qu’est ce qui la motive?

Elle est apparue telle une tornade dans le paysage médiatique marocain en djellaba bordeaux et un voile blanc. Najia Nadir est une femme simple qui ne cherche pas forcément la lumière. Pourtant, elle a décidé, le 16 février 2018, de sortir de l’anonymat à l’occasion d’un don exceptionnel de 12 millions de dirhams pour la construction d’un lycée et d’un internat à Ouled Farès, dans la province de Settat, lors d’une rencontre avec les élus de la Province de Settat et la délégation provinciale de l’Education nationale. Elle a également offert un million pour la réfection d’une autre école primaire. «C’est un grand jour pour moi. J’ai le sentiment d’avoir fait une bonne initiative qui profitera à plusieurs enfants. Ces enfants seront le levier de la société marocaine de demain», a-t-elle expliqué, quelques instants après avoir signé son partenariat avec les autorités locales lors de sa seule interview à visage découvert.

Réseaux sociaux
«Dieu merci, tout s’est bien passé. Le gouverneur a été parmi les premiers à me soutenir dans ce projet», assure-t-elle. La mécène, véritable dame patronnesse des temps modernes, a également expliqué son geste par la longue distance que doivent parcourir les élèves de sa région pour se rendre à leur lycée.

Un facteur parmi d’autres qui favorise, selon elle, la déperdition scolaire. «A l’heure actuelle, les enfants doivent parcourir environ 15 kilomètres pour aller à l’école. Pourquoi ne pas leur rapprocher l’école?», explique-t-elle. La bienfaitrice assure avoir fait ce don dans le seul but de «contribuer à l’amélioration de l’école rurale».

Déperdition scolaire
Najia Nadir est devenue un symbole du jour au lendemain, enflammant les réseaux sociaux, qui n’en demandaient pas tant pour la comparer à Fatima Al Fihriya, la fondatrice de l’université Al Qarawiyine à Fès. Des groupes Facebook portant son nom fleurissent à vitesse grand V sur la toile afin de la remercier de «ressusciter l’espoir chez les enfants et les Marocains ». «C’est un exemple pour notre société et une fierté pour le Maroc», peut-on lire sur la majorité des commentaires.

A la conférence de presse qu’elle a organisée à son domicile, elle a refusé d’être filmée, disant vouloir garder la discrétion absolue. La biographie de Najia Nadir est un secret bien gardé. On sait d’elle qu’elle a vu le jour dans la commune de Ouled Farès, une bourgade rurale près de Ben Ahmed, dans la province de Settat, dans la région de Chaouia-Ouardigha pas vraiment gâtée par la nature. Là-bas, les 11.000 habitants vivent principalement de l’agriculture et de pas grand’ chose d’autre. D’ailleurs, en 1998, Ouled Farès comptait plus de 30.000 âmes, mais la misère a poussé bon nombre de jeunes à chercher meilleure fortune ailleurs, en Italie ou en France.

Najia Nadir, elle, a choisi le Golfe, où elle s’est mariée à un riche Émirati. Devenue femme d’affaires, elle aurait fait fortune aux Emirats arabes unis grâce à des investissements bien sentis, avant de s’installer à Londres, avec son époux. «Je suis une citoyenne marocaine. J’ai vécu avec des gens issus de la classe populaire et j’en fais moi-même partie et j’aime la campagne. Tout le monde sait ici que j’aime les vaches, j’aime traire. Je trouve mon plaisir dans ces choses», a-t-elle confié toujours le visage caché. Malgré son aisance financière, elle garde toujours une pensée pour sa ville et son pays.

Volonté royale
A Ouled Farès, Najia Nadir est plus connue sous le nom de Hajja Zahra. C’est son père qui l’a affublée de ce sobriquet en hommage à la mère de Najia, décédée alors qu’elle était enfant. «Hajja Zahra est une bonne femme. Elle nous a construit une mosquée ici dans le douar Lehdilat et maintenant une école. Cela fait environ 12 ans qu’elle fait de bonnes actions ici», se réjouit un habitant de la commune. La bienfaitrice est allée encore plus loin en financement le pèlerinage de certains de ses concitoyens. «Elle m’a envoyé avec six autres personnes faire le hajj. Que Dieu la protège», réagit un habitant de sa commune. «Nous avons proposé à la Hajja de nous financer la réhabilitation de plusieurs endroits de notre école. Elle a fait plus que ça et a construit sept nouvelles salles de classe», confie de son côté Mohamed Mourtada, président de l’association des parents d’élèves de l’école primaire dont les travaux de réfection sont déjà avancés. Dans ses déclarations, Najia Nadir a aussi insisté sur l’importance de l’éducation conformément à la «volonté royale». «Nous suivons ses directives, nous sommes derrière lui», a encore assuré la bienfaitrice.

Actions pour la communauté
Pourtant, malgré cette générosité, certains lui prêtent des intentions politiques, notamment lors des communales de 2020. «Nous sommes des fils de la région, de père en fils. Je dis aux personnes qui l’accusent de faire ça pour se préparer aux élections que nous n’avons rien à voir avec ça», explique Rachid Nadir, le frère de Hajja Zahra, qui ajoute: «Ma soeur a les moyens et elle a, à plusieurs reprises, fait de bonnes actions pour la communauté. Sauf que, cette fois, elle a été médiatisée par la presse et les réseaux sociaux».

Grâce à ses nombreuses actions de mécénat, Najia Nadir démontre que la générosité fait partie intégrante de la culture marocaine. Cette médiatisation bienvenue pourrait réveiller des vocations chez certaines fortunes de notre pays. «J’espère de tout coeur que d’autres personnes suivront mon exemple», a déclaré, avec modestie, la dame patronnesse de Oulad Farès. Le message est on ne peut plus clair. Il s’adresse à nos nantis, davantage occupés à acheter des yachts et à se payer la villégiature sur les ports de Marbella, Monaco ou autre Nice.

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