Mouline : “Le Maroc est bien armé pour passer d’un importateur d’énergie grise à un exportateur d’énergie verte”

ENTRETIEN AVEC SAÏD MOULINE, directeur général de l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique (AMEE)


Impact des énergies renouvelables sur la préservation de l’eau et la facture énergétique du Maroc, les avantages de l’efficacité énergétique, l’industrie et l’agriculture verte… Autant d’aspects abordés dans cet entretien avec Saïd Mouline, directeur général de l’Agence marocaine de l’Efficacité énergétique (AMEE).

 

Dans son discours prononcé le 14 octobre 2022 lors de la rentrée parlementaire, le roi Mohammed VI a insisté sur la préservation de l’eau dans ce contexte de stress hydrique. Comment les énergies renouvelables peuvent-elles contribuer à l’atteinte de cet objectif?

L’AMEE a intégré l’économie dans ses projets depuis quelques années, un secteur qui englobe l’économie de l’eau, de l’énergie, la gestion des déchets et l’économie de tous les intrants industriels. Aujourd’hui, il est très important de ne pas gaspiller l’eau. Il existe un lien très fort entre l’eau et l’énergie, puisque le transport, le dessalement et le traitement des eaux usées nécessitent l’utilisation de l’énergie. Les énergies renouvelables, dont les coûts ont beaucoup baissé, pourraient permettre une baisse des prix de l’eau dessalée et celle traitée à partir des eaux usées. Elles peuvent également permettre de produire de l’hydrogène vert, qui est le résultat de l’électrolyse de l’eau par des énergies vertes.

Nous avons un cluster Hydrogène vert qui regroupe tous les partenaires ministériels, les agences dédiées ainsi que les opérateurs. Ce groupe travaille sur l’aspect réglementaire dans la mise en place des projets, destiné aux nombreux investisseurs étrangers qui sont de plus en plus intéressés par la production d’hydrogène vert au Maroc dans plusieurs filières. Au niveau national, de grandes entreprises marocaines s’activent aussi dans ce domaine, notamment le groupe OCP, qui vise la neutralité carbone en 2040 et qui souhaite produire de l’ammoniac vert au Maroc via l’hydrogène.

Aujourd’hui, plusieurs pays prévoient d’importer l’hydrogène vert de pays à faibles coûts de production. Notre pays est donc bien armé pour passer d’un importateur d’énergie grise, dont la facture pourrait passer de 80 milliards à 150 milliards de dirhams à cause de la conjoncture mondiale, à un exportateur d’énergie verte, vu son énorme potentiel dans ce domaine.

 

Votre structure a lancé, le 26 janvier 2021, le programme “Tatwir croissance verte” en partenariat avec le ministère de l’Industrie et de l’Economie verte et Maroc PME. Où en êtes-vous?

Ce programme vise à encourager les Petites et moyennes entreprises (PME) à intégrer les énergies vertes dans leurs activités. Nous avons d’ailleurs signé des conventions avec toutes les banques qui proposent des lignes de financement vert, souvent avec 10-15% de subventions, pour faciliter l’accès aux fonds pour les entrepreneurs qui souhaitent investir dans ce domaine. L’AMEE a également mis en place un guide sur la décarbonation destiné aux industriels, en partenariat avec le cluster solaire. Nous avons récemment signé une convention avec la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) pour intégrer l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables dans les hôtels dans le Fonds de rénovation de ces établissements.

Des résultats notoires ont été enregistrés puisque 80% des projets déposés pour bénéficier de ce fonds contiennent ce volet. L’agence développe aussi des projets de pompage solaire dans l’agriculture pour inciter les agriculteurs à utiliser les énergies renouvelables dans leurs activités, ce qui leur permettra d’économiser de l’eau dans ce contexte de stress hydrique, et des initiatives dans la mobilité durable dans nos villes pour favoriser l’éco-conduite, les pistes cyclables et l’usage des voitures électriques. Toutes ces actions d’économie d’énergie sont plus qu’urgentes et très rentables dans ce contexte d’inflation des prix de l’énergie à l’international provoquée par cette crise géopolitique.

 

Justement, cette augmentation des prix de l’énergie à l’international, notamment ceux du gaz à cause de la guerre russo-ukrainienne, est-ce une preuve supplémentaire que le renouvelable est l’énergie du futur?

La flambée des prix de l’énergie sur le marché mondial a accéléré la transition énergétique. On parle de plus en plus de souveraineté énergétique. Le Maroc a très tôt pris les devants grâce à l’initiative royale de développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique lancée en 2009. Un programme qui a permis au Royaume de disposer actuellement de nombreuses centrales solaires et éoliennes qui permettent de gérer une grande partie de la consommation locale. Il est heureux de constater que tous les gros consommateurs industriels marocains, notamment dans la sidérurgie, la cimenterie, l’Office national des chemins de fer (ONCF), utilisent de l’électricité verte moins chère, parce que cette transition écologique a un impact positif sur leur croissance.

L’AMEE travaille aussi avec les administrations dans le volet efficacité énergétique et sur l’équipement de leurs locaux en toits solaires afin de réduire leur facture énergétique. Elle a mis à leur disposition des standards minimum énergétiques pour les appareils pour permettre aux industriels de connaitre leur niveau de consommation afin de choisir celui qui consomme le moins et l’acheter à prix moins cher l

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