Nacer Jabour : « Le soulèvement de la terre dans Al-Haouz est de l'ordre d'une vingtaine de centimètres »


Chef de division à l’Institut national de géophysique (ING), Nacer Jabour revient dans cet échange avec Maroc Hebdo sur les dimensions scientifiques et plus particulièrement géologiques du séisme d’Al-Haouz.

Une grande faille et un soulèvement de plusieurs centimètres. C’est en ces termes que Nacer Jabour, chef de division à l’Institut national de géophysique (ING), qui relève du Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST), décrit les deux principaux effets du séisme du 8 septembre 2023 sur la croûte terrestre dans la province d’Al-Haouz , où s'était trouvé l'épicentre. « Le soulèvement de la terre est de l'ordre d'une vingtaine de centimètres, expose-t-il. C’est un fait inédit ! Naturellement, il faut compter plusieurs années pour qu’un tel phénomène se produise en si peu de temps. »

Dans un aparté avec Maroc Hebdo, Pr Jabour fait savoir que le séisme renseigne sur la présence d’une grande faille tectonique. « A l’heure actuelle, une équipe pluridisciplinaire est en train de mener un travail de grande ampleur pour dresser un état des lieux général, détaille-t-il. Cette équipe est composée de chercheurs et de partenaires institutionnels. » Et de préciser que « les observations des scientifiques sur les constructions, les pentes, les différents types de sol qui ont impacté les édifices (…) nous arrivent en continu ».

A ce propos, Pr Jabour indique que les conclusions de ces « investigations » déboucheront, conformément au protocole mis en place, sur la reclassification de cette zone qui ne présentait aucun risque fort de sismicité et sur la refonte du code de la construction parasismique, entre autres mesures prévues par le comité interministériel de gestion des risques. C’est en effet la démarche qui sera entreprise après l’exploitation et l’analyse des indicateurs et données rapportées par la communauté scientifique.

Sismicité historique


Cette catastrophe naturelle survenue dans une région considérée comme étant une zone à risque sismique modéré, a-t-elle été prévue dans les études déjà réalisées ou par les radars de surveillance ? Pr Jabour a répondu en relevant que la sismicité historique ne mentionnait pas d’événements d’une telle ampleur dans le Haut Atlas, ajoutant que même les anciens chercheurs n’avaient pas pronostiqué un séisme de cette amplitude dans la région. Et de conclure son propos par une réplique devenue itérative au cours de l’entretien : « La secousse a soulevé la chaîne de montagne d’à-peu-près une vingtaine de centimètres. C’est un fait inédit. C’est du jamais vu ! »

En pratique, le Maroc a introduit plusieurs dispositions relatives à la gestion des risques des catastrophes naturelles, notamment en réalisant des études d’aptitude à l’urbanisation dont la feuille de route est l’apanage du ministère de l’Aménagement du territoire. Plusieurs régions ont bénéficié de ce programme, à l’instar d’Al-Hoceima, de Tétouan et M’diq, de Khénifra, etc. En réagissant à ce point, Pr Jabour avance que « les études sont en cours, il faut s’attendre à de nouvelles cartes d’aptitude à l’urbanisation. » « C’était déjà prévu, mais compte tenu de cet événement tragique, le processus s’accélérera », souligne-t-il.

Calme et inquiétudes

Au-delà des données scientifiques et des actions déployées en amont, Pr Jabour nous a fait part de sa réaction au moment où il a réalité que la terre était en train de vaciller. « J’étais immédiatement très inquiet, confie-t-il. Mes inquiétudes étaient difficiles à décrire en raison de l’amplitude de la secousse. Si un séisme d’une telle ampleur avait eu dans un milieu océanique, le risque du tsunami n’aurait pas été écarté. »

« Comme nous disposons de tous les appareillages qui permettent de contrôler le mouvement de la terre en temps réel, nous avons instantanément localisé le foyer du séisme, souligne-t-il. En me référant à nos écrans, j’ai vite compris que le séisme ne s’est pas produit dans la zone qui présente un haut risque de sismicité, ni d’ailleurs dans le milieu océanique. J’ai commencé à reprendre mon calme après avoir éloigné la potentialité de la survenance d’un tsunami, mais en même temps j’étais inquiet pour la population d’Al-Haouz. » Une inquiétude légitimée par le type de construction ainsi que le code architectural caractéristique dans la province.

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