NADIA LARGUET, ANCIENNE VEDETTE DE LA TÉLÉVISION

Nadia Larguet : La cinquantaine, toujours belle et rebelle


Crédit : Leila Alaoui


Désormais quinqua, Nadia Larguet n’a en rien renoncé à ce qui avait fait d’elle une des grandes vedettes du petit écran marocain à l’aube des années 2000: à savoir du culot, mais aussi “de l’intégrité et de l’engagement”, valeurs maîtresses qu’elle tente aujourd’hui d’inculquer à Suleïman Alexandre, son grand garçon de 14 ans qu’elle avait eu avec son défunt “extra-terrestre” de mari, Nour-Eddine Saïl.

“Quel luxe, le jour où la télécommande a fait son apparition. On n’était plus obligé de se lever pour allumer la télévision”, raconte Nadia Larguet avec humour et légèreté, en revenant sur son enfance simple et joyeuse. “On se contentait de petites choses, avec mes deux soeurs”, confie l’ancienne animatrice vedette, passionnée depuis très jeune par cette petite boite qu’était la télévision à l’époque.

“Un jour, vous me verrez dedans”, disait- elle à ses parents, convaincue que sa passion la sauvera un jour, elle la dyslexique, “à la traîne à l’école”, selon ses propres mots, comparée à la majorité de ses camarades de classe, notamment au lycée Descartes à Rabat où elle décroche son bac au rattrapage. Mais ils n’étaient pas tous meilleurs qu’elle. Il y avait aussi son acolyte Younès El Aynaoui, «sur lequel elle ne pouvait même pas copier», mais qui deviendra plus tard l’un des premiers tennismen marocains et arabes à atteindre le top 20 ATP.

C’est dire que la réussite n’est pas forcément liée à un parcours scolaire brillant, mais à une flamme intérieure, un moral d’acier, une foi en ses rêves. Toute une génération se souvient d’elle: silhouette fine et élancée, look cool et chic, sa présence qui crève l’écran et sa joie de vivre qui contamine aussi bien les téléspectateurs que ses invités, des célébrités internationales de renoms (Gad Elmaleh, Julio Iglesias, Laurent Gerra, Franck Dubosc, ou encore les stars égyptiennes Nour El-Sherif, Boussy ou Ilham Shaheen, entre autres).

Elle a rejoint, suite à un casting, l’équipe de la deuxième chaîne marocaine 2M en 1997 après sa licence en poche en 1996, en histoire de l’art: option cinéma et audiovisuel à l’université Paris VIII (France). Sa première émission culturelle, «Entr’Act », a réussi à se tailler la part du lion de l’audimat de 2M, devenant l’émission phare d’un public de cinéphiles et de mélomanes au Maroc, avant d’animer par la suite «Bande à part», sa deuxième émission télévisée, accompagnée de chroniqueurs.

Vent de liberté incroyable
Anticonformiste et politiquement incorrecte était sa ligne de conduite, encouragée en cela par Nour-Eddine Saïl, arrivé de Canal+ en 2000 en tant que DG (il deviendra son mari en 2004) et qui avait réussi à apporter un nouveau souffle à l’audiovisuel marocain en érigeant 2M en chaîne généraliste, avec un programme diversifié qui comprend également des émissions comme celle de Mme Larguet, très ciblée adressée à un public francophone. “Dès ses premiers jours à la tête de 2M, il nous a convoqués pour nous dire que tous les animateurs producteurs sont responsables de leur contenu. C’était un vent de liberté incroyable, moins de censure”, se souvient-elle. Et justement, Mme Larguet saura quoi faire de cette liberté. En 2003, par exemple, pour soulever un sujet tabou, elle a ouvertement invité les jeunes -dans un épisode de «Bande à part»- «à sortir couverts», à utiliser des préservatifs pour lutter contre le SIDA.


Ce fut, alors, l’une des premières célébrités marocaines à franchir ce pas. Quelques années plus tard, en 2009, alors qu’elle était enceinte de 8 mois, elle pose en tenue d’Ève pour le magazine «Femmes du Maroc» pour une couverture à la Demi Moore, le ventre à l’air, couvrant sa poitrine de ses deux mains. “Je me suis sentie fière d’être marocaine dans un Maroc tolérant et libre qui n’a pas retiré le magazine des kiosques, tout un symbole!” Et M. Saïl, alors directeur général du Centre cinématographique marocain (CCM), n’avait aucunement hésité à la soutenir lors de cet épisode. “Il y a très peu d’hommes qui auraient pu appuyer leur femme parue sur une couverture, enceinte et presque nue dans un pays arabo-musulman”, estime-t-elle, rapportant les paroles quasi-prophétiques de M. Saïl disant: “Vous allez vous rendre compte de l’impact qu’aura cette couverture que dans quelques années si la liberté de la presse régresse dans ce pays”. “Aujourd’hui, en 2023, je ne suis pas certaine qu’on pourrait sortir cette même couverture au Maroc, je ne suis même pas certaine qu’un imprimeur l’imprimerait”, constate Mme Larguet avec du recul.

Style sans fioriture
Ainsi avec celui qu’elle surnommait “l’extraterrestre”, de vingt six ans son aîné et décédé en 2020, elle formait un binôme hors pair. “On avait en commun des valeurs d’intégrité et de loyauté. C’était un homme brillant, d’une culture incroyable qui avait une grande humilité”, ajoute cette mère épanouie d’un ado, Suleïman Alexandre (près de 14 ans actuellement), désormais sa priorité avant les affaires ou tout autre activité. “La seule chose qu’il faut inculquer à ses enfants, c’est le sens de l’intégrité et de l’engagement, c’est ce qui nous constitue en tant qu’individu et qui fait qu’on vous respecte”, assure-t-elle, relevant vouloir transmettre à son fils ces valeurs héritées de ses parents, sa mère française et son Berkani de papa, Boujemaâ Larguet Jdaïni, un des grands noms du basketball international, décédé en 2022. Et pour se consacrer à l’éducation de Suleïman, Nadia, qui s’est retirée du monde de la télévision, se contente d’un projet par an.

Dans ce sens, elle a écrit un court métrage, «Black Screen» sur le cinéma en 2015, monté une grande exposition sur les femmes en 2017 avec la sortie d’un livre, lancé un carnet de voyage pour les enfants avec l’Office national marocain du tourisme (ONMT) et le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) en 2021. En 2022 avec la Marocaine des jeux et des sports (MDJS), elle sort un coffret sur les sportifs, puis en 2023 elle sort un jeu de culture générale, en collaboration avec le ministère de la Culture et de la Jeunesse. Des projets qu’elle développe tranquillement, à son rythme. La cinquantaine aujourd’hui, cultivant son style très féminin-masculin sans fioriture, ni bijoux, Mme Larguet garde une fraîcheur intacte. Son secret, elle qui ne pratique aucun sport, ni régime spécial: “Fréquenter des gens positifs et faire du bien autour de soi quand on peut, notamment à travers diverses initiatives caritatives”, confie-telle, préférant profiter de la vie, au lieu d’être une femme d’affaires très occupée par une entreprise qui pourrait accaparer tout son temps.

Train de vie assumé
Pourtant, elle aurait pu tirer profit de son expérience et du capital sympathie et crédibilité dont elle dispose. “Avec un nom comme Nour-Eddine Saïl et Nadia Larguet, nous aurions pu mettre nos compétences en commun et lancer un projet, une boite de com’, une société de production, un cabinet de conseil, une école de cinéma,… Mais non, nous avons toujours préféré sacrifier tout cela au profit de notre liberté et notre train de vie assumé d’épicuriens”, affirme cette femme connue pour son franc-parler et son audace qui dérangent quelques-uns. “Je n’ai pas changé ma façon d’être, avant Noureddine, pendant mon mariage et après son décès”, ajoute-t-elle, avouant avoir toujours été plus à l’aise avec les hommes.

“Sur les photos que je poste sur mes réseaux sociaux, je ne pose essentiellement qu’avec des hommes”, souligne-t-elle avec «humour et décadence» (c’est sa devise), avant de confier tout en légèreté, “parce que le médecin avait annoncé à ma maman qu’elle attendait un garçon et finalement non!”. Libre à tout prix, abordant la vie avec légèreté, mais non sans sérieux et intransigeante quand il est question d’aller à l’essentiel, Mme Larguet le restera donc.

Nadia  Larguet avec son fils Suleïman Alexandre. Désormais sa priorité avant les affaires ou tout autre activité.
Nadia Larguet avec son fils Suleïman Alexandre.
Désormais sa priorité avant les affaires ou toute autre activité. Crédit : Luca Coassin.

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