Mohamed Seddik Maâninou, Le fabuleux parcours d'un grand journaliste



Ce professionnel des médias a vécu les événements les plus passionnants du Maroc post-indépendance. Il les restitue dans ses mémoires publiés en quatre tomes.

L’homme arbore un sourire jovial. Dans un café prestigieux à Rabat Agdal, au petit matin du mardi 20 février 2018, la rencontre tourne rapidement à un passionnant cours d’histoire qui nous plonge dans les méandres de la vie politique du Maroc après l’indépendance. Mohamed Seddik Maâninou, en intellectuel averti, regrette profondément l’absence de livres qui racontent l’histoire contemporaine du Maroc. Des livres à travers lesquels les générations actuelles pourraient connaître les réalités difficiles du Maroc sous le protectorat français et du Maroc moderne post-indépendance. «De nombreux résistants nationalistes, parmi les plus importants, ayant joué un rôle déterminant dans la lutte armée contre l’occupant, sont actuellement tombés dans l’oubli parce qu’il n’existe pas de livres qui racontent leur vie et honorent leur mémoire », explique-t-il.

Un voyage magnifique
Partant de ce constat, l’ancien secrétaire général du ministère de la Communication est depuis longtemps animé par l’idée de marquer la scène littéraire nationale par des livres qui racontent, à travers sa carrière à la télévision nationale et au ministère de la Communication les grands évènements politiques et sociaux qui se sont produits dans le pays. Au terme de plusieurs années d’écriture, ponctuées par une recherche documentaire, il réussit à publier quatre livres, sous forme de mémoires, qu’il a baptisés Ayam Zamane (les jours d’antan). Avec son style recherché, rédigé en arabe classique, et une précision historique infaillible, il parvient à nous faire vivre un voyage magnifique à travers l’histoire du Maroc, avec ses facettes les plus complexes et les plus passionnantes.

Mohamed Seddik Maâninou, qui a vu le jour à Tanger, le 5 mars 1944, a tenu d’abord à rendre un vibrant hommage à son père, feu Haj Ahmed Maâninou, le «alem», le nationaliste, le résistant, décédé en 2003, à l’âge de 97 ans. L’un des fondateurs du parti Achoura wa Listiqlal, Haj Ahmed Maâninou était une figure éminente de la résistance qui a contribué par son savoir et son engagement politique à fonder le Maroc moderne. À son regretté père, il consacre un grand livre de 500 pages, sorti en 2013, qui retrace le parcours de cet intellectuel hors pair ayant à son actif littéraire une oeuvre abondante de plus de 25 livres traitant de la politique, de la résistance et de la culture. Après des années d’exil, à Tanger, à l’époque sous occupation espagnole, la famille Maâninou regagne la ville de Salé, dont elle est originaire, en 1946. Mohamed Seddik y vécut toute son enfance et sa jeunesse, dans une atmosphère politique marquée d’abord par les affres de la colonisation puis l’ambiance épanouie de l’indépendance. Mais il garde un attachement viscéral à sa ville natale, Tanger, où étaient installés ses grands parents maternels. Tout en poursuivant ses études de droit à l’université Mohammed V de Rabat, Mohamed Seddik est engagé comme répétiteur dans l’enseignement et comme traducteur à la télévision nationale.

Des journées chargées pour un étudiant ambitieux qui aspire à entrer dans la cour des grands. Bien servi par son éloquence parfaite, son arabe qu’il maîtrise à la perfection, et sa plume facile et agréable, il se fait un chemin au sein de la télévision nationale.

Un attachement viscéral
De simple traducteur, il gravit rapidement les échelons de la responsabilité dans ce qui était encore à l’époque l’unique média audiovisuel pour les Marocains. Il se retrouva vite catapulté «speaker» puis présentateur de journal télévisé en arabe. En quelques jours, il devient une grande vedette de télévision, connu de tous les Marocains. Il officiera pendant dix ans au journal télévisé. Un parcours magnifique auquel il n’était pas du tout destiné et grâce auquel il devient un fin connaisseur des rouages de l’information et du journalisme. En 1978, il accède au poste de directeur de la télévision nationale, qu’il va assurer jusqu’à 1984. Puis commence pour lui une nouvelle carrière, dans l’administration, d’abord en tant que directeur de l’information puis comme secrétaire général au ministère de la Communication.

Après avoir travaillé pendant quelque temps avec de Abdellatif Filali, qui fut ministre de l’Information, il devient le plus proche collaborateur de Driss Basri, qui cumulait les postes de ministre de l’Intérieur et de l’Information, en remplacement de Abdellatif Filali, en 1985. Mohamed Seddik Maâninou se souvient encore, avec humour, de ce changement spectaculaire.

«L’arrivée de Driss Basri à l’information a eu lieu sur un coup de tête de feu SM Hassan II. Ce dernier avait visionné un épisode de «Watiqa» sur la RTM, une émission consacrée à raconter les parcours et les témoignages des anciens hauts responsables. Ce jour-là, l’émission avait invité Mehdi Benaboud, qui fut premier ambassadeur du Maroc indépendant à Washington. Ce dernier avait tenu des propos un peu désobligeants à l’égard du système politique en place, notamment la monarchie. De tels propos ont mis en colère feu SM Hassan II», raconte-t-il.

Avec l’arrivée de Driss Basri à l’Information, les médias au Maroc changent totalement de cadre politique et fonctionnent sous la tutelle écrasante du ministère de l’Intérieur. Parmi les mesures prises à l’époque: un commissaire a été nommé à la télévision nationale pour superviser toutes les émissions et les journaux d’information.

A cela s’ajoute la mesure exceptionnelle qui dictait que toutes les informations couvrant les activités de Driss Basri devaient être validées, avant leur diffusion, par deux hauts cadres du ministère de l’Intérieur. Mohamed Seddik Maâninou se remémore cette époque douloureuse mais néanmoins porteuse de nombreux acquis pour la profession journalistique au Maroc. Il cite notamment les cartes de train, négociées pour faciliter les déplacements des journalistes, la prise en charge par l’Etat de nombreuses dépenses, notamment d’impression et de téléphone en faveur des journaux, mais surtout le projet d’offrir un siège social au Syndicat national de la presse marocaine.

Une tutelle écrasante
Des avancées qui font la fierté de cet homme de médias hors du commun dont la belle carrière laisse rêveur. Celle-ci est marquée notamment par un grand reportage de télévision réalisé à l’occasion de l’organisation de la Marche verte en 1976. En hommage à son beau parcours, Seddik Maaninou a reçu deux décorations royales: la première est le Wissam El Arch de l’ordre du capitaine, accordé par feu SM le Roi Hassan II. Et la deuxième est un Wissam El Arch du mérite national de l’ordre de commandeur, accordé en novembre 2016, par SM le Roi Mohammed VIl.

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