AHHRC_1010

Nabil Benazzouz: "Nous sommes mobilisés pour accompagner le désenclavement des régions sinistrées et la reconstruction"


Regroupant les bureaux de conseil, d’études, de suivi, d’évaluation, d’audit et les laboratoires et couvrant les secteurs de la construction et travaux publics, l’eau, l’industrie, l’énergie, l’agriculture, l’environnement et les nouvelles technologies d’information, la FMCI a été sollicitée par les pouvoirs publics pour contribuer à la stratégie de désenclavement, de diagnostic et de reconstruction post-séisme d’Al-Haouz.

De prime abord, quelle est l’ampleur des dégâts du séisme d’Al-Haouz, selon vous?
Tout d’abord, permettez-moi de présenter en mon nom personnel et celui de la grande famille du conseil et de l’ingénierie nos vives condoléances aux familles des disparus et au Maroc entier et aussi de confirmer notre solidarité avec les familles sinistrées se trouvant sans abris et sans protection. Et ensuite, d’exprimer notre admiration envers l’approche humaine anticipative et rationnelle adoptée par l’Etat sous les instructions de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, que Dieu le glorifie.

Pour revenir à votre question, en fait, il s’agit d’un séisme puissant qui a frappé une région où l’habitat est majoritairement rural éparpillé sur des flancs de montagnes assez difficiles d’accès déjà en temps normal. Lequel accès a été rendu encore plus problématique après les éboulements provoqués par les secousses. La plupart des constructions étant de type traditionnel et utilisant des matériaux locaux sans dispositions structurelles particulières de soutènement des socles bâtis, elles ont été ravagées par le puissant séisme. Les secousses ayant survenu en pleine nuit où les habitants étaient presque tous chez eux, ont causé des écroulements et des amas de terre et de pierres sous lesquels les victimes ont succombé par étouffement.

Hélas, la multitude de villages, leur excentrement et leur isolement ont tendance à retarder la découverte d’autres victimes, ce qui risque d’alourdir davantage le bilan mortel déjà gravissime. Dans le cadre de la mobilisation nationale lancée par le Souverain, des dispositions particulières devront être prises pour faire face à l’approche des saisons froides caractérisée par l’avènement des averses et des crues d’automne. Ces facteurs naturels engendrent en temps normal des ravinements et des instabilités de talus et face à un sol foisonné par les secousses trouveront un terrain encore plus fragile pour emporter ce qui reste des habitations.

Vous venez de mettre sur pied une cellule ou une commission spéciale pour la gestion de l’après-séisme ou l’après-catastrophe. Cette commission regroupe quels professionnels et quelle mission lui a été dévolue?
Effectivement, dès qu’on a appris la malheureuse nouvelle, un communiqué général a été émis le samedi 9 septembre 2023 auprès de nos adhérents et dans la presse appelant nos adhérents à se mobiliser en participant d’abord aux actions humanitaires comme tous les citoyens tels le don de sang et les donations en nature (denrées alimentaires, couvertures, ...) au bénéfice des rescapés du séisme. Mais aussi annonçant la création d’une cellule spéciale au sein de la FMCI formée de membres volontaires du conseil d’administration et d’experts du conseil et de l’ingénierie toutes spécialités confondues.

Cette cellule a pour mission de s’adjoindre d’autres membres et experts pertinents avec les besoins identifiés; de proposer des actions à mener pour contribuer au relèvement de la crise et effets de la catastrophe mais aussi des actions et approches anticipatives et structurantes à même d’atténuer à l’avenir l’impact de telles catastrophes; d’hiérarchiser, prioriser les actions en concertation avec les pouvoirs publics et forces vives du pays; d’assurer la coordination des actions au bureau et sur terrain et de rendre compte au conseil d’administration de la FMCI et au besoin et éventuellement à l’assemblée générale.

Comment différents professionnels (ingénieurs, topographes...) peuvent-ils coordonner leurs interventions?
C’est l’un des sujets pour lesquels les pouvoirs publics, dont notamment les ministères de l’Habitat, de l’Equipement et de l’Intérieur ont été sollicités pour contribuer à cette coordination des différentes composantes de l’éco-système: conseil et ingénierie, géomètres topographes, entreprises, fournisseurs de matériaux...

Votre cellule a été sollicitée par les autorités dans un premier temps à effectuer des diagnostics sur les bâtiments, écoles et internats détériorés du fait du séisme d’Al-Haouz en vue de détecter ceux habitables (ou praticables) ou non ou encore les infrastructures endommagés. Comment allez-vous s’y prendre et dans quels délais?
En vérité, il s’agit d’une demande assez complexe et engageante avec comme enjeu les vies humaines des rescapés et pour laquelle nous sommes en train de constituer et mobiliser des équipes itinérantes polyvalentes composées d’ingénieurs et experts génie civil, hydrauliciens, hydrogéologues, géotechniciens,... devant faire les premiers constats de la situation et émettre des recommandations aux autorités locales et administrations concernées. Nous les accompagnons aussi dans le désenclavement des régions sinistrées (routes, etc) et dans la reconstruction des ouvrages et des bâtiments.

Conformément aux orientations royales, l’une des étapes de la gestion de l’après-catastrophe est le relogement de près de plusieurs centaines de milliers de personnes sinistrées. Quel rôle peut jouer votre cellule spéciale dans cette phase et quelles dispositions va-t-elle prendre pour imposer les normes de construction parasismique?
Le relogement est une priorité immédiate mais qui doit se faire avec beaucoup de sagesse et d’esprit préventif comme disait le général à son chauffeur : «roulez doucement... je suis pressé». Cette opération devra tenir compte des données de sorties d’une analyse des risques multicritères, itérative et tous azimuts: séisme, inondations, environnement,... puisant d’abord dans les données disponibles et complétée par des investigations et mesures éventuelles.

Un logement rural peut être solide et durable vis-à-vis de plusieurs aléas, y compris le séisme et ce même s’il a été construit des matériaux locaux. Mais ceux-ci doivent être bien étudiés sélectionnés et bien mis en oeuvre avec une interaction sol-structure bien identifiée et maitrisée. Enfin, une meilleure définition du rôle, missions et responsabilités des différents intervenants dans l’acte de bâtir: autorités, promoteurs, architectes, conseil et ingénierie, géomètres- topographes, entreprises, fournisseurs de matériaux,... est plus que jamais d’actualité.

Articles similaires