Mohcine Benzakour: "Le Maroc compte aujourd’hui plus de pervers sexuels qu’auparavant"

ENTRETIEN AVEC MOHCINE BENZAKOUR, PSYCHO-SOCIOLOGUE

La tragédie de l’enfant Adnane a remis sur la table le phénomène de la violence sexuelle à l’égard des enfants. Dans cet entretien, le psycho-sociologue Mohcine Benzakour explique les raisons de l’aggravation de ce phénomène au Maroc et comment le combattre

Ces derniers jours, plusieurs affaires de violences sexuelles à l’égard des enfants ont été révélées, particulièrement sur le réseau social Facebook. Est-ce qu’il y a eu effectivement une augmentation sensible de ces crimes ou s’agit-il plutôt d’une médiatisation accrue?
Je tiens tout d’abord à rappeler que ce phénomène de pédophilie et de pédosexualité ne date pas d’aujourd’hui. La violence sexuelle à l’égard des enfants et les affaires de viols sont ancrées dans la société marocaine. Que ce soit au niveau des anciennes écoles coraniques, chez les petits métiers et les petites employées de maison, l’abus sexuel et pervers envers les enfants a toujours existé. La seule différence avec ce qui se passe aujourd’hui, c’est que la société s’est, en partie, libérée de plusieurs tabous et de la loi du silence. L’avènement des réseaux sociaux a permis à cette catégorie de la population de révéler des actes de violences sexuelles. Ils ne font que retracer ces actes pédophiles et pédosexuels qui sont omniprésents dans notre société.

Dans la tragédie de l’enfant Adnane, les gens ont exprimé leur colère et ont exigé l’application de la peine capitale. Certains ont eu des réactions jugées très violentes. Que pensez-vous de ces réactions?
Je pense qu’il s’agit simplement d’un moment de colère et qui est passé. C’est normal d’avoir ce genre de réactions. Personnellement, j’ai été très touché par cette tragédie, maintenant chacun peut exprimer sa colère à sa façon. Pour la peine capitale, je ne vous cache pas que je suis pour son application, mais j’estime que ce n’est pas le bon moment pour en parler et en débattre.

Quelle est la différence entre un pédophile et pédosexuel?
Un pédophile est une personne qui éprouve des attirances particulières sexuels envers les enfants. Il peut ne pas passer à l’acte et on peut l’aider, l’accompagner et le soigner. En revanche, un pédosexuel éprouve des tendances sexuelles accompagnées de violence. Son acte est prémédité et lorsque l’enfant tente de se protéger, la violence du pédosexuel peut s’avérer extrêmement violente. L’aspect criminel caractérise l’approche de ce genre de personnes. Ils sont violents et leur accompagnement est quasiment impossible. Il faut être très sévères à leur encontre.

Comment en sommes-nous arrivés là? A cette violence caractérisée envers les enfants, à l’émergence d’un phénomène plus grave, le pédo-kidnaping et aux meurtres les plus atroces?
Ces formes de violences à l’égard des enfants, considérés des maillons faibles et facilement manipulables, s’expliquent par plusieurs raisons d’ordre social. Si aujourd’hui, on compte plus de pervers qu’auparavant, c’est en partie à cause de la situation sociale que traversent plusieurs Marocains, une situation qui ne s’améliore pas selon eux, engendrant des sentiments de frustration et de haine. Je ne dis que les affaires de viols ne sont perpétrées que par des pauvres, mais la pauvreté peut en constituer l’une des causes, en plus des déchirures sociales, de la persistance des tabous, de la passivité et l’oisiveté.

Comment contenir l’aggravation de ce phénomène social?
L’éducation sexuelle est l’élément essentiel dans la lutte contre les violences sexuelles à l’égard des enfants. Cette éducation peut commencer dès l’âge de 2 ou 3 ans. On doit apprendre à l’enfant et lui expliquer son corps et comment l’aimer, comment respecter l’autre et la différence des genres. Le harcèlement des femmes dans la rue, par exemple, est dû à l’absence de cette éducation sexuelle. Nous avons une mauvaise représentation de ce qu’est la sexualité, qui doit être un moment d’échanges, de découvertes, d’amour et de sensualité.

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