MOSTAFA TERRAB. L'HOMME DE L’ANNÉE 2019

Si le groupe OCP peut aujourd’hui s’enorgueillir de compter sur le plan international, c’est à force d’un travail de longue haleine entamé dès février 2006 par son PDG Mostafa Terrab la direction du géant phosphatier.

Il y a sans doute bien longtemps que Maroc Hebdo aurait dû faire de Mostafa Terrab son homme de l’année. Car celui qui dirige le groupe OCP depuis maintenant plus de treize ans se distingue, au cours de chaque exercice, à un point tel que le fait de ne jamais l’avoir consacré jusqu’ici a tout, tout bien considéré, de la maladresse. Désormais celle-ci est donc enfin réparée. M. Terrab rejoint finalement le «panthéon», si l’on peut dire, des personnalités qui, pour Maroc Hebdo, ont particulièrement marqué l’année de leur empreinte. Mais dans cet oubli de notre part il y a sans doute, un peu, de la personnalité du concerné.

Un homme de l’ombre
Dirigeant d’une des institutions publiques les plus florissantes du Royaume (près de 56 milliards de dirhams de chiffres d’affaires en 2018) au point où l’on en parle souvent comme du bras financier de l’Etat, M. Terrab n’en reste pas moins, paradoxalement, un homme de l’ombre, ne se livrant que très rarement dans les médias. «En quoi ma personnalité peut-elle intéresser votre lectorat?, » demandait-il, il y a quelques années de cela, à un hebdomadaire de la place qui lui avait consacré un portrait.

C’est là où réside d’ailleurs la difficulté de le cerner. Qui est finalement M. Terrab? Il suffit bien sûr de relire sa fiche sur l’encyclopédie Wikipédia pour réciter les dates: naissance à Moulay Driss Zerhoun le 19 octobre 1955, puis études brillantes qui l’amènent successivement à fréquenter, au tournant des années 1980, l’Ecole nationale des ponts et chaussées française et le Massachusetts Institute of Technology, aux Etats-Unis (il est même pendant six ans, de septembre 1986 à juillet 1993, assistant et chercheur dans cette dernière institution); enfin, une très honorable carrière de commis d’Etat du Cabinet royal, où il est à partir de 1992 chargé de missions et plus tard, en avril 1996, membre du fameux groupe de quatorze conseillers dont Hassan II se fait entourer à la fin de son règne -le G14-, jusqu’au groupe OCP donc en passant par l’Agence nationale de régulation des télécommunications (ANRT), dont il est directeur général de février 1998 à avril 2002 -il a également travaillé, dans la première partie des années 2000, à la Banque mondiale (BM). Mais ces informations ne disent finalement rien de M. Terrab, si ce n’est qu’il est, de un, nécessairement compétent, de deux, apprécié en haut lieu.

Valeur et visibilité
Cette considération à son égard peut d’ailleurs se relever dans le simple fait qu’il ait été désigné, le 12 décembre, au sein de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), chargée, comme son nom l’indique, d’adapter le modèle de développement national. On pourrait aussi ajouter, comme caractéristique personnelle de M. Terrab, un patriotisme chevillé au corps, et cela s’explique sans doute aisément par son ascendance: son grand-père maternel n’est autre que Moulay Larbi Alaoui, un nationaliste de la première heure et un personnage emblématique du paysage politique marocain. Sa mère n’est autre que Lalla Aïcha Terrab, une femme de coeur très impliquée dans l’action sociale.

Mais au final, il faudrait peut-être simplement se contenter, comme lui-même le préconise, de ses réalisations -«ma valeur ajoutée et ma visibilité doivent servir l’OCP», aime-t-il à rappeler. Et ces réalisations, justement, ne manquent pas: si le groupe OCP peut aujourd’hui s’enorgueillir de compter non seulement au Maroc, mais sur le plan international et notamment en Afrique, c’est à force d’un travail de longue haleine entamé dès février 2006, au moment où le roi Mohammed VI décide de confier à M. Terrab la direction du géant phosphatier.

Culture de du résultat
«Il n’y avait que ruines à l’époque,» se souvient un cadre du groupe OCP qui a vécu de près les années de gestion catastrophique qui ont presque rendu le risque de faillite une réalité. Imprégné de culture anglo-saxonne depuis ses années outre-Atlantique -sa maîtrise de la langue de Shakespeare est réputée excellente-, fort du soutien royal, M. Terrab revoit complètement l’organisation et pousse à adopter une culture de la performance et du résultat qui n’avait jamais vraiment eu cours au sein de l’ancien Office chérifien des phosphates (OCP), devenu société anonyme en février 2008. Entouré notamment de jeunes, il responsabilise ses collaborateurs, à qui il prête volontiers l’oreille pour se faire prodiguer des conseils. Le mandat de M. Terrab a eu comme pinacle la fameuse Stratégie de transformation industrielle globale, qui aujourd’hui permet au groupe OCP de produire douze millions de tonnes de phosphates par an, contre seulement 1,7 million par an.

D’ici 2028, et ce grâce à un programme de 100 milliards de dirhams investis sur dix ans, le groupe pourrait même, si tout se passe comme prévu, s’accaparer la moitié du marché mondial des phosphates. Malgré une demande qui fluctue et qui, certaines années, impacte négativement le chiffre d’affaires, le groupe OCP n’en parvient, ainsi, pas moins à dégager des bénéfices et même à prétendre au titre d’un des plus gros contributeurs financiers aux caisses de l’Etat -quelque 50 milliards de dirhams rien qu’au cours de la décennie écoulée.

Offensive diplomatique
Son poids dépasse carrément aujourd’hui, du fait de la politique de M. Terrab, la seule dimension économique: le Maroc fait aujourd’hui du groupe OCP un de ses principaux instruments diplomatiques. On a ainsi vu M. Terrab accompagner le roi Mohammed VI lors de sa tournée africaine d’octobre et novembre 2016 pour notamment signer, en Ethiopie et au Nigeria, des accords pour la création d’unités de production d’engrais phosphatés dans les deux pays, pour un coût respectif de 3,7 et 2,3 milliards de dollars. Il est d’ailleurs souvent entre deux avions pour trouver de nouveaux débouchés pour l’industrie phosphatière marocaine. Dans le sillage de l’offensive diplomatique du Royaume en Afrique pour préparer son retour dans les instances continentales, le groupe OCP avait, au passage, procédé au lancement, en février 2016, à OCP Africa, d’une filiale entièrement tournée vers le continent et présente aujourd’hui dans 18 pays.

Le bilan est, pour ainsi dire, très flatteur. Indéniablement, des améliorations sont encore à faire, et ce du propre aveu de M. Terrab: en mars 2019, le président-directeur général du groupe OCP avait ainsi qualifié de «pertinentes» les remarques de la Cour des comptes sur les problèmes observés au niveau de la planification de l’activité et de la programmation de la production. Mais cela est, tout compte fait, positif, puisque cela veut dire qu’il est encore possible d’améliorer ce qui, au vu du point de départ, reste très satisfaisant. Faire toujours mieux, visiblement un autre trait de caractère de M. Terrab décelable sans avoir à le connaître...

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