Dans une interview à la Harvard Business School menée par le professeur Geoffrey Jones, le PDG du groupe OCP, Mostafa Terrab, raconte comment il a fait de l’OCP, un leader mondial des phosphates.
L’exercice n’est pas usuel pour les grands patrons marocains. C’est en effet, pour la première fois, qu’un grand patron marocain, en l’occurrence le PDG du groupe OCP, Mostafa Terrab, se confie dans une longue interview en mars 2023 à la prestigieuse université américaine, Harvard Business School. Une interview-fleuve dans laquelle il expose tout son parcours professionnel avec toutes les expériences vécues que ce soit au Maroc ou à l’étranger. Considéré comme l’un des plus grands dirigeants économiques au monde, il voulait probablement, à travers, cette interview, transmettre aux étudiants de la Harvard Business School et à tous les étudiants dans les grandes écoles et les universités de management sa vision et son riche savoir-faire dans la gestion et la conception des stratégies entrepreneuriales gagnantes.
Riche carrière
L’interview commence par une question sur son retour au Maroc après quelques années passées à la Banque mondiale à Washington en tant que chef économiste et son entrée au cabinet royal. Devenu conseiller royal, faisant partie du fameux G14 qui comptait également l’ancien ministre du tourisme, Adil Douiri ou encore l’actuel chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, Mostafa Terrab raconte la première mission qui lui a été confiée par le défunt Roi, à savoir créer une agence de développement des zones arides au Maroc. «Feu Hassan II voulait développer ces zones et trouver des nouvelles technologies capables d’amener vers un développement agricole et d’autres types de développement» raconte-t-il. Après quelques années au cabinet royal, en tant que « conseiller junior », selon son expression, M. Terrab prend la tête du Secrétariat du Sommet économique Moyen Orient/Afrique du Nord, une initiative conjointe de Feu Hassan II et l’ancien ministre israélien des affaires étrangères, Shimon Peres, devenu par la suite président de l’État hébreu.
Ce dernier estimait que la création de ce sommet économique pouvait accompagner le processus de paix qui était en cours entre les Palestiniens et les Israéliens avec les conférences d’Oslo et de Madrid. Mais ce processus économique s’est effondré avec l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995. Mostafa Terrab se verra ensuite confier une nouvelle mission royale à savoir la création et la mise en place de l’Agence nationale de la réglementation des télécoms. C’était en 1997. Un an plus tard, Mostafa Terrab réussit l’exploit d’accorder la seconde licence GSM à un consortium d’investisseurs internationaux pour la création d’un nouvel opérateur téléphonique, Médi Telecom. A cette occasion, Feu Hassan II avait consacré tout un discours télévisé à cette grosse opération pour parler de la nouvelle politique économique du Maroc visant à renforcer son ouverture sur les investissements internationaux. Grâce à cette opération d’envergure, Mostafa Terrab a vu son aura et son prestige managérial augmenter d’une façon importante sur le plan international.
Le sauveur de l’OCP
En 2006, SM le Roi Mohammed VI le nomme à la tête du groupe OCP. Une nouvelle mission royale que M. Terrab raconte avec beaucoup de passion. Pour lui, il s’agit plutôt d’un défi qu’il a accepté. « J’ai été nommé parce qu’il y avait quelques points d’interrogation. Le gouvernement remettait en question la situation de l’OCP qui était à l’époque une entreprise déficitaire », précise-t-il. Une situation qui n’était pas en accord avec la taille des réserves de phosphates au Maroc. Sachant que le Royaume détenait plus de 70% des réserves mondiales des phosphates. Tout en excluant un problème de mauvaise gestion, le patron du groupe explique que les pertes financières étaient générées par le fait que l’activité principale de l’entreprise consistait à vendre le minerai ou ce qu’est communément appelé « la roche phosphatée ».
Or, les prix des phosphates stagnaient sur le marché international alors que les coûts industriels ne cessaient d’augmenter, ce qui conduisait l’entreprise à subir des pertes financières importantes. Suite à un audit médico-légal réalisé par le cabinet international Kroll, il a été établi qu’il y avait un manque de stratégie au sein du groupe. Chose que Mostafa Terrab et son équipe ont tenté de corriger. « La seule issue était d’ajouter de la valeur à la roche phosphatée ou en faisant divers produits finis », explique-t-il en affirmant que le groupe a pu investir massivement dans la production des engrais, ce qui a permis à l’entreprise de sortir rapidement de sa situation déficitaire. Pour accompagner son développement, notamment à travers la mise en place de nouvelles usines de production, OCP a opéré en 2008 une transformation juridique. D’une entreprise parapublique régie par le droit administratif, OCP devient une société régie par le droit des sociétés.
Allégations infondées
Cette transformation juridique a permis notamment une gestion plus fluide du groupe à travers un conseil d’administration présidé par le PDG et où les représentants du gouvernement agissent comme de véritables administrateurs. Sur les critiques régulièrement adressées par les ennemis de l’intégrité territoriale du Royaume, qui disent que les principales réserves des phosphates du Maroc sont localisées dans le Sahara marocain, Mostafa Terrab saisit l’interview accordée à l’université américaine pour apporter un démenti cinglant à ces accusations. Il explique, en effet, documents et chiffres à l’appui, que «le Sahara marocain ne possède que 2% des réserves nationales des phosphates». Il ajoute que les revenus relatifs à ces réserves sont réinvestis dans les provinces du Sud et profitent donc d’une façon directe à la population locale. Tout au long de son échange avec le représentant de l’université américaine, le patron du groupe OCP a livré des faits et des chiffres qui attestent de la réalité de l’exploitation des phosphates au Maroc. Une réalité qui se matérialise désormais par la naissance d’un géant international des phosphates. OCP est ainsi devenu, en quelques années, un leader mondial grâce à la compétence, la détermination, le sérieux et la persévérance d’un manager hors norme.