L’artiste urbain Mouad Aboulhana a été victime la semaine dernière d’un acte de vandalisme par les autorités de Tanger. Ces dernières ont détruit un portrait en hommage à la photographe marocaine Leïla Alaoui. Une décision qui a vite été annulée par le wali de la région.
Vous avez été sommé de détruire votre magnifique fresque réalisée sur la façade du Technoparc de Tanger en hommage à la photographe marocaine Leïla Alaoui. Qui vous a ordonné cette destruction et quels ont été ses arguments?
Tout allait bien jusqu’à ce que j’aie commencé à dessiner les yeux du portrait de la défunte photographe marocaine Leïla Alaoui. Les autorités de la ville sont vite intervenues et m’ont demandé d’effacer les yeux. Je n’ai pas compris le pourquoi de cette décision. J’ai refusé catégoriquement de le faire. Il s’agissait d’une oeuvre en hommage à Leïla Alaoui pour laquelle j’éprouve énormément de respect et d’admiration. C’est ma première expérience dans la réalisation de fresques géantes et j’étais très fier. Qu’on vienne m’ordonner de détruire une oeuvre et un effort artistique qui n’a pas de prix pour moi, c’est hors de question.
Face à ce refus catégorique, les autorités ont décidé de le faire elles-mêmes, en détruisant le portrait. J’étais sous le choc et anéanti. Je ne comprenais pas comment et pourquoi on peut détruire une belle oeuvre de la sorte. Après, on m’a expliqué que je ne disposais pas d’autorisation spéciale pour réaliser un portrait sur cette façade. Chose que je n’arrive toujours pas à concevoir.
Aujourd’hui, vous avez repris la conception de votre fresque. Est-ce que la mobilisation sur les réseaux sociaux a joué en votre faveur?
Après la destruction du portrait de Leïla Alaoui, j’ai publié une vidéo sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, où la vidéo a été largement partagée. Plusieurs artistes, journalistes et de simples citoyens se sont mobilisés en faveur de ma cause et ont regretté cet acte de vandalisme. Après cet élan de solidarité, j’ai été accueilli par le wali de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Mohamed Mhidia. Il m’a expliqué qu’il s’agissait d’un simple problème de communication et il a veillé en personne à ce que je reprenne mon oeuvre.
Ce n’est pas la première fois que ce genre d’incident arrive au Maroc. L’artiste italien Millo nous a fait part de sa grande déception lorsque sa fresque de Casablanca a été détruite l’année dernière. Rencontrez-vous souvent ce genre de mésaventure?
Pour l’affaire de l’artiste italien Millo, c’est différent, car ce sont les propriétaires de l’immeuble qui ont décidé de détruire son oeuvre pour des raisons publicitaires. Pour mon cas, ce sont les autorités qui ont pris cette décision. Mais ce que j’observe ces derniers mois, et d’après les remontées terrain des autres artistes urbains, c’est qu’il y a eu une augmentation des destructions d’oeuvres murales et de fresques dans plusieurs villes marocaines.
Ces actes de vandalisme sont inquiétants et n’augurent pas d’un développement de cette forme d’art qui ne fait qu’embellir la ville et contribue à sa promotion touristique et culturelle. Vous savez, le Street Art va avoir une place importante dans notre vie et dans nos villes. Nous sommes en train d’assister à l’émergence de plusieurs artistes urbains très doués. Au lieu de leur mettre les bâtons dans les roues, il faut les valoriser et leur faciliter l’octroi des autorisations par exemple.
Je ne suis pas contre ces autorisations, je suis pour la réglementation de ce secteur, mais il faut que ça soit fait sans zèle, tout en garantissant à l’artiste sa liberté d’expression. Chaque région marocaine devra être dotée d’un bureau artistique dont la mission est de faciliter les activités artistiques urbaines.