La mélodie intemporelle «Hadi Kedba Bayna» de Najat Aatabou, sortie en 1992, résonne toujours et cette semaine, elle a fait l’actualité lorsque, après des années de bataille juridique, sa ténacité a enfin été récompensée, obtenant justice face à l’emprunt non autorisé de son œuvre par les Chemical Brothers en 2004.
En 1992, les douces vagues de la Seine et l’emblématique Tour Eiffel avait servi de toile de fond au clip musical de la chanson «Hadi Kedba Bayna» de la chanteuse marocaine Najat Aatabou. Ce tableau de notes et de rêveries avait uni, dans un ballet mélodieux, la quiétude de Paris à l’exaltation mélodique du Maroc.
Toutefois, la quiétude de ce tableau artistique fut troublée douze ans plus tard lorsque le duo britannique The Chemical Brothers, une des étoiles montantes alors de la scène électronique internationale, lança son titre «Galvanize» en empruntant sans autorisation préalable le refrain enchanteur de Mme Aatabou. Quand “Galvanize” remporte, en 2006, un Grammy Award pour le meilleur enregistrement dance, ils sont peu à savoir que derrière se cache une authentique mélodie marocaine. Le prélèvement musical des Chemical Brothers n’était cependant pas qu’une affaire de notes volées, mais une usurpation que certains ont considéré comme étant travestie de l’essence même de la musique de Mme Aatabou. Née en 1960 à Khémisset, celle qui rêvait, plus jeune, de devenir avocate s’est, depuis le début de sa carrière dans les années 1980, imposée comme une des virtuoses de la musique folklorique marocaine. Son timbre, unique et puissant, en avait même fait un symbole, saluée jusqu’au plus haut sommet de l’Etat en la personne du roi Hassan II, grand fan de “Najat”. Dans le monde féministe, on retient aussi son engagement en faveur des grandes causes de la femme marocaine avec des titres comme « Moudawana», «Sabara» ou encore «J’en ai marre ». En somme, une véritable personnalité de battante aussi bien au micro que dans sa vie sociale qui lui aura certainement beaucoup servi dans sa bataille juridique contre les Chemical Brothers.
Ainsi, face à l’injustice à son égard, elle n’a pas flanché. Armée d’une conviction inébranlable, soutenue par le producteur marocain Majesticon, elle a engagé une bataille juridique qui a duré dix longues années, cherchant à rétablir la justice. En cette fin septembre 2023, le tribunal de La Haye a rendu un verdict en sa faveur.
Il faut dire aussi que le conflit entre Mme Aatabou et les Chemical Brothers transcende la simple dispute juridique. Il symbolise une quête ardente de reconnaissance et de respect dans un univers musical souvent sourd à l’authenticité. C’était également un rappel poignant de la dynamique post-coloniale encore prégnante dans l’industrie musicale globalisée.
Mme Aatabou, par sa voix et sa détermination, a retrouvé non seulement la paternité de son œuvre, mais contribue aussi à redessiner le paysage musical, en établissant un précédent pour la protection des musiques traditionnelles dans l’arène mondiale. L’affaire a souligné l’importance de la reconnaissance des droits d’auteur, surtout pour les artistes de régions souvent sous-représentées. Désormais, chaque note de «Galvanize» résonnant à travers les ondes portera officiellement le nom de Najat Aatabou.