Au lendemain de l’adoption par la chambre des représentants du projet de loi des finances 2024, le président du groupe parlementaire du RNI, Mohamed Ghayate, revient pour nous sur la genèse de ce projet et les objectifs sociaux qui ont présidé à son élaboration.
Le projet de loi des finances (PLF) 2024 vient d’être adopté par la Chambre des représentants, mercredi 15 novembre 2023. Pensez-vous que ce projet réponde aux nouveaux enjeux économiques et sociaux auxquels fait face le Royaume?
Ce PLF 2024 est caractérisé par une double audace: politique et managériale. Une audace politique qui se manifeste dans le fait que le gouvernement est venu dans un contexte international marqué par l’incertitude et la multiplication des crises économiques et géopolitiques et un contexte national difficile du fait que nous sommes à la sortie de la crise sanitaire et la succession de deux années de sécheresse. S’ajoute à cela le dernier séisme dévastateur qui a touché récemment les provinces d’Al-Haouz. Malgré ce contexte, le gouvernement continue la mise en oeuvre des chantiers structurants de notre économie et la transformation de la société par la mise en place de l’État social dans ses diverses composantes. Quant à l’audace managériale, elle se dessine, à mon avis, à travers les efforts déployés pour trouver les marges de financement des différents chantiers économiques et sociaux sans pour autant toucher aux équilibres macro-économiques et en préservant la soutenabilité de nos finances publiques.
Comment trouvez-vous les amendements apportés au PLF dans le cadre de vos négociations avec le gouvernement au sein de la commission des finances?
Dans le cadre de nos négociations avec le gouvernement, nous avons ciblé les mesures qui pourraient avoir des effets négatifs sur le pouvoir d’achat des Marocains. Il s’agit plus particulièrement des mesures relatives à la taxe sur la valeur ajoutée en matière d’électricité, d’eau et de transport urbain. Autrement, nous avons estimé que le citoyen doit être préservé des effets résultant de l’aménagement des taux de cette taxe. Donc, nous avons, tout en maintenant les dispositions de la mise en oeuvre de la réforme de la TVA, neutralisé leurs effets sur les prix sur le marché et par conséquent sur le panier des ménages. Une proposition d’amendement que le gouvernement a accepté. Cet amendement de taille me semble d’une grande importance.
Dans quelle mesure?
L’acceptation de cet amendement fait que le budget de l’État va supporter plus de 45 dirhams pour chaque facture moyenne d’électricité, à titre d’exemple, à la place du consommateur. De même, cet amendement permet aux citoyens, notamment les étudiants et les utilisateurs des moyens de transport publics tels que les bus et le tramway, de continuer à utiliser ce service avec le même prix.
Estimez-vous suffisant le relèvement des revenus non imposables en matière de l’IR de 30.000 à 40.000 dirhams, alors même que le pouvoir d’achat des Marocains ne cesse de se dégrader?
En matière de fiscalité, ce gouvernement met en oeuvre une loi-cadre qui restait en stand-by depuis plusieurs années. Une loi qui était le résultat des assises nationales sur la fiscalité de 2019 et qui avait comme thème l’équité fiscale. La mise en oeuvre de cette loi-cadre par le gouvernement de Aziz Akhannouch, se fait de manière courageuse et progressive. Pendant l’année en cours, nous avons voté comme majorité au parlement une loi des finances qui comportait la réforme de l’impôt sur les sociétés avec un échéancier de trois années. Cette année, nous sommes en train de réformer la TVA avec un échéancier là aussi de trois ans en plus de certains aménagements en matière de l’IR notamment en matière de contrôle de la situation globale des personnes physiques. La réforme de l’IR, nous l’avons entamée en 2022 et nous continuons à le faire. Mais de dire que l’exonération de la tranche des salaires annuels de moins de 40.000 dirhams permettra, à elle seule, de sauvegarder le pouvoir d’achat est une compréhension tronquée de ce champ. Pour nous, la préservation du pouvoir d’achat passe par plusieurs leviers, et l’IR n’est qu’un élément.
Quels sont, selon vous, ces leviers?
Pour préserver le pouvoir d’achat, le gouvernement a agi sur le levier fiscal par l’exonération des produits de consommation de masse de la TVA. C’est le cas notamment du lait, des médicaments, des conserves de sardines, du beurre d’origine animale. C’est le cas également de l’exonération des fournitures scolaires, etc. Dans le même objectif, le gouvernement, par le biais du mécanisme du dialogue social, augmente les revenus des familles et de la classe moyenne. Citons à ce titre l’augmentation du SMIG de 10%, l’augmentation des salaires des professeurs universitaires de 3.000 dirhams, des médecins de 4.000 dirhams, entre autres. Le PLF 2024 prévoit, en plus, près de 10 milliards de dirhams (MMDH) pour ce volet. Aussi, lorsque le gouvernement généralise la couverture médicale et baisse les prix des médicaments ou lorsqu’il octroie des aides directes aux ménages défavorisés ou encore lorsqu’il octroie des aides au logement, n’est-il pas en train de préserver le pouvoir d’achat voire de l’augmenter? Il faut démystifier cette mauvaise compréhension et voir les choses dans leur ensemble et pas que la partie vide du verre.
Pensez-vous que ce PLF 2024 est susceptible de couvrir les dépenses sociales de l’État, notamment celles relatives au chantier de la reconstruction de la région d’Al-Haouz?
Notre pays a pu, en trois semaines, faire face à un séisme dévastateur au moment où d’autres pays n’ont pas pu le faire durant des années. De même, le gouvernement a pu mettre en place des mesures d’urgence pour assister et aider les sinistrés par la fourniture des tentes, des produits alimentaires de base et la mise en place d’un plan de continuation des services publics de l’enseignement et de santé, en plus de l’aide directe de 2.500 dirhams par mois pendant une année que les personnes concernées ont perçues à partir du mois d’octobre. Ce sont des efforts importants qui ont été réalisés.