Amale Samie
Je pense que j’ai trouvé ma voie: les fesses. Généraliste frustré, j’errais dans l’ennui, en embrassant trop pour tout mal étreindre, mais, un matin de cuite mal amortie, j’ai eu une révélation. Au lieu d’aimer la femme tout entière, je vais aimer ses somptueuses protubérances, d’ailleurs je les ai vite adorées, sans mentir.
Je suis sûr que dans une vie antérieure j’étais Nabil Ayouch, l’homme à la camera inquisitrice. Ou peut-être que j’étais cette caméra? J’aime à le croire parce que j’ai musardé dans le film et j’ai eu la certitude qu’on m’avait déjà présenté au joli ptit cul de la môme Abidar qui use aussi bien de ses muqueuses consacrées que de sa bouche qui, pourtant, se risque vaillamment dans les fellations. Ah, bonté divine, ce film de deux heures où ça baise dans tous les coins !!!
La vérité? Much loved, qui aurait pu s’appeler Much fucked, m’aurait émoustillé il y a 20 ans, mais Nabil Ayouch, qui n’est pas périmé, a certainement payé de sa personne, puisqu’il a consacré toute une année à la fréquentation des maquerelles et des travelos marrakchis. J’espère quand même qu’il n’emmenait pas ses joyeuses à chaque fois parce que les putes de Marrakech sont capables de vous les vider juste avec des petits slurps.
Loubna excelle dans cet art de donner du plaisir qui voisine la gastronomie. Vive les esquimaux, en somme, et quand j’étais encore vert, ce genre de scènes me mettait dans un drôle d’état et il fallait que l’une ou l’autre le paie de toute manière. Mais j’exagère, j’ai toujours pratiqué l’équité dans mes activités kama-soutresques. Mais revenons à “So much fucked”. Tout le monde lui est tombé dessus à bras raccourcis. D’ailleurs, on pouvait au moins avoir des doutes sur la qualité du film, mais en ayant vu les trois quarts je suis certain que Ayouch n’a pas inventé le soufre. C’est pourtant ce pionner des “jungles” qui nous a invités dans ses miasmes.
Alors faut pas qu’il nous prenne pour des imbéciles, le film était trop cru pour échapper à la colère hypocrite des censeurs autoproclamés et il y a bien plus de séquences torrides que ne l’avoue Loubna Abidar, qui a été proprement lynchée par la meute des pithécanthropes propulsés gardiens de la morale, des bonnes moeurs et de la protection de nos enfants. La réalité est sinistre et le salut de notre jeunesse ne passe certainement pas par les non-dits. Pour empêcher les adolescents de sombrer dans le stupre tarifé, il faudra éradiquer la misère et que la force censée protéger les Marocains de ce fléau soit intègre. Tout ce qui grouille la nuit est impliqué dans ce crime que Nabil Ayouch n’a pas commis. Les taximen, les flics, les parents, l’école, tout doit être mis en oeuvre pour que les glapissements des chacals cessent.
Quant aux consommateurs, on devrait les avoir constamment à l’oeil pour que Loubna Abidar cesse de prononcer en la savourant cette phrase qui sonne comme un hymne salace: «Vive les Saoudiens qui baisent les vagins marocains». On l’entendra même dire un «vive l’Israélien » incongru et qui a l’air d’être rapporté. Aussi rapporté que l’amour de la Palestine professé au beau milieu d’une orgie.
Mais le film de Ayouch n’est pas un film porno. L’intention n’y est pas et il n’y a pas que du sexe. Il y a aussi l’amour, qui, comme une fleur, a percé du fumier; et la drogue; sans parler de l’alcool, qui est en quelque sorte le lubrifiant des soirées hot. Je soupçonne Nabil Ayouch d’avoir été plus que complaisant dans les bacchanales, c’est ainsi qu’on a eu droit à des nuits à rallonges où l’on finit par s’ennuyer.
Je doutais de pouvoir trouver le film intéressant, il est captivant avec ses faux airs de documentaire dépeignant la réalité, mais j’y ai trouvé de la chair humaine, des drames familiaux et des amours spéciales, comme celui de la petite Randa larguée dans la cocaïne et l’homosexualité. Une petite nana frêle et émouvante.
Mais Loubna Abidar crève l’écran, passant de la sensibilité au langage le plus cru. Elle est dans son rôle, on est bien au Maroc et dans le monde sale du pain de fesses. Mais je persiste, je vais devenir cinéaste et filmer du cul, quitte à payer de ma propre personne, mais je ne donnerai pas tout, comme notre courageux cornichon, j’en garderai un peu pour l’usage domestique.
Amale Samie